Jean-Christophe Vergne a plusieurs cases à son art

Sur le site internet de BD Gest, Jean-Christophe Vergne a encore les cheveux longs. On a pour le coup aucun mal à l’imaginer en classe, il y a quelques années de cela (il a aujourd’hui 49 ans), stylo en main, en train de croquer ses profs au lieu d’écouter religieusement les cours. Le jeune Figeacois a attrapé le virus du croquis de bande dessinée très tôt. Et n’a jamais cherché à le soigner. Au contraire. À cette époque-là, il a même envoyé par courrier des planches à Pierre Tranchant, le fameux auteur de la BD à succès Les profs.

"Et il me les renvoyait, corrigées et accompagnées de quelques conseils." Pour lui, cela valait toutes les notes ou appréciations. Rien ne pouvait l’arrêter dans ce parcours semé d’embûches, où la concurrence est rude, où imaginer vivre de son dessin relève de la gageure. Au gré des rencontres, il a réussi à avancer de plusieurs cases. Aujourd’hui, il donne aussi les appréciations. Quand il n’est pas concentré sur ses planches, Jean-Christophe Vergne distille en effet les secrets de sa passion. Que ce soit dans son atelier à Figeac, au musée Fenaille, à la MJC de Rodez, dans les écoles, les médiathèques. "J’ai une certaine passion pour l’enseignement", confesse-t-il. Et, pour le coup, tant mieux si ses «élèves» croquent pendant qu’il parle! Dernier public en date: celui de la maison d’arrêt de Druelle. C’est la première fois qu’il intervient en milieu carcéral.

"Quand le Spip (1) m’a proposé d’animer un atelier là-bas, je n’ai pas hésité une seconde", souffle-t-il. L’envie de découvrir un nouvel univers et d’aller à la rencontre des gens ne le lâche en fait jamais. C’est l’encre de sa plume. "J’ai été très agréablement surpris. Ils font un remarquable travail." Le dessinateur a notamment été interpellé par le scénario proposé par un jeune détenu, racontant un univers carcéral qu’il découvrait pour la première fois. "Du coup, en parallèle, j’ai moi aussi dessiné mon arrivée dans cet univers, que je découvrais aussi. C’est intéressant", sourit-il. Derrière ces barreaux, une motivation l’anime: "Leur donner le sentiment qu’ils peuvent faire les choses."

N’est-ce pas le message que lui a passé Pierre Tranchant en répondant simplement aux demandes de conseils du jeune dessinateur... Quelques mois avant, une autre surprise l’a enthousiasmé. C’est le travail des élèves du lycée Foch autour de l’œuvre de Pierre Soulages. Ils ont réalisé une Bande dessinée à succès, Chercheur de lumière (réédité par la Maison du livre), pour laquelle il a apporté une touche professionnelle, notamment au niveau de la maquette. "Mais le travail réalisé par ces élèves, et leur enseignante Yolande Cruchaudet est vraiment remarquable. Il faut vraiment leur lever le chapeau. D’autant que, à mon sens, c’est l’un des meilleurs médiums pour entrer dans l’univers de Pierre Soulages".

La bande dessinée comme médium, c’est aussi ce qui le passionne. Il a ainsi largement apprécié la réalisation des Trésors du Célé, à la demande du syndicat du bassin de la Rance et du Célé pour sensibiliser les plus jeunes à l’intérêt de préserver les ressources en eau. Il en a finalement sorti trois tomes, dont un consacré à l’archéologie. "Pour expliquer aux gens ce qu’il faut faire et ne pas faire si l’on trouve un vieil objet. Style un obus de la Seconde Guerre mondiale." Cela rejoint l’histoire. Une matière qui le passionne réellement. Surtout la guerre de 1939-1945. Il y a fort à parier qu’il a été plus attentif en classe quand son prof a abordé le sujet. Il a d’ailleurs toujours en mémoire des images du tournage du film de Louis Malle, Lacombe Lucien, qui s’est déroulé à Figeac. Sans doute tout cela l’a habité quand Jean-Christophe Vergne a écrit 1944. Une bande dessinée réalisée de A à Z. Scénario, dessin, couleurs... "L’histoire d’un jeune de 18 ans qui se trouve plongé dans l’univers de la Résistance. Il grandit et évolue au gré de ses rencontres. Tout cela le transforme. C’est ce que j’ai voulu montrer dans cette BD." 

Cela fait cinq ans qu’il travaille dessus. Après, il n’en aura pas fini avec l’histoire. La vraie cette fois-ci. Le dessinateur s’est en effet rapproché de l’écrivain historien lotois François Sauteron, auteur de trois tomes sur l’histoire de la Résistance et de la Collaboration dans le Quercy. "Je lui ai demandé si l’on pouvait adapter cela en scénario de BD. Il a accepté. Et je suis vraiment ravi de travailler sur ce sujet" dit Jean-Christophe Vergne. Quand bien même il sait que le sujet va le prendre aux tripes. Qu’il va y laisser un peu de lui-même. "Il y a beaucoup de réflexion en amont. Le sujet est sérieux. Le dessin sera de type semi-réaliste..."  De quoi lui assurer au moins trois ans de boulot. "Je pense à toutes ces générations futures. Je veux qu’elles puissent accéder à cette histoire qui doit être racontée", lance Jean-Christophe Vergne. Il se souvient d’ailleurs très bien d’un cadeau de sa mère quand il était jeune, L’histoire de France en bande dessinée. Ainsi navigue donc Jean-Christophe Vergne dans cet univers de la bande dessinée. Et ce, depuis la première case de son album, dessinée sur les bancs d’une école quelque part du côté de Figeac.

(1) Spip: Service pénitentiaire d’insertion et de probation