Ryad et ses alliés rompent avec l'Iran, la crise s'aggrave

  • Image extraite de la télévision officielle saoudienne montrant des personnes présentées comme des personnels de l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran de retour dans leur pays, le 4 janvier 2016
    Image extraite de la télévision officielle saoudienne montrant des personnes présentées comme des personnels de l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran de retour dans leur pays, le 4 janvier 2016 AL-IKHBARIYA TV/AFP
  • Manifestation de femmes iraniennes, le 4 janvier 2016 à Téhéran après l'exécution par l'Arabie Saoudite d'un dignitaire chiite
    Manifestation de femmes iraniennes, le 4 janvier 2016 à Téhéran après l'exécution par l'Arabie Saoudite d'un dignitaire chiite AFP - ATTA KENARE
  • Cheikh Nimr Baqer al-Nimr
    Cheikh Nimr Baqer al-Nimr AFP - Paul DEFOSSEUX
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Centre Presse Aveyron

Les vives tensions entre l'Iran chiite et ses voisins arabes sunnites ont franchi un nouveau seuil lundi, l'Arabie saoudite et ses alliés rompant ou réduisant leurs relations diplomatiques avec Téhéran après une crise déclenchée par l'exécution d'un dignitaire chiite.

Craignant une escalade aux conséquences imprévisibles, la Russie, se disant "profondément préoccupée", a indiqué être "prête à soutenir" un dialogue entre Ryad et Téhéran, deux pôles d'influence dans la région tourmentée du Proche-Orient.

Les Etats-Unis, alliés des Saoudiens mais qui se sont aussi rapprochés des Iraniens à la faveur de l'accord sur le nucléaire conclu en juillet, ont eux souhaité "des mesures positives pour calmer les tensions" et le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est entretenu ainsi lundi avec ses homologues iranien et saoudien.

La France et l'Allemagne ont plaidé pour une désescalade après que Bahreïn et le Soudan ont, comme Ryad, annoncé la rupture de leurs relations avec l'Iran. Les Emirats arabes unis ont, eux, rappelé leur ambassadeur à Téhéran et réduit les liens diplomatiques.

La nouvelle crise a éclaté samedi avec l'exécution par Ryad du dignitaire chiite Nimr el-Nimr, critique du pouvoir saoudien, avec 46 autres personnes condamnées pour "terrorisme", dont la majorité pour des attentats attribués au réseau extrémiste sunnite Al-Qaïda.

L'exécution a provoqué une guerre de mots entre Téhéran et Ryad et des manifestations de colère parmi la communauté chiite dans plusieurs pays, dont l'Iran où les représentations saoudiennes ont été attaquées, l'Irak, le Liban, Bahreïn ainsi que le Pakistan et le Cachemire indien.

Dimanche soir, l'Arabie saoudite a annoncé "la rupture de ses relations diplomatiques avec l'Iran et exigé le départ sous 48H des membres de la représentation diplomatique iranienne". Elle a également décidé lundi d'interrompre toutes ses liaisons aériennes avec la République islamique.

- Manifestations, attaques -

Téhéran a rétorqué en accusant Ryad de chercher à aggraver les "tensions" au Moyen-Orient et en affirmant que la rupture des relations n'effacerait pas "l'erreur stratégique" qu'a été l'exécution de cheikh Nimr.

Le guide suprême d'Iran Ali Khamenei avait déclaré dimanche "que la main divine vengerait" le cheikh exécuté des dirigeants saoudiens.

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a fustigé lundi l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, pour "(...) avoir comploté en vue de faire baisser les prix". L'Iran accuse Ryad d'avoir joué un rôle primordial dans la baisse des prix du brut en maintenant un niveau de production très élevé.

Les cours du brut justement ont fini en baisse lundi à New York, l'inquiétude suscitée par le regain de tensions entre les deux pays ne suffisant pas à compenser la déprime provoquée par les excédents mondiaux de production.

A Téhéran, environ 3.000 personnes ont manifesté lundi, huant la famille sunnite régnante en Arabie saoudite.

Et en Irak, pays voisin à majorité chiite, des milliers de partisans du chef chiite Moqtada Sadr ont manifesté à Bagdad, appelant leur gouvernement à rompre les relations avec l'Arabie saoudite.

Deux mosquées sunnites en Irak ont en outre été visées par des attentats (1 mort) et le muezzin d'une troisième abattu.

La Ligue arabe, à la demande de Ryad, va se réunir d'urgence dimanche sur cette crise.

- Même le sport -

Condamné à mort en 2014 pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes", cheikh Nimr avait été la figure de proue de la contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée du Printemps arabe, dans l'est saoudien où vit la minorité chiite.

La crise diplomatique a même touché le sport, les clubs saoudiens participant à la Ligue des champions d'Asie ayant demandé à jouer contre les clubs iraniens en terrain neutre et non en Iran.

Les relations entre Ryad et Téhéran évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique iranienne de 1979. Les deux puissances sont le plus souvent en désaccord sur les crises dans la région et s'accusent mutuellement de chercher à élargir leur influence.

Elles avaient rompu leurs relations de 1987 à 1991, après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du hajj à La Mecque en 1987.

Pour les experts, la nouvelle crise risque d'alimenter les guerres par procuration que se livrent actuellement Téhéran et Ryad notamment en Syrie et au Yémen.

C'est dans ce contexte que le médiateur de l'ONU en Syrie Staffan de Mistura est attendu dans les prochaines heures à Ryad puis à Téhéran, deux protagonistes majeurs du conflit syrien, a annoncé lundi l'ONU.

M. de Mistura "estime que la crise dans les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran est très préoccupante" et qu'elle risque de provoquer "une série de conséquences néfastes dans la région", a déclaré le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric.

Source : AFP

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