Rodez : Latifa Ibn Ziaten, le témoignage d'une mère courage qui lutte contre la radicalisation

  • Latifa Ibn Ziaten interviendra à Rodez ce jeudi, à l'invitation du lycée Monteil.
    Latifa Ibn Ziaten interviendra à Rodez ce jeudi, à l'invitation du lycée Monteil.
Publié le , mis à jour

Le 11 mars, cela fera 10 ans, qu’Imad Ibn Ziaten, sous-officier du 1er régiment du train parachutiste, a été assassiné par Mohammed Merah à Toulouse. Depuis, sa mère, Latifa a créé une association dont la mission est de faire la promotion des valeurs de la République et la prévention de la radicalisation auprès des jeunes. Elle sera à Rodez jeudi.
 

Ce jeudi 17 février, vous venez à Rodez, au lycée Monteil. C'est une ville plutôt tranquille et où l'on n’a pas connu d’attentats terroristes. Qu'est-ce que vous allez dire à ces lycéens ? L'assassinat de votre fils, par Mohammed Merah, remonte à  10 ans. N'avez-vous pas peur que les jeunes soient moins sensibles à votre message ?

C'est vrai que parfois je suis allée dans des villes et des écoles et je me suis dit, il ne se passe rien. C'est tranquille. Mais en échangeant, avec les élèves, on peut trouver des formes de racisme qui proviennent de l'ignorance de l'autre. L'ignorance, c'est aussi de méconnaître la culture de l'autre et  de ne pas savoir ce qui se passe ailleurs. Parfois, ce sont des questions d'égalité qui se posent. Par exemple, les scolaires peuvent apprendre que leur copain d'origine maghrébine n'a pas les mêmes chances qu'eux pour sa réussite. Il y a aussi des écoles où il n'y a pas de mixité, on retrouve des préjugés sur les Maghrébins et les Africains. Dans ce cas-là, on peut échanger sur la connaissance de l'autre, le vivre ensemble.

Cela fera 10 ans, en mars prochain que vous parcourez la France et le monde pour porter votre message, quel bilan en tirez-vous aujourd'hui ? 

Je pense que j'ai moi-même appris beaucoup de choses et j'ai eu beaucoup d'expériences. J'ai apporté beaucoup d'espoir et de valeurs à cette jeunesse. C'est quelque chose qui me marque beaucoup. J'ai réussi à sauver des jeunes des sectes terroristes  (moi je les appelle comme ça). Il y a un autre changement que j'ai noté. Aujourd'hui, il n'y a plus de jeunes qui disent que Merah est un martyr. Beaucoup disent que c'est un assassin et qu'il n'a rien à voir avec l'Islam. J'ai réussi à avoir beaucoup d'échanges avec les jeunes, ainsi que des messages et en général beaucoup de choses positives. C'est ça qui me donne  de la volonté et du courage pour continuer dans mon combat. 

Où puisez-vous cette force et cette énergie de continuer votre combat, qui n'est pas un simple engagement, puisque vous avez perdu votre fils ? 

Dans ce combat, je ne suis pas seule. Je suis toujours avec mon fils Imad. Mon fils a refusé de se mettre à genoux, il est toujours debout. Et je reste debout pour lui. La force est toujours là. Tous ces voyages que je fais, toutes ces démarches, je n'en ressens pas la fatigue car mon fils est toujours avec moi. Nous sommes deux et je vis à travers lui. À chaque message d'encouragement, je vois Imad grandir à travers l'association. 

Aujourd'hui, on sait que le terrorisme plane toujours sur le monde, y compris sur les pays arabes et non pas que sur l'Occident. Cette situation pourrait-elle vous décourager  un jour ? 

Nous,  nous devons de continuer à lutter contre le terrorisme. C'est chacun de nous qui doit  lutter et travailler, avec un message, un regard, une aide, un sourire. On ne peut pas dire qu'on ne peut rien faire. Moi, je remercie Dieu d'avoir ce courage. Mais je me dis que si chacun de nous  peut faire une toute petite partie, donner à la société, on peut sauver le monde. Il n'y a que nous pour sauver ce monde. Cette jeunesse  n'est pas née terroriste. Malheureusement, ce sont des difficultés qui font que certains tombent dans le terrorisme. Une fracture, des déchirements, l'absence d'un cadre, d'une éducation influent négativement  sur les jeunes. C'est pour cela que je dis qu'il ne faut pas baisser les bras. Chacun de nous peut aider ces jeunes. J'espère que je continuerai mon combat jusqu'au bout, tant que j'aurai la santé. J'espère aussi que lorsque je ne serai plus de ce monde, quelqu'un d'autre  portera le flambeau. 

Est-ce qu’aujourd'hui vous arrivez à fédérer autour de vous et de votre association des jeunes qui s'intéressent justement à votre combat ? 

Oui, bien sûr. Nous avons régulièrement des bénévoles qui nous rejoignent. Dans le même temps, nous avons aussi des gens qui adhèrent et qui me disent de continuer, certains me disent  : vous êtes ma deuxième mère, ne lâchez rien madame, nous avons besoin de vous, on a besoin de  votre message. C'est cette jeunesse qui me donne beaucoup de courage. Je me dois de continuer à  lutter contre l'intégrisme, contre la violence, contre le racisme, contre la haine. C'est très important pour moi. 

Votre message est donc aussi d'inviter à connaître l'autre, pour échanger et donc éviter le racisme et la haine. Vous faites de la prévention en somme ? 

 Je dis aux jeunes que quand l'autre est différent, il faut se respecter dans sa différence culturelle. On doit respecter la personne telle qu'elle est. Sinon, cela peut créer la haine, le terrorisme. À force de fracturer et diviser cette jeunesse, on crée le mal. La jeunesse c'est la lumière. Je pense que l'on doit tout faire pour  la protéger et  l'aider à grandir. 

Comment parlez-vous aux jeunes d'origine maghrébine ou africaine et de confession musulmane ? 

Je ne mets cette question en débat. Mais quand la question se pose, je réponds que la religion musulmane est une foi personnelle. On n'a pas à l'imposer ni à la montrer. Chacun doit pratiquer pour soi et avec respect. Être musulman ce n'est pas un drame. L'islam, ce n'est pas une nationalité, ni une identité. C'est une religion. C'est pour cela que l'on doit vivre ensemble dans le respect de la laïcité. La laïcité nous donne le droit de pratiquer librement, mais à condition de respecter ces règles. 

Aujourd'hui, est-ce qu'il y a des jeunes qui vous opposent leur situation de musulmans et refusent d'entendre votre message car ils se sentent mal acceptés? 

Ce qu'on vit malheureusement actuellement, à cause de l'élection présidentielle, et des discours sur les prénoms,  par exemple, c'est un certain désespoir chez les  jeunes. Moi, je leur dis que ce sont des discours politiques. Quand on aime un pays, on l'aime avec ses valeurs, sa richesse, sa liberté. On doit l'aimer avec son cœur. On doit défendre le pays où l'on vit. Beaucoup de jeunes souffrent actuellement car leurs parents n'ont pas été aidés à s'intégrer. La première maîtresse à la maison, c'est la maman qui apprend les règles à ses enfants. Mais si elle-même n'est pas intégrée en France, si elle ne parle pas le français, cela devient très compliqué pour les enfants. 

Vous arrive-t-il d'avoir des jeunes qui réfutent votre message ? 

Non, en revanche ce qu'ils me disent c'est que je parle d'égalité, mais qu'eux n'y croient pas. Les jeunes qui habitent certains quartiers ou qui ont des noms à consonance maghrébine ou africaine n'arrivent pas à trouver des stages ou faire de grandes écoles. Au début, je n'y croyais pas, mais je l'ai constaté. Il faut donc aussi dire cela. J'espère qu'un jour tous les enfants en France auront les mêmes droits et dans l'égalité.

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