Des visites dans les Ehpad qui posent encore des questions

  • Les conditions des visites seront très strictes. Les conditions des visites seront très strictes.
    Les conditions des visites seront très strictes. JAT
Publié le
François Cayla

L’annonce faite dimanche soir par le gouvernement a visiblement pris de court les directeurs d’établissement.

Dimanche soir, le gouvernement a donc annoncé la réouverture à la visite des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à la date d’hier. Pour mémoire, les résidants en Ehpad sont privés de la visite de leur famille depuis le 11 mars, avant même l’entrée en vigueur du confinement. Ils ont été ainsi les premiers, en France, à vivre l’isolement dans la lutte contre le Covid-19. Pour autant, cette autorisation de visites ne dit pas retour à la normale, loin de là. Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé, dans ce cadre, des conditions "extrêmement limitées".

"Pas convaincu"

L’organisation des visites, placée sous la responsabilité des directions d’établissement, devra ainsi répondre à des critères de base très stricts : pas plus de deux visiteurs par résidant ; aucun contact physique ne sera autorisé, seul un contact visuel étant permis et, de plus, à travers une vitre le plus souvent ; la distanciation sociale et les gestes barrières seront évidemment de mises entre les visiteurs et les personnels qu’ils seront amenés à croiser lors de la visite… Au-delà de ces préconisations générales, les directeurs d’établissements aveyronnais ne cachent pas avoir été pris de court par cette annonce. C’est le cas de David Morin, responsable de l’Ehpad de Saint-Chély-d’Aubrac, qui accueille 65 personnes. "On a appris ça comme tout le monde, dimanche soir, souligne le directeur un brin dépité. Et pour l’heure (hier, en fin de journée, NDLR), on attend toujours une communication plus détaillée de l’Agence régionale de santé. Personnellement, je n’ai pas accueilli cette annonce de manière très positive. Cela pose beaucoup de questions. La première est de savoir s’il est raisonnable d’ouvrir les Ehpad à la visite et de prendre le risque de contaminer des résidents, même en prenant toutes les précautions ? Je ne suis pas convaincu. Ici, on va s’adapter, mais a minima. On n’autorisera les visites que si on est sûr que cela apportera un bienfait aux résidents. De toute façon, on n’a pas attendu pour le faire. De manière très régulée, on a déjà organisé quelques visites."

"Une bonne chose"

Quoi qu’il en soit, divers aménagements sont, ici comme ailleurs, déjà en prévision voire déjà en cours de réalisation.

La création d’espaces dédiés à ces visites est donc en cours un peu partout, qui inclut pour la plupart des séparations en plexiglas. Ce sera le cas à l’Ehpad de Broquiès, où la directrice, Mélanie Cazottes, rejoint son collègue de Saint-Chély dans l’étonnement. "On a découvert la chose dimanche soir, sans avoir été directement informé en amont, et c’est vrai que l’on a été un peu surpris. On attend maintenant des recommandations plus précises de l’ARS ", reconnaît-elle.

Mais à l’inverse de David Morin, Mélanie Cazottes considère favorablement cette décision.

" C’est pour moi une bonne chose. Sachant qu’à Broquiès, nous allons pouvoir utiliser le réfectoire comme sas de visites, sans passer par l’établissement proprement dit. On va installer des parois en plexiglas pour éviter les contacts et nous avons d’ores et déjà décidé que l’ensemble des résidents, soit une trentaine de personnes, aura droit à ces visites. "

Des airs de parloirs carcéraux

Si les visites sont donc autorisées, en théorie, à partir de ce lundi, en pratique, il conviendra d’attendre quelques jours pour que les protocoles d’accueil soient mis en place pour garantir la sécurité des résidents. Toujours dans la théorie, le temps de visite devrait être limité entre 15 et 45 minutes et, entre chaque visite, une décontamination des lieux de rencontre devra être effectuée. Chaque établissement ne devrait être en mesure d’organiser que deux ou trois visites par jour, à partir d’un planning des priorités élaboré avec les familles. Sachant que ce sont les demandes de résidents qui seront traitées en premier lieu, avant celles des familles. Concrètement, et comme le souligne avec un certain dépit un responsable d’Ehpad dans la Haute-Vienne, "ce que l’on est en train aménager va ressembler quelque part à des parloirs de prison. Ce ne sera pas très beau. Mais comment faire autrement ?".

« Ce sera toujours mieux que rien »

La mère de Didier est dans une Unité de soins longue durée (USLD) dans l’ouest Aveyron. Cela fait plus d’un mois qu’il n’a pu lui rendre visite. Et pouvoir à nouveau se rapprocher d’elle physiquement lui procure, malgré tout, un certain soulagement. « Depuis le confinement, j’ai eu droit à deux visios. La perspective d’une visite, une vraie, est quand même une bonne chose. Mais bon, j’ai aussi conscience que ce sera une visite un peu particulière. Derrière une vitre, sans contact, ça restera bizarre. Ce sera toujours mieux que rien et un peu mieux que les visios. Après, ma mère n’est pas forcément demandeuse, parce que son état neurologique n’est pas bon. Mais je connais des gens dont le parent est dans le même service qui sont vraiment très impatients. De toute façon, ça reste une situation compliquée, très compliquée… »

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?