Damien Lacombe, président de Sodiaal: la volonté en héritage

  • Damien Lacombe, sur son exploitation de Noyès, voit un horizon dégagé.
    Damien Lacombe, sur son exploitation de Noyès, voit un horizon dégagé. Philippe Routhe
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Philippe Routhe

Portrait. Depuis le 8 janvier, Damien Lacombe est à la tête Sodiaal, 5e groupe coopératif laitier mondial. Le fils de Raymond Lacombe a grandi à côté de l’engagement de son père.

Dans les sphères économico-politiques parisiennes, il n’est pas rare qu’on demande au nouveau président du groupe laitier Sodiaal s’il a un lien de parenté avec Raymond Lacombe. La question fait généralement sourire l’intéressé. Son père a marqué l’histoire du monde agricole, mais ses nouveaux interlocuteurs ne font pas forcément le lien. C’est bien la preuve qu’il a su tracer sa propre route. Un Lacombe, originaire de l’Aveyron, avec de hautes responsabilités dans le milieu agricole: bon sang ne saurait mentir."Lui, c’était le réseau syndical, moi c’est le réseau coopératif. Ce n’est pas pareil. Et cela m’a bien arrangé que l’on ne fasse pas le parallèle", confie Damien Lacombe. "Mais avec mon père, il y a la même finalité: se battre pour les autres et l’avenir."
Le 8 janvier dernier, cette route l’a mené à la tête du premier groupe coopératif laitier français, troisième européen et cinquième mondial. À Camboulazet, sur l’exploitation familiale où vit toujours sa mère, qui s’ouvre sur les plateaux du Lagast et du Lévezou, ou bien boulevard du Montparnasse à Paris au siège de Sodiaal Union, son horizon reste le même: la défense des intérêts des adhérents de la coopérative. Comme un écho au slogan qui a accompagné son père, "Pas de pays sans paysans".

De la force et de l'optimisme

Sa force, c’est les autres. Notamment ces quatorze mille producteurs sur lesquels reposent les fondements de Sodiaal. En témoigne le bon souvenir qu’il garde de la tournée bretonne effectuée en 2011 au moment du rapprochement décisif avec Entremont. "On a fait une trentaine de réunions, avec parfois 300 ou 400 paysans bretons dans la salle. On leur expliquait notre stratégie. On s’est fait un peu rentrer dedans, mais toutes ces rencontres, c’était chouette " , raconte Damien Lacombe. En témoigne aussi son regard sur la planète aujourd’hui. "Ces agriculteurs du monde entier que je croise, c’est une chance. Elle est intéressante la période dans laquelle on vit."
C’est vrai que Damien Lacombe est d’une nature optimiste. Il est du genre à voir le verre de lait à moitié plein. Il nourrit "l’espoir d’un monde meilleur" comme disait Jacques Delors à propos de Raymond Lacombe.
Damien Lacombe n’ignore évidemment pas les tracas du monde aujourd’hui. Et de ses adhérents. En cela, se retrouver en première ligne confère aussi à un beau casse-tête pour le paysan de Noyès. "Disons que l’on prend des décisions à court terme qui ne sont parfois pas comprises. Mais c’est dans le cadre de notre stratégie à moyen terme, qui a toujours pour objectif de favoriser la profession."

La coopération, un exercice d'équilibriste

Pour mener à bien cela, il sait le réseau coopératif suffisamment fort. "On a la chance d’être une grosse coopérative. Le conseil d’administration se réunit une fois tous les deux mois, mais le bureau, c’est toutes les semaines ou presque. Et l’on a les remontées de ce qui se passe sur le terrain, de ce que ressentent les exploitants. De même que l’on fait redescendre vers la base le plus d’informations possible."
Damien Lacombe est arrivé à la tête du groupe à un moment stratégique. Sodiaal venait juste de sceller le partenariat avec 3A, propulsant le groupe coopératif dans la cour des grands.
Le grand écart entre la Chine, les États-Unis, l’Afrique, et les exploitants français, c’est l’exercice d’équilibriste de la coopérative. "Être performant, maintenir la taille critique pour aller sur les marchés, compter sur le plan international et fédérer autour de nous", dresse Damien Lacombe en guise de feuille de route. "Pour cela, on s’est bien entouré et on s’entoure encore." Sa motivation, il la trouve aussi dans les messages que peut désormais faire passer Sodiaal. "On peut apporter une autre vision, la nôtre. Et ne pas laisser les entreprises privées dicter leur choix. C’est d’autant plus intéressant en ce qui nous concerne, que sur le plan européen, le modèle coopératif est très développé."
Si bien que c’est avec une certaine sérénité que l’exploitant aveyronnais voit poindre la sortie des quotas laitiers, prévue en 2015, et qui va marquer un tournant dans l’histoire de l’agriculture. "À l’horizon 2020, on sait que l’on va perdre des producteurs, c’est démographique. Mais on table sur une hausse de 7 à 8% des volumes. On s’est bien préparé."
Pour autant, il ne prédit pas un avenir sans soubresauts. Mais sent la coopérative prête à amorcer le virage. "Lors de notre prochaine assemblée générale, nous ferons des annonces importantes dans le cadre de l’installation des jeunes agriculteurs", relate encore Damien Lacombe. Tout en disant cela, il note le plaisir qu’il a de voir un de ses fils prêt, à terme, à reprendre l’exploitation, avec un voisin de la famille tout aussi motivé. De bon augure. " Il y aura toujours un paysan à Noyès!" , s’exclame-t-il. Son père aussi aurait souri.
 

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