Bertholène. Musique : Dick Annegarn porte le Verbe haut

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  • Dick Annegarn, une lente migration de La Haye à Laffite-Toupière.
    Dick Annegarn, une lente migration de La Haye à Laffite-Toupière.
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Monsieur l’Ouïe

Depuis les années 1970, le Hollandais chantant de Bruxelles a aimé faire sonner la langue française avec la musique folk, sans arrêt, avec candeur et bonheur. Dans une lente migration vers le Sud-Ouest, il vit aujourd’hui en Haute-Garonne et devait se produire au Bretelle(s) festival de Bertholène, le dimanche 8 août, un rendez-vous finalement annulé. Portrait tout de même d’un "plouc" de la chanson, auquel le père Ubu doit beaucoup.

Au commencement était le Verbe. Une phrase que l’on attribue à saint Jean dans son évangile, de la création au livre de l’Apocalypse, mais que de manière moins œcuménique l’on pourrait attribuer aussi à Dick Annegarn. Sans en faire un saint Dick.

Né... erlandais, élevé à Bruxelles, Dick Annegarn a frappé fort au début des années 70 lorsqu’il vint s’installer à Paris. Poussé par le verbe, et la langue française. Il se mit à la guitare et chaque note appelait le texte, et chaque mot appelait la mélodie. Il enregistre un premier disque, "Sacré géranium", sorti en 1974 et qui connaît un succès fracassant avec des titres comme "Le père Ubu" ou "Bruxelles", qui lui vaut un Olympia dans la foulée. "Polydor ne voulait pas m’enregistrer au départ, se souvient Dick. J’ai été poussé par un parrain, Jacques Bedos, qui faisait à l’époque Le Forestier, Moustaki..." Quant au succès immédiat, "c’était la bonne époque, le fait que je vienne du monde du folk et du blues, que je fasse une variété de Martien, avec un côté amateur, rustique... Mais je n’ai pas acheté ma carrière au magasin !". Ceci dit, ajoute-t-il, "si Bruxelles s’était appelé Anvers, ça n’aurait pas marché"

Une "horlogerie bien ficelée"

L’alliage de la musique et du "verbe" français, "la contrainte de rendre cette putain de langue musicale" : "C’est une horlogerie bien ficelée. Quand Jacques Brel chante Les bourgeois, c’est avec une musique bourgeoise, quand il chante Les timides, c’est avec une musique timide."

La voix de Dick Annegarn est aussi reconnaissable, et fait partie du casting gagnant de ses chansons. "Je chante plus haut et plus fort que Georges Brassens. Ma voix vient plus des chants arabes ou des "shouters", comme on dit dans le blues, ceux qui portent la voix haut. J’essaie d’y mettre de l’éclat."

Malgré son succès, Dick Annegarn fait un pas de côté du monde parfois ubuesque du show-biz, s’installe dans une péniche à Paris et fréquente les milieux associatifs. Tout en continuant à forger son verbe et ses mélodies, sans vraiment s’arrêter. Aujourd’hui, il en est à 18 albums solos, plus quelques "en concert" des compilations, ainsi qu’un "tribute", "Le grand dîner", sorti en 2006, réunissant plusieurs grands noms autour de ses chansons : Alain Souchon, Bashung, Louis et Mathieu Chedid, Calogero, Arno ou encore Bénabar.

Son inspiration ? "La nature et les gens"

Depuis quelques années, Dick s’est installé à Laffite-Toupière en Haute-Garonne, "avec Toulouse comme banlieue". A la mode rustique. "C’est pas un domaine saoudien. J’aime travailler dehors, travailler la terre, on a des poules, des chevaux. J’ai pas de piscine. Ma piscine, c’est une vieille baignoire en font achetée 50 euros et il y a des canards dedans. Ici, c’est un peu le terreau du fin’amor et des troubadours. Et le parler des gens qui est délicieux. C’est eux qui m’inspirent, la nature et les gens."

Là, il y crée en 2004 le festival du Verbe, "de la chanson, des joutes verbales, de la poésie et du slam", avec Nougaro en premier maître de cérémonie.

Dans la foulée, depuis 2005, Dick et ses Amis du Verbe se mettent à collecter de vieilles chansons populaires pour montrer "toute la diversité du monde France, et les langues régionales". Il a sillonné ainsi toute la Francophonie, du Québec, de Belgique et d’ailleurs, réalisant quelque 300 reportage diffusés sur "La chaîne du Verbe", en accès gratuit sur You Tube. C’est ainsi qu’il débarque à Rodez en juillet 2018, lors d’une Estivada où Marcel Amont viendra chanter un chant traditionnel béarnais devant sa caméra.

Rencontre avec Lionel Suarez

Un an plus tard, c’est un certain Lionel Suarez qui débarque... au festival du Verbe de Laffite-Toupière. "Lionel se l’est pété poète, il a dit des poèmes tout en jouant, c’était presque un jeu à quatre mains, faire jouer les mots avec les notes".

Outre l’accordéon et la tchatche en commun, via des connaissances partagées comme Richard Galliano, Sansévérino et André Minvielle, Lionel et Dick ont un autre point en commun : ils organisaient tous deux un festival. "Il n’y a pas assez de festivals d’artistes, commente Dick, ils ont plus d’idées que les responsables culturels". Alors, puisque dans le domaine le "jeunot" Suarez avait joué le jeu du Verbe, le vieux briscard Annegarn voulait en retour cette année remonter quelque peu les Bretelle(s) à Suarez. Las, les restrictions sanitaires ont une nouvelle fois eu raison du rendez-vous de Bertholène. Ce que craignait Dick Annegarn.

"Je sais que les intégristes du jazz nous méprisent"

Ce qui ne l’empêche pas de continuer à jongler entre blues, jazz et folk, devant des gens comme tout "söl". "Le jazz ne serait rien sans le blues et le blues ne serait rien sans le folk. Je sais que les intégristes du jazz nous méprisent, mais je (voulais) me saigner de quelques morceaux de jazz, histoire de monter le niveau." Une reprise de Thelonious Monk, par exemple, et quelques autres de cet acabit, des morceaux de son dernier album "Söl" sorti l’an dernier

On n’oubliera dans cet inventaire à la "préverbe" les morceaux du tout début de sa carrière, longue de près d’un demi-siècle. Mais comme dit Dick : "Je suis comme Van Gogh : même à la fin, je débute."

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