Rodez. Avec la photographie, Maurice Subervie s’est écrit sa propre mythologie

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  • Après avoir posé son objectif à travers le monde, Maurice Subervie est finalement revenu en Aveyron, dans le Vallon de Marcillac, où il vit désormais. 	José A.Torrès
    Après avoir posé son objectif à travers le monde, Maurice Subervie est finalement revenu en Aveyron, dans le Vallon de Marcillac, où il vit désormais. José A.Torrès Centre Presse - José A. Torres
Publié le , mis à jour
Aurélien Delbouis

Il a parcouru le monde en quête de beau, d’authenticité, de pittoresque. Photographe accompli, issu de deux générations d’imprimeurs-éditeurs, Maurice Subervie a révolutionné l’univers suranné de la carte postale, mû par une conviction profonde en la beauté du monde. Rencontre.

Comme d’autres avant lui, il a construit sa mythologie en Grèce. C’est là, au début des années quatre-vingt que le photographe Maurice Subervie a donné corps à ses convictions et à son rêve : celui de vivre de ses clichés, de ses propres images en étant seul maître à bord. Comment ? En dépoussiérant tout simplement l’image vieillotte de la carte postale. Pourquoi ? "Parce ce que je connaissais bien la Grèce", commente l’Aveyronnais. Surtout aussi parce que son diplôme en poche et deux années à écumer les cérémonies de mariages des environs, l’envie d’ailleurs s’est faite plus pressante. "J’ai toujours trouvé dingue à cette époque de ne pas trouver une carte postale représentant la campagne grecque, authentique", pose le natif de Rodez. Quand les présentoirs débordent de clichés quelconques, dégoulinant de stéréotypes et de plages vaguement engageantes, lui, décide de donner une version plus poétique mais véritable de cette Grèce qu’il traverse souvent à pied, avec Colette, sa femme. Cheveux longs et barbe touffue, il démarche alors tous les distributeurs du Péloponnèse, des imprimeurs. Un seul lui fera confiance : pas de quoi pour autant freiner ce bel enthousiasme. Lui est sûr de son fait malgré les aléas et les galères qui jalonnent immanquablement son parcours. "Rien ne m’a été épargné. Après mon arrivée en Grèce, j’ai vécu très chichement. Je mangeais des clopinettes en enchaînant les galères." Le pied tout juste posé sur la péninsule son matériel photo se volatilise. "On me l’a volé", se souvient l’Aveyronnais. Plus tard, on lui refuse son permis de séjour, ultime sésame à son rêve de réussite. "On m’a donné trois jours pour quitter la Grèce mais à ce moment-là, je n’avais même plus d’argent pour rentrer en France. J’ai donc fait comme si de rien n’était." Sans le sou, le jeune homme de 25 ans peut en revanche compter sur sa bonne étoile. "J’ai rencontré par hasard une fonctionnaire du Service des étrangers grâce à qui j’ai pu rencontrer le directeur. Un colonel à la retraite qui en voyant mes images à finalement accepté de me délivrer le permis. Ce qui était loin d’être gagné."

Le déclic

Une rencontre décisive entre ce militaire de carrière et notre jeune homme "aux cheveux longs" qui lui permet de lancer véritablement son projet. "J’ai parcouru le pays avant de trouver un imprimeur qui a accepté de m’aider. Mais au lieu de lui demander 6 000 ou 7 000 cartes, j’ai passé commande de 160 000 tirages. J’étais barjot !" Contrairement au pire que les professionnels lui prédisent, son intuition est la bonne. "J’avais calculé qu’il me suffisait de vendre 30 000 cartes par an pour espérer vivre dans un petit village du Péloponnèse. J’en ai vendu 300 000 la première année, 800 000 la deuxième, 1,4 million la troisième… Le succès a été incroyable." Si incroyable que quelques mois plus tard, la griffe Subervie – une belle photo aux contours blancs et lisérés noirs – se retrouve sur tous les présentoirs du monde. La rançon du succès : "on a très vite pompé mon travail", concède l’Aveyronnais. En Grèce, le couple restera 10 ans, avant de rentrer en France pour élever leur enfant. "J’ai créé ma petite maison d’édition de cartes postales. J’étais davantage tourné vers le business pur", moins bucolique. Mais quelques mois par an, le couple ne résiste pas à l’appel du large. Son appareil, ils parcourent la Corse, "là où il y a du soleil, la mer et où on peut faire la sieste", rigole-t-il –, l’Égypte, le Maroc, la Birmanie, le Népal, New York. À chaque fois, il diffuse ses clichés dans les pays hôtes, au format cartes postales.

Il fait bientôt la connaissance de Yann Arthus-Bertrand dont le succès de son livre totem "La Terre vue du Ciel" n’est pas encore annoncé. "Je connaissais déjà le travail de Yann et j’ai trouvé ce livre magnifique. J’ai donc décidé de l’appeler pour lui proposer d’imprimer ses images sur cartes postales pensant que d’autres avaient eu l’idée bien avant moi. Mais finalement non, j’ai été le premier." Entre le photographe et l’éditeur le courant passe bien. Comme le livre, les cartes postales se vendent comme des petits pains. "Nous en avons vendu plus d’un million la première année ! C’était exceptionnel, rêvé !"

Rêvée comme sa vie, reconnaît Maurice, sans doute l’un des photographes à avoir vendu le plus de tirages au monde ! "Sans doute quelques millions", rigole cet éternel optimiste. "Il faut être lucide ! Avec Colette, nous avons vécu, entre 30 et 40 ans, ce que les retraités font aujourd’hui. Parcourir le monde, descendre le Nil en croisière, vivre dans des temples au Népal…" Aujourd’hui, le tout juste septuagénaire poursuit son œuvre de prosélyte de la photo. Avec l’association Phot’Aubrac, il organise le festival du même nom, chaque année, sur le plateau volcanique. Une autre façon de prolonger sa "super vie".

Son père, ce héros

Si la photo a pris très vite l’avantage, c’est bien dans l’imprimerie que l’avenir de Maurice Subervie devait s’écrire. "Mon père était imprimeur à Rodez. C’était quelqu’un de remarquable, sans doute plus un poète qu’un éditeur. Avec des idées très arrêtées sur son métier. Il vivait encore à l’école de Guthenberg, ce qui avait un côté très sympatique mais pas du tout en accord avec mes convictions, explique Maurice. Quand j’ai du lui annoncer que je ne comptais pas prendre la suite ce fût un moment très dur. Tant pour lui qui misait vraiment sur moi, que pour moi."

 

Phot’Aubrac

Depuis 2003, une cinquantaine de photographes se donnent rendez-vous dans le triangle d’or - Nasbinals, Aubrac, Laguiole, Saint-Urzice - pour faire découvrir en des lieux aussi insolites qu’une étable, un buron, une ancienne forge... un mode décriture qui dévoile la planète telle qu’elle est. Telle est l’ambition de la 18e édition du festival Phot’Aubrac consacrée cette année à la "Terre Mère", en écho à la Pachamama qui dans la cosmogonie andine revêt deux visages : l’un généreux, l’autre vindicatif ...

 

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