Rodez. Alexandre Bourdas, un double-étoilé Michelin entre Honfleur et l’Aveyron

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  • Alexandre Bourdas : « La table est un lieu de plaisir, de rencontres. Un lieu où l’on rit, partage, ripaille, un lieu que je veux populaire. »
    Alexandre Bourdas : « La table est un lieu de plaisir, de rencontres. Un lieu où l’on rit, partage, ripaille, un lieu que je veux populaire. » Repro CP -
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Aurélien Delbouis

SaQuaNa pour "saveurs, qualité, nature" ou encore "poisson" (sakana) en japonais. Installé à Honfleur depuis 2005, le chef aveyronnais Alexandre Bourdas, qui a fait ses gammes chez Michel Bras, signe une cuisine d’auteur intime, millimétrée, intuitive. Orné de deux étoiles au Michelin depuis 2010, il nous parle de sa passion pour la gastromie et de son attachement viscéral au département. Rencontre.
 

Alexandre Bourdas, vous conservez vos deux étoiles Michelin. Satisfait ?

Oui, c’est toujours une grande satisfaction. On reste dans notre expression, dans un lieu un peu atypique, nous sommes un peu hors des codes du guide et ça fonctionne. Michelin reconnaît notre identité, notre personnalité. C’est très stimulant.

D’autant plus satisfait, on imagine, que vous avez beaucoup investi dans le SaQuaNa ?

Ce n’était pas vraiment volontaire mais c’est vrai. Pour résumer, après quatre ans de procédures judiciaires, nous avons réussi à racheter l’immeuble dans lequel est installé SaQuaNa avec pour obligation de le rénover entièrement. Ce qui nous a coûté très cher (2 M€, NDLR). Mais il fallait le faire sinon je perdais mon SaQuaNa. Ce n’était pas possible.

Une mère normande, un père aveyronnais… Votre cuisine reflète-t-elle ce mélange ?

Obligatoirement. D’abord parce que j’ai grandi entre ces deux régions même si j’ai passé la plus grande partie de ma jeunesse à Rodez. Ma cuisine est un mélange de ces régions, c’est vrai, mais aussi de plein d’autres choses : mon passage au Japon, mes voyages. En clair, le SaQuaNa reste une table aveyronnaise installée dans le centre d’Honfleur. On retrouve le Liadou du Vallon, des produits aveyronnais, la pascade…

À Paris, vous avez d’ailleurs été chef de Pascade, un établissement dédié à cette spécialité. Un clin d’œil à vos origines ?

Bien sûr. Au SaQuaNa, je servais déjà ce plat en amuse-bouche. J’ai donc voulu ouvrir un restaurant dédié sur Paris avec Sébastien Pradal, mon associé, lui aussi Aveyronnais. Mais au bout de 4 ou 5 ans, une fois les travaux terminés à Honfleur, j’ai voulu me recentrer sur un seul restaurant.

D’où vous vient cette passion pour la cuisine, pour la gastronomie ?

Pour moi, la cuisine a toujours été une évidence. J’ai fait une école classique où j’étais loin d’être le meilleur avant de partir en école hôtelière où je suis passé devant tout le monde. J’avais enfin trouvé mon truc. À 13, 14 ans, je travaillais dans des restaurants à Rodez. Le week-end, je cuisinais chez moi, la tête dans les livres de cuisine de ma grand-mère. C’était déjà en moi. Si je suis heureux de faire ce métier c’est aussi parce qu’il est à mon image. Je suis gourmand, j’aime manger, j’aime la table, faire plaisir. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être cuisinier.

Plus jeune, vous avez aussi fait vos gammes chez Michel Bras avant de diriger son restaurant, Toya, au Japon.

Oui, j’ai travaillé à ses côtés à Laguiole puis Michel m’a confié les rênes de Toya. Avec mon épouse, nous sommes partis là-bas de 2002 à 2005.

Quels souvenirs en gardez-vous ?

Michel est l’un des chefs qui m’a le plus marqué. Par sa personnalité, son identité, la signature de sa cuisine, sa liberté. Jeune cuisinier, je rêvais de le rencontrer et j’ai eu la chance de travailler avec lui. C’est un créateur culinaire incroyable avec un univers à lui. C’est très inspirant. Libérateur aussi de rencontrer quelqu’un si libre de penser, de s’exprimer dans la cuisine.

Il y a deux ans, Sébastien Bras a rendu ses étoiles au Michelin. Évoquant la pression trop forte du guide. Comprenez-vous ce choix ?

C’est un choix que j’ai du mal à commenter. Pour parler de moi, je dirais que je n’ai pas la pression du guide dans le sens où je ne travaille pas pour ça. Le guide Michelin à son existence. J’ai la mienne et quand on me donne deux étoiles, je les accepte volontiers. J’essaie d’avoir du recul par rapport à ça, mais je peux entendre les avis des autres.

Si la Normandie est aujourd’hui votre port d’attache, quel lien gardez-vous avec l’Aveyron ?

Oui, on a échoué ici pour ainsi dire (rire). Mais j’avais toujours dit que j’avais besoin de la mer, de retrouver les terres de mon père. Pour être honnête, au départ je n’avais pas envie d’aller à Honfleur. Je trouvais ça trop touristique mais aujourd’hui j’y vis très bien. C’est une ville dynamique avec un gros potentiel de clients. C’est facile d’y travailler. J’ai la mer à deux pas. Je peux prendre mon bateau, partir pêcher…

Et l’Aveyron ?

J’y viens régulièrement. Mais mes parents vivent toujours à Rodez, je suis donc resté très proche de l’Aveyron. Je pense même m’y établir pour mes vieux jours.

Avant ça, vous devez avoir d’autres envies, d’autres projets ?

Là, franchement non ! (rires) Quand j’ai ouvert Pascade, je me suis aperçu qu’il était très compliqué de gérer deux affaires. Je suis cuisinier au plus profond de moi, c’est ce qui m’anime. Malheureusement avec plusieurs affaires à sa charge on laisse fatalement tomber ça. Comme tout chef étoilé, j’ai aussi été très sollicité. Mais aujourd’hui, j’ai juste envie de faire de la cuisine tous les jours, de nourrir mes clients, de prendre du plaisir, de voir grandir ma fille… J’interviens juste pour du conseil auprès du centre cancérologique Gustave-Roussy de Villejuif pour redonner le goût de la nourriture à des personnes en traitement. C’est une chose qui me prend du temps mais qui me tient vraiment à cœur. Ma petite pierre à l’édifice.

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