Thaïlande: les manifestants prêts à former leur propre gouvernement

  • Le Premier ministre de Thaïlande par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, le 13 décembre 2013 à Tokyo, au Japon Le Premier ministre de Thaïlande par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, le 13 décembre 2013 à Tokyo, au Japon
    Le Premier ministre de Thaïlande par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, le 13 décembre 2013 à Tokyo, au Japon AFP/Archives - Kazuhiro Nogi
  • Des manifestants anti-gouvernement à Bangkok, le 7 mai 2014
    Des manifestants anti-gouvernement à Bangkok, le 7 mai 2014 AFP - Nicolas Asfouri
  • La Première ministre thaïlandaise destituée Yingluck Shinawatra (C) fait signe à ses partisans, le 7 mai 2014 à Bangkok
    La Première ministre thaïlandaise destituée Yingluck Shinawatra (C) fait signe à ses partisans, le 7 mai 2014 à Bangkok AFP - Pornchai Kittiwongsakul
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AFP

Les manifestants thaïlandais ont annoncé jeudi être prêts à former leur propre gouvernement, jugeant "illégitime" le cabinet par intérim resté aux manettes malgré le limogeage de la Première ministre, Yingluck Shinawatra.

Cette annonce est une première, même si ce scénario relève pour l'heure de la fiction, le gouvernement intérimaire agissant dans un cadre légal, à la suite du limogeage de Yingluck par la Cour constitutionnelle.

Le Premier ministre par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, nommé mercredi, "n'a aucune légitimité", assure à l'AFP Akanat Promphan, porte-parole des manifestants.

L'annonce de la liste des membres de ce "gouvernement" sera faite lors d'une grande journée d'action vendredi, qualifiée de décisive par les manifestants.

Mais la formation de ce qui ressemble fort au "conseil du peuple", non élu, auquel aspire l'opposition, risque d'être perçue comme une provocation.

"C'est la ligne rouge à ne pas franchir. Ou bien les Chemises rouges (qui soutiennent Shinawatra) descendront en masse", redoute l'analyste indépendant David Streckfuss, interrogé par l'AFP.

"Si, comme on s'y attend, aucun compromis politique n'est trouvé, et que l'opposition continue de chercher à faire tomber ce qui reste du gouvernement intérimaire par des moyens judiciaires, il y aura un risque accru que des paramilitaires des Chemises rouges mènent des actions sporadiques", selon Alecia Quah, analyste spécialisée en sécurité.

Comme s'y attendaient les experts, les manifestants ne se sont donc pas satisfaits du seul départ de Yingluck Shinawatra, qui incarnait la perpétuation au pouvoir du "clan Shinawatra", dont les partis remportent toutes les élections depuis 2001.

Car le Premier ministre par intérim est aussi un proche de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, qui continue à donner le la ,malgré son exil après un coup d'Etat en 2006.

"La Première ministre part, l'impasse reste", a titré en une jeudi le Bangkok Post.

- Basculement proche ? -

Les espoirs des manifestants d'un basculement proche dans cette crise qui s'éternise depuis six mois sont portés par une deuxième décision judiciaire, attendue dans les prochains jours, peut-être dès jeudi.

La Commission anticorruption (NACC) pourrait forcer au départ ce qui reste du gouvernement, selon les analystes, si elle le reconnaissait coupable de "négligence" dans le cadre d'un programme d'aide aux riziculteurs.

Cela pourrait conduire à une interdiction de vie politique pour Yingluck et plusieurs de ses ministres, dont Niwattumrong Boonsongpaisan, pour cinq ans.

Le pouvoir exécutif serait alors vacant, au grand bonheur des manifestants, tenant prêts leur "gouvernement" et refusant les législatives prévues le 20 juillet.

"Je ne pense pas que le programme d'aide aux riziculteurs ait le même potentiel" que l'affaire qui avait fait tomber un précédent gouvernement pro-Thaksin fin 2008, estime David Streckfuss.

"Mais qui sait?", ajoute-t-il, alors que les institutions judiciaires thaïlandaises sont réputées proches de l'opposition, représentant l'élite royaliste traditionnelle.

La Cour constitutionnelle a déjà chassé du pouvoir deux Premiers ministres pro-Thaksin en 2008, ouvrant alors la voie du pouvoir à l'opposition.

Celle-ci, incarnée par le Parti démocrate, proche des manifestants, est accusée par le parti Puea Thai au pouvoir de n'arriver à se hisser aux manettes que par le biais de "coups d'Etat judiciaires".

La défiance des manifestants vis-à-vis du système électoral et leur volonté de repousser sine die les élections suscitent des craintes quant à leurs aspirations démocratiques.

Les Etats-Unis ont insisté mercredi sur la nécessité de nouvelles législatives, alors que la Thaïlande fonctionne sans Parlement depuis des mois, les manifestants ayant empêché le déroulement normal des législatives de février.

Les manifestants sont soutenus par les élites proches du Palais royal, qui considèrent le "clan Shinawatra", vainqueur de toutes les législatives depuis 2001, comme une menace pesant sur la monarchie. Le roi de Thaïlande est âgé de 86 ans.

Depuis le putsch de 2006 contre Thaksin, la Thaïlande est engluée dans un cycle de crises au cours desquelles descendent dans la rue ennemis et partisans du milliardaire.

La crise en cours a déjà fait au moins 25 morts, le plus souvent lors de tirs isolés à Bangkok.

Source : AFP

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