Ruralité et transports en Aveyron : ce que préconise l'ancien ministre Jean-Claude Gayssot

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  • Jean-Claude Gayssot : "L’essence chère, est une raison de plus pour investir sur le train"
    Jean-Claude Gayssot : "L’essence chère, est une raison de plus pour investir sur le train" Archives Centre Presse
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Propos recueillis par Guilhem Richaud

Jean-Claude Gayssot connaît bien l‘Aveyron. Ministre des Transports sous le gouvernement Jospin (1997-2002), il a suivi de près la construction du viaduc de Millau. Mais avant ça, celui qui a milité toute sa vie au Parti communiste, et qui est originaire de Béziers, a travaillé pendant 10 ans à la SNCF, notamment sur la ligne Béziers – Neussargues (train Aubrac) et son tronçon aveyronnais. Longtemps installé à Sévérac, il a un regard intéressant sur la ruralité et les transports en Aveyron. Quand il était au gouvernement, il avait d’ailleurs initié un grand plan de rénovation de la ligne Aubrac pour en faire un véritable tronçon voyageur et fret. Ce projet a été abandonné, après 2002, après la défaite de la gauche à la présidentielle. Aujourd’hui retiré de la vie politique, Jean-Claude Gayssot garde un œil très éclairé sur la ruralité et les transports et sur l’Aveyron, où il était encore la semaine dernière.
Interview.

Quelle est votre vision de l’offre de transports en ruralité, comme c’est le cas pour l’Aveyron ?

Il faut à la fois, dans l’offre de transports, conjuguer l’aménagement du territoire, la lutte contre les gaz à effet de serre et la nécessaire décentralisation, où la ruralité et la périphérie des métropoles prennent plus de place. La ruralité est une réponse à la métropolisation excessive.

Est-ce que ce qui se fait aujourd’hui est suffisant ?

Je crois qu’il faut aller bien plus fort et bien plus loin, notamment sur une idée simple : ne pas opposer, au point de vue ferroviaire, la grande vitesse et les trains du quotidien, TER ou Intercités, ceux qu’Emmanuel Macron appelle les "petites lignes". Je lui ai d’ailleurs personnellement dit que pour moi, ce ne sont pas des petites lignes, mais des lignes essentielles. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles dans la loi SRU, qu’on avait initiée quand j’étais au gouvernement, il y avait un volet transports qui était un élément de décentralisation qui était peut-être le plus important depuis la loi de décentralisation dans les années 1980.

La décentralisation est une solution pour rompre avec l’isolement des zones rurales ?

Pour moi, la décentralisation doit à la fois regrouper aménagement, mais aussi réindustralisation et souveraineté nationale. Ce sont les éléments qui feront que beaucoup de pans de notre territoire peuvent non seulement arrêter de se vider, mais surtout se réanimer avec le retour des gens. On parle là du ferroviaire, mais c’est vrai aussi pour les routes. C’est d’ailleurs pour ça qu’à l’époque, lors de la construction de l’A75, qui était déjà pensée pour connecter les zones rurales aux métropoles, il avait été décidé de rendre cette autoroute gratuite de Clermont à Béziers. Cette décision a été prise au nom du désenclavement et d’une relation entre Paris et la Méditerranée. Seul le viaduc de Millau s’est rajouté ensuite, quand j’étais au gouvernement. Il a été décidé de le rendre payant parce qu’il ne se serait jamais fait si on ne l’avait pas mis en concession. Cette notion de désenclavement doit maintenant être portée de manière positive avec un aménagement qui prend en compte la démarche liée à la lutte contre les gaz à effets de serre. De ce point de vue, le train Aubrac, qui concerne l’Aveyron, est une opportunité.

Ces trains ne sont pas rentables. Faut-il l’accepter ?

Bien sûr. Il faut accepter que ce soit considéré comme un service public. Ce n’est pas la rentabilité à court terme qui compte. Ceci étant, je ne dis pas qu’il ne faut pas s’interroger sur l’efficacité des lignes, y compris financière. Si on enlève la problématique de la dette, en ne regardant que l’exploitation, pendant longtemps, notamment quand j’étais ministre, on n’était pas déficitaires. L’équilibre est possible.

Comment donc être "efficace" aujourd’hui, y compris sur le plan de la rentabilité ?

Il faut que les trains soient utilisés. Et pour cela, il faut qu’ils circulent à une vitesse assez élevée pour que ce soit intéressant. Il faut donc faire un gros travail de modernisation des lignes. Il faut aussi que le coup du billet soit attractif, qu’on ait suffisamment de gares sur les lignes, que le confort soit là, et qu’il y ait un cadencement. Il faut aussi utiliser tout le potentiel, pas uniquement pour les voyageurs du quotidien. Sur la Ligne Béziers – Neussargues, par exemple, on travaille au classement au patrimoine de l’Unesco des deux viaducs (Garabit et Millau), c’est une opportunité pour proposer, sur ce tronçon, en plus du transport de voyageurs et du fret, un train touristique. Ce serait génial.

En Aveyron, la Région mise fortement sur le redémarrage du Millau-Rodez, avec l’objectif de concurrencer la voiture sur un trajet du quotidien. C’est une bonne chose ?

Sur cette question-là, la Région, avec Carole Delga et Jean-Luc Gibelin, a montré qu’elle était pleinement mobilisée. C’est le cas pour le Millau-Rodez, mais également pour d’autres lignes d’Occitanie. C’est une affaire de report modal pour lutter contre les énergies carbonées.

L’essence chère est une raison de plus pour investir sur le train.

À l’heure où l’essence coûte plus de 2 € le litre, cela vous semble encore plus nécessaire d’investir sur le train ?

Ce n’est pas simplement parce que l’essence est chère, mais c’est une raison de plus pour investir sur le train. Je pense qu’il ne faut pas jouer la carte de l’essence chère pour avancer sur le train, il faut jouer la carte de la possibilité pour les gens de prendre le train pour se déplacer dans des conditions idéales avec des trains à l’heure et rapides. Quand tu n’as pas fait des travaux, ce n’est pas possible.

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