Van Gogh-Artaud à Orsay: le peintre et son double

  • Un auto-portrait de Vincent Van Gogh exposé au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014
    Un auto-portrait de Vincent Van Gogh exposé au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014 AFP - Bertrand Guay
  • "L'église d' Auvers-sur-Oise vue du chevet" (G) et "Paysage sous un ciel tourmenté" de Van Gogh, exposés au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014
    "L'église d' Auvers-sur-Oise vue du chevet" (G) et "Paysage sous un ciel tourmenté" de Van Gogh, exposés au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014 AFP - Bertrand Guay
  • Une vue générale de l'exposition Van Gogh/Artaud au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014
    Une vue générale de l'exposition Van Gogh/Artaud au Musée d'Orsay à Paris, le 10 mars 2014 AFP - Bertrand Guay
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AFP

Le poids des mots. Le choc des peintures: le musée d'Orsay propose à partir de mardi une passionnante exposition d'oeuvres de Van Gogh, accompagnée des écrits enflammés d'Antonin Artaud sur le peintre.

"Non, Van Gogh n'était pas fou". C'est la société qui l'a poussé au désespoir et au suicide, clame en 1947 l'écrivain français, qui sort lui-même de neuf ans d'internement psychiatrique.

Intitulée "Van Gogh, le suicidé de la société", l'exposition présente 45 tableaux et sept dessins du peintre d'origine hollandaise. "Un exploit", déclare à l'AFP Guy Cogeval, le président d'Orsay, qui a obtenu de nombreux prêts.Pendant longtemps, la légende autour de Van Gogh (1853-1890) a pris le pas sur l'art, réduisant ses toiles à l'expression d'une folie en germe ou en crise

- "Ecrire sur un autre fou" -

Après la Seconde guerre mondiale, le galeriste parisien Pierre Loeb suggère à Artaud (1896-1948) d'écrire "sur un autre fou", Van Gogh, raconte Isabelle Cahn, commissaire de l'exposition. Pour le faire réagir, il lui envoie un extrait du livre "Du démon de Van Gogh", écrit par un psychiatre François-Joachim Beer, qui décortique les troubles mentaux du peintre.

L'écrivain, qui a subi 58 séances d'électrochocs entre 1943 et 1945 à l'hôpital de Rodez et dont un psychiatre aurait voulu "redresser la poésie", voit rouge. Il écrit d'un jet sur un cahier d'écolier le début de son livre "Van Gogh, le suicidé de la société".

"Non Van Gogh n'était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l'angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie" et des politiques d'alors, fustige le poète. Pour écrire son petit livre, il a visité l'exposition Van Gogh qui se tient à l'Orangerie début 1947 et s'est fait lire à voix haute les lettres du peintre à son frère Théo.

- En pleines convulsions -

Pour Artaud, Van Gogh était d'"une terrible sensibilité". Plusieurs autoportraits du peintre permettent au visiteur de se confronter à "sa figure ensorcelante de boucher". "C'est le regard d'une personne qui se scrute sans complaisance, avec une lucidité extrême", relève Mme Cahn, conservateur en chef à Orsay.

Paul Gauguin, qui a rejoint Van Gogh en octobre 1888 à Arles, est présent avec une toile puissante représentant son fauteuil, sur lequel est posé un bougeoir allumé. Par ce portrait métaphorique, Van Gogh fait de Gauguin le porte-flambeau de la nouvelle peinture. Mais il laisse aussi entrevoir la passion dont il brûle pour son ami.

Le 23 décembre 1888, l'atmosphère étant devenue électrique entre les deux hommes, Van Gogh menace Gauguin d'un rasoir et se tranche le lobe de l'oreille.

Il est interné à l'hôpital d'Arles. Six mois plus tard, c'est lui qui demande à être soigné à l'hôpital psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence. Il en peint le jardin: terre rouge, arbres tourmentés.

Artaud apprécie que Van Gogh peigne "des choses de la nature inerte comme en pleines convulsions".

Il aime aussi sa "couleur roturière", ses jaunes, le rouge du vieil édredon dans sa chambre à Arles.

En 1890, Van Gogh s'installe à Auvers-sur-Oise où vit le docteur Paul Gachet, médecin et collectionneur. Son portrait par Van Gogh est imprégné du poids de la mélancolie.

Artaud est persuadé que Gachet est la "cause directe" de la mort de Van Gogh car, assure-t-il, "il le détestait comme peintre et par dessus tout comme génie".

En juillet 1890, Van Gogh se tire une balle dans le ventre et meurt deux jours plus tard à l'âge de 37 ans. En mars 1948, Artaud, atteint d'un cancer inopérable, décède dans sa chambre d'Ivry, probablement d'une overdose de sédatifs, à l'âge de 51 ans.

"Car ne sommes-nous pas tous comme le pauvre Van Gogh, des suicidés de la société!", s'exclamait-il quelques mois plus tôt dans son livre.

Source : AFP

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