Baby-Loup: suite du débat sur la laïcité devant la cour d'appel

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    Baby-Loup: suite du débat sur la laïcité devant la cour d'appel AFP/Archives - Jacques Demarthon
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Le feuilleton de la crèche Baby-Loup va connaître un nouveau round judiciaire, à la cour d'appel de Paris: le parquet général va demander aux magistrats de "résister" à la Cour de cassation qui avait annulé le licenciement d'une salariée voilée au travail.

Dans les conclusions qu'il a remises lundi soir, le procureur général François Falletti préconise de ne pas suivre le chemin tracé par la plus haute juridiction judiciaire qui avait annulé le 19 mars le licenciement de Fatima Afif de cette crèche privée, dans la banlieue défavorisée de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines).

L'affaire est rejugée sur le fond comme le permet la procédure.

Selon une source proche du dossier, le procureur général considère que "l'employeur a la possibilité de faire respecter la neutralité religieuse".

Le magistrat défendra l'idée que la liberté religieuse est un principe fondamental, tout en considérant que le règlement intérieur de la crèche peut poser des restrictions au regard des missions des salariés qui travaillent au contact des enfants et d'un public multiculturel.

Fait rarissime, le procureur général et le premier président Jacques Degrandi siégeront à la cour d'appel, auréolant cette audience de la plus grande solennité.

"Le seul but de cette audience est de tenir en échec la décision de la Cour de cassation", a réagi Me Michel Henry, l'avocat de Mme Afif, en souhaitant que ce procès rétablisse "une vérité maltraitée".

"Mme Afif est présentée comme quelqu'un qui a cherché à imposer ses convictions islamiques; la vérité est que c'est Natalia Baleato (la directrice) qui s'est radicalisée, devenant une sorte de Jeanne d'Arc de la lutte contre le voile au point d'exacerber les tensions dans le quartier".

L'avocat de la crèche Me Richard Malka, lui, ne doute pas que "la décision de la cour d'appel sera une étape importante dans l'histoire de la laïcité", érigeant l'affaire Baby-Loup en "symbole national".

La fin de l'idéal universaliste

Selon lui, la cour est devant deux directions: "soit pour réaffirmer que le meilleur moyen pour vivre ensemble est d'encadrer le prosélytisme religieux, soit pour s'orienter vers un droit fait d'accommodements et alors il en sera fini de l'idéal universaliste".

Dans un arrêt qui a fait l'objet de vives critiques, la Cour de cassation avait estimé que "s'agissant d'une crèche privée", ce licenciement constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses".

En 2008, Fatima Afif, de retour d'un congé maternité suivi d'un congé parental, avait annoncé son intention de garder son foulard au travail. Ce qu'avait refusé la directrice, invoquant la "neutralité philosophique, politique et confessionnelle" inscrite au règlement intérieur.

L'ex-employée avait été déboutée à deux reprises par la justice, une première fois devant le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (Yvelines) en novembre 2010, puis devant la cour d'appel de Versailles en octobre 2011.

Plusieurs personnalités dont la philosophe Elisabeth Badinter et Jeannette Bougrab, ancienne présidente de la Halde, s'étaient à l'époque engagées au côté de la crèche.

L'arrêt Baby-Loup avait suscité une volée de critiques parmi les défenseurs d'une stricte laïcité de droite comme de gauche, notamment le ministre de l'Intérieur Manuel Valls qui a "regretté" cette décision.

Alors que plusieurs voix s'étaient élevées pour réclamer un texte législatif, François Hollande avait installé en avril un Observatoire de la laïcité, pour formuler des "propositions". Si ce dernier a estimé mardi qu'"une loi n'est pas nécessaire à ce stade", il recommande à la crèche de préciser son règlement intérieur.

La crèche associative, financée par des fonds publics, fermera ses portes le 31 décembre. La conséquence selon elle d'années de procédure et d'un climat de pressions au sein du quartier de la Noé.

Son déménagement dans la ville voisine de Conflans-Sainte-Honorine, sur la proposition du sénateur-maire PS Philippe Esnol, ardent défenseur de la laïcité, est suspendue à des financements qui lui font défaut actuellement.

Fondée en 1991, la crèche accueille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 des enfants de familles monoparentales aux horaires décalés.

Source : AFP

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