Maison d'arrêt de Druelle : une surpopulation endémique qui génère des tensions

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  • Le député a échangé avec les représentants du personnel de la prison.
    Le député a échangé avec les représentants du personnel de la prison. Photos José A. Torres
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Guilhem Richaud

Alors que la maison d’arrêt de Druelle était prévue, à son ouverture, pour 100 détenus, ils étaient 180 il y a encore quelques semaines.

Les chiffes parlent d’eux-mêmes : lors de l’ouverture de la prison de Druelle, en 2013, 55 détenus avaient été transférés dans le nouvel établissement. Huit ans plus tard, ils sont 220 à être pris en charge au sein de l’établissement. Et si une partie d’entre eux bénéficie du régime de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), les cent cellules (90 pour la détention et 10 pour le régime de semi-liberté) initialement pensées pour n’accueillir qu’un seul prisonnier, ont dû être réaménagées. Des lits superposés ont remplacé les couchettes simples, et les surveillants sont parfois obligés d’installer des matelas au sol pour une troisième personne. "Trop" pour un espace de 9 m2, selon les responsables syndicaux. "Nous sommes aujourd’hui à 140 détenus, mais il y a quelque temps, nous sommes montés à 180 pendant quelques semaines", souffle Sarah, responsable de la section FO Justice. Car si la situation s’est un peu arrangée au gré des sorties, la surpopulation carcérale dans l’établissement est endémique.

C’est d’ailleurs ce qui a déclenché la visite, jeudi, de Stéphane Mazars, député de la première circonscription de l’Aveyron. Par deux fois cette année, l’Observatoire international des prisons, qui mesure le taux de remplissage des structures carcérales, a noté que Rodez avait un pourcentage de surpopulation très élevé. Avec toutes les conséquences que cela implique. "Au-dessus de 110 détenus, cela devient compliqué, note Estelle Augusto, du syndicat Ufap-Unsa Justice. Cela génère de la violence entre les détenus ou envers le personnel. Il n’y en a jamais eu autant." La situation n’est pas propre à Druelle. En effet, l’Occitanie possède plus de la moitié (environ 500) des 800 matelas au sol de France. Avec forcément des répercussions pour l’Aveyron.

Tensions entre prisonniers et agressions de surveillants

Depuis quelques années, la maison d’arrêt accueille de plus en plus de détenus transférés d’autres prisons de la région (Toulouse, Nîmes, Montpellier, Béziers, Perpignan…), après avoir souvent eu des soucis avec d’autres détenus ou avec des surveillants. "Et cela a des conséquences pour les Aveyronnais, reprend la représentante syndicale FO. Ils deviennent parfois les plus faibles et se retrouvent à la merci de ces nouveaux codétenus." Pour éviter les incidents, 189 caméras sont installées à travers l’établissement et sont utilisées, sur réquisition du parquet, à chaque incident. "On se rend compte que la réponse pénale est assez efficace, reprend Christophe Breucq, le directeur adjoint de l’établissement. Le parquet ne laisse rien passer dans ses réquisitions et il faut reconnaître que c’est assez dissuasif." Pour autant, plusieurs agressions envers des gardiens ont eu lieu ces dernières semaines, ce qui selon les syndicats, "n’arrivait jamais avant".

Des détenus plus jeunes

L’arrivée d’une population extérieure a généré une baisse de l’âge moyen des personnes incarcérées. Là où, au départ, une grande majorité des détenus avaient entre 30 et 45 ans, ils en ont désormais entre 18 et 25. "C’est un profil plus délicat, concède le directeur adjoint. Souvent plus impulsif, qui a parfois un esprit de rébellion face au règlement." Et comme le nombre de surveillants n’a pas évolué depuis l’ouverture, la prise en charge de ce nouveau public est compliquée.

Autre élément directement lié à la surpopulation et qui génère bien souvent des tensions chez les détenus : l’accès aux activités. En effet, les places pour le sport, mais aussi le travail et les études, sont toujours calibrées sur 100 détenus. "On se retrouve avec des listes d’attente pour l’accès à la musculation, pour le travail, détaille une encadrante. C’est parfois compliqué pour eux d’en comprendre les raisons." Autre point noir, la répartition des détenus. À partir du moment où il n’est plus possible d’avoir un seul prisonnier par cellule, la loi prévoit de composer le plus intelligemment possible les duos (ou trios). Un fumeur doit être avec un fumeur, un primo incarcéré doit être avec un primo incarcéré, un jeune avec un jeune… Ce qui est loin d’être toujours possible. Stéphane Mazars a pris bonnes notes de ces échanges. Et promis de garder un œil sur la situation de cette prison qu’il connaît bien.

A lire aussi : Après huit ans de fonctionnement, la maison d’arrêt de Druelle reste un modèle

Stéphane Mazars : « C’est notre mission d’aller voir ceux qui sont privés de liberté »

Pourquoi avoir choisi de faire cette visite de la prison de Druelle ?
Cela fait partie de notre mission, en tant que députés, représentants de la nation, d’aller voir ceux qui sont derrière des murs, privés de liberté, et c’était d’autant plus important qu’on a su, notamment par la presse, qu’il y avait une surpopulation carcérale assez importante en Occitanie et que forcément, la maison d’arrêt de Rodez en subit les conséquences.
Qu’avez-vous retenu de la rencontre avec le personnel, la direction et les détenus ?
On nous a dit que pour une prison qui a été conçue pour 100 détenus, la population est montée encore récemment à 180. Il y a quelques semaines on était à 165. Aujourd’hui, on est redescendu à 140, donc ça se détend, mais j’ai quand même vu des cellules de 9m2 où il y a deux personnes qui cohabitent et qui m’ont expliqué que, parfois, elles se sont retrouvées à trois, ce qui correspond au chiffre que je viens d’évoquer. Sur place, on mesure les conditions particulièrement difficiles de détention quand on se retrouve à trois dans 9 m². J’ai également constaté que sur la question de la santé, il y avait des problèmes à cause du manque de dentiste. Il y a des gens qui souffrent et qui auraient besoin de soins dentaires, mais qui ne peuvent pas en disposer. C’est toujours regrettable. Il faut le signaler. Quand on est privé de liberté, on doit avoir accès aux soins et à tout ce qui fait la dignité de l’individu.
Qu’allez-vous faire des données de cette visite ?
Cette visite confirme les éléments qu’on avait et mais également les données du contrôleur général des lieux de privations de liberté. Je ferai remonter cet état de fait au ministre de la Justice parce qu’il faut qu’on trouve les moyens d’assurer, pour ceux qui sont détenus, un encellulement personnel, qui est quand même gage de conditions de détention plus dignes, ce qui a des conséquences sur la sortie de prison qui offre souvent des chances de réinsertion plus évidentes.

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