L'Évêché de Rodez Carmel

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Centre Presse Aveyron

DE L’INTERIORITE A LA RELATION

Le diocèse de Rodez a ouvert les portes du Carmel du 13 au 16 novembre et les 6 et 7 décembre dernier, permettant ainsi à plus de 3000 personnes de visiter le monastère. Dans quelques semaines (février 2015), les travaux d’aménagement commenceront pour que, à l’horizon de l’été 2016, l’ensemble des services de l’évêché et les archives diocésaines puissent y être transférés. La conduite du projet est confiée, après concours, au cabinet d’architecte ruthénois Droit de Cité. Rencontre avec l’un des associés, Jean-Marc Levesque.

“Travailler sur le projet d’aménagement d’un évêché ne m’était jamais arrivé” confie Jean-Marc Levesque, “et ne m’arrivera probablement plus jamais!” Loin de le regretter, l’architecte et son équipe ont très vite saisi la spécificité du travail qui leur était demandé, de cette mission gratifiante et valorisante de modifier le paysage ruthénois, de façonner la vocation nouvelle d’un lieu marquant pour les mentalités, depuis sa construction en 1890, et dans sa projection future.

Le message de l’évêque de Rodez et de Vabres, Mgr François Fonlupt, dans la dynamique du message plus général de l’Église catholique universelle, par la figure du pape François, est un message d’ouverture. Il s’agissait bien de faire un parallèle et de le retranscrire physiquement, de mettre en oeuvre toutes les solutions architecturales et techniques possibles pour passer de l’intériorité à la relation avec l’extérieur. “Le palais qui abrite depuis 300 ans l’évêché, rue Frayssinous, a été conçu et reste un lieu clos, qui se laisse très peu deviner depuis l’extérieur”, rappelle l’architecte. Le cahier des charges du Carmel, à l’inverse, stipulait une ouverture sur la ville.

Un ensemble architectural admirablement bien conservé

Le bâti est vieux de plus d’un siècle et ne semble pas avoir pris une ride pour autant, avis d’architecte, que partagent également le comité de pilotage mis en place par l’Association Diocésaine et les visiteurs de manière quasi unanime. Le bâtiment est le reflet d’une histoire, d’un patrimoine, de l’architecture d’une certaine époque, très typée. La volonté de l’architecte de laisser percevoir le bâtiment originel s’est traduite par la proposition d’abattre les murs d’enceinte côté avenue Victor-Hugo et rue Combarel, pour laisser se déployer une vue plus large sur le monastère lui-même. “Nous toucherons le moins possible au bâti existant” renchérit Jean- Marc Levesque. “Les petites extensions que nous prévoyons (archives diocésaines, locaux techniques) sont construites à l’écart du quadrilatère principal et nous conservons des jardins extérieurs, une sorte de ceinture verte tout autour du bâtiment principal.”

Une symbolique pour servir une vocation nouvelle

Les façades vont retrouver la blancheur des moellons de calcaire extraits des carrières de Balsac, signe de lumière et de pureté. La lumière contrastera avec les couleurs plus sombres des extensions. Dans un autre domaine symbolique, la clôture se trouve déplacée et joue entre l’espace public et l’espace privé : l’auvent construit pour matérialiser l’entrée principale du public est bien sur le domaine privé; mais de par le déplacement de l’ancienne enceinte, ce même espace couvert devient quasiment partie intégrante de la cité. Cet auvent, bien au-delà d’un simple abri, incarne le rassemblement, la protection dont l’Église est signe. Autre expression d’une symbolique voulue par les concepteurs : l’inversion des façades. Henri Pons, en 1890, fait de l’aile sud de la rue Combarel la façade principale, très rythmée, ordonnancée, travaillée. L’aile nord, en revanche, côté avenue Victor-Hugo, masquée par l’imposant mur de clôture, reste fonctionnelle, sans intention particulière. Le projet prévoit quant à lui l’inversion de cette conception originelle : le nouveau parvis, l’auvent, la passerelle entre la contre-allée et l’entrée, le travail effectué par l’architecte sur la façade donnent autant de signes de l’inversion du procédé. “Nous voulions trouver une transition graduée entre l’avenue, l’entrée et l’intérieur” explique Jean-Marc Levesque.

Apporter une réponse à la spécificité et à la multiplicité des fonctions du bâtiment

L’évêché est un lieu de vie, pour l’évêque, d’abord, mais aussi pour certains de ses collaborateurs (à l’heure actuelle, le vicaire général et le chancelier du diocèse résident à l‘évêché). Mais il est également un lieu de travail, d’activité, pour des laïcs salariés ou bénévoles, au secrétariat général. L’évêché est enfin un lieu de réception pour la consultation des archives, notamment, ou pour assister à des réunions. “Nous avons dû, explique Jean-Marc Levesque, être attentifs aux liaisons entre ces différents lieux, aux circulations des personnes, aux vues sur l’extérieur et depuis l’extérieur, en particulier.” A titre d’exemple, autour du patio central, le cloître est conservé dans son utilisation originelle, comme système de circulation. Par ailleurs, dans la dynamique d’ouverture exprimée dans le cahier des charges, il était intéressant de créer une perspective sur le cloître et son jardin intérieur dès le hall d’entrée, espace premier d’accueil du public. “Ouvrir tout en préservant l’intimité” conclut l’architecte.

Travailler en équipe avec les services de l’évêché

Dans la phase initiale du concours d’architecte, Jean- Marc et Hervé, son associé, ont beaucoup échangé. Ils ont effectué un important travail individuel de réflexion, avant de confronter leurs idées pour enrichir le projet. Nathalie, quant à elle, s’est concentrée sur les espaces extérieurs, s’attachant au traitement des surfaces, à la création de zones de stationnement paysagées, à la mise en place d’une vraie transition entre les espaces publics de la ville et la propriété privée de l’évêché. “Notre proposition est le fruit de l’entraide et de l’apport des idées de toute une équipe.”

“Lorsque nous avons été consultés”, reconnaît Jean- Marc Levesque, “le projet avait déjà été mûrement réfléchi : des idées étaient émises, des hypothèses avancées, des besoins parfaitement identifiés et des objectifs financiers clairement établis. Nous avons senti, de la part du groupe de travail qui porte le projet pour l’Association Diocésaine, une véritable réflexion de fond, chaque membre ayant apporté son expertise particulière. C’est plutôt agréable de pouvoir ainsi prendre le temps nécessaire pour dégager une proposition de qualité, tant en amont, lors du concours, que dans toutes les phases successives qui vont baliser le projet”, ajoute le professionnel.

Avec l’Association Diocésaine, l’agence s’est trouvée engagée dans des échanges constructifs, enrichissants : une qualité d’échange avec le Maître d’ouvrage que l’équipe de Droit de Cité, dans le contexte actuel, ne rencontre pas toujours.

Respecter le travail de nos prédécesseurs

Le chantier, comme tout projet de cette envergure, génèrera peut-être quelques tensions, en terme de délais ou de choix techniques en particulier : “Nous ferons travailler 15 ou 16 entreprise, nous gèrerons de l’humain, dont il nous incombe d’assurer la coordination” précise le maître d’oeuvre. “Nous les inviterons à travailler dans le respect de ce qui a déjà été réalisé il y a plus d’un siècle et tout particulièrement par rapport à ce que nous envisageons de préserver : les parquets, les murs, les menuiseries...” Au-delà du respect du patrimoine, il s’agit bien davantage de respecter celles qui l’ont habité pendant plus d’un siècle, de ne pas le dénaturer par une intervention brutale : un engagement que toutes celles et tous ceux qui s’impliquent dans le projet sont prêts à prendre.