Contre l'"apartheid", Gennevilliers et Grigny attendent encore des "actes forts"

  • La cité de la Grande Borne, quartier sensible de Grigny (Essonne) ou a grandi Amedy Coulibaly, en juillet 2002
    La cité de la Grande Borne, quartier sensible de Grigny (Essonne) ou a grandi Amedy Coulibaly, en juillet 2002 AFP/Archives - Samir Benderradji
  • La cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne), en juillet 2002
    La cité de la Grande Borne à Grigny (Essonne), en juillet 2002 AFP/Archives - Azzedine Oukbi
  • Photo prise le 30 janvier 2005, d'une cité de Gennevilliers (Hauts-de-Seine)
    Photo prise le 30 janvier 2005, d'une cité de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) AFP/Archives - Damien Meyer
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Centre Presse Aveyron

A La Grande Borne, Bernard cherche une lueur d'espoir: "C'est le désert". Six mois après Charlie, leur nom lié malgré elles à Coulibaly et Kouachi, les villes pauvres de Gennevilliers et Grigny se débattent avec "des mesurettes" contre "l'apartheid social".

Le réveil a été brutal en janvier quand ces banlieues parisiennes sont devenues aux yeux de l'opinion les villes de trois jihadistes. Dans les semaines qui ont suivi, Manuel Valls avait voulu créer un électrochoc en parlant d'un "apartheid social, territorial et ethnique", notamment en banlieue.

Depuis, des mesures sur l'école ou le logement ont été annoncées, pour casser les ghettos. Mais sur ces territoires, coeurs de cible de la politique de la ville, les changements se mesurent à l'échelle de décennies, "pas en six mois", admet Bernard Moustraire, président de l'Amicale des locataires de La Grande Borne, quartier sensible de Grigny (Essonne) où a grandi Amédy Coulibaly.

Au pied des immeubles, le sexagénaire balaie du regard la place des Herbes: "Il n'y a plus de commerces". La poste? "Fermée depuis un an". La Caf? "Fermée depuis trois ans". Aujourd'hui, seuls résistent une pharmacie, un centre PMI et un pressing.

"Notre réalité n'a pas changé depuis qu'on a parlé d'apartheid", "j'ai plus l'impression d'un immobilisme", renchérit Inès Marszalek, la pharmacienne.

Désert médical, "droit à la sécurité" non respecté, Pôle emploi absent: "On a passé six mois à espérer, force est de constater que les mesures anti-apartheid n'ont pas été prises", souffle le maire PCF Philippe Rio. "L'Etat intervient par du symbole, ça coûte pas cher. Tout le monde attend des actes concrets très forts".

Sur la mixité sociale par exemple: "On continue à entasser des dossiers de droit au logement opposable (Dalo) à La Grande Borne, qui accueille 50% des demandes essonniennes", peste l'élu qui a demandé "un moratoire".

- Elan cassé, "tête sous l'eau" -

En avril, la ville, une des plus pauvres de France, a adopté symboliquement un budget "anti-apartheid" de 3 millions d'euros, pour protester contre "la baisse du concours de l'Etat aux collectivités locales" et "l'austérité budgétaire".

Si Grigny participe "à l'effort de redressement des déficits publics" à hauteur de 750.000 euros, il est compensé par "la solidarité nationale avec 1,3 million d'euros de concours supplémentaires", répond le ministère de la Ville qui promet de renforcer les services publics: La Poste s'est engagée à rester sur la commune et à ouvrir un nouveau distributeur de billets.

Malgré cela, le compte n'y est pas, la ville se disant incapable notamment d'absorber le coût de la réforme des rythmes scolaires. "Au moment où l'on sort d'un équilibre fragile, on nous remet la tête sous l'eau", peste M. Rio.

A 45 km de là, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), la ville de Chérif Kouachi où la situation est un peu meilleure, le maire PCF Patrice Leclerc fait le même constat: "On casse notre élan!"

Après avoir acheté une pub dans la presse pour contrer "l'effet Kouachi", il veut s'attaquer à la baisse de 17% des subventions de la politique de la ville, notamment à destination des associations, qui s'ajoute à une réduction de la dotation globale de fonctionnement de 3 millions d'euros par an.

Le monde associatif s'inquiète de l'avenir des actions entreprises de longue date pour réduire les fractures. "C'est bien la première année où les budgets baissent autant", s'alarme Annick Poulain, la directrice de Plein Grés, structure de petite enfance et acteur de l'insertion des femmes sans emploi. Cette année, elle perd 85.000 euros. "C'est trois postes salariés en sursis".

Ces coupes interviennent alors que Gennevilliers récolte les graines semées depuis vingt ans par les politiques de la ville, à travers une intense rénovation urbaine. "C'est au moment où la vie s'améliore, où on peut montrer l'efficacité du tissu associatif que l'on diminue les subventions", déplore M. Leclerc.

A Grigny, le maire se demande ce que font ses collègues de banlieue, "à part écoper".

Source : AFP

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