Les lois anti-LGBT et anti-IVG de la Floride et du Texas vont-elles freiner les entreprises à déménager dans ces Etats ?

  • Le 1er septembre 2021, le Texas a entériné la loi SB 8 interdisant l'interruption d'une grossesse au-delà de six semaines, même en cas d'inceste ou de viol.
    Le 1er septembre 2021, le Texas a entériné la loi SB 8 interdisant l'interruption d'une grossesse au-delà de six semaines, même en cas d'inceste ou de viol. OLIVIER DOULIERY / AFP
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Depuis la pandémie, les entreprises de la tech sont de plus en plus nombreuses à quitter la Silicon Valley pour des Etats du sud comme le Texas et la Floride, y voyant de nombreux avantages, notamment économiques. Quitte à fermer les yeux sur la politique sociétale de ces Etats conservateurs. Les entreprises préfèrent jouer la carte du "silence radio", au risque de paraître apathiques auprès de leurs employés.


Depuis quelques mois, certaines grandes multinationales quittent la Californie pour d'autres Etats américains, comme le Texas et la Floride. Ces nouvelles destinations savent se montrer attrayantes, grâce à de nombreux avantages, notamment financiers. En mai 2021, le directeur financier de la Floride, Jimmy Patronis, révélait à Fox Business que 900 personnes s'installaient chaque jour dans cet Etat pour des raisons fiscales à cette époque. Destination de repli des travailleurs de la baie de San Francisco depuis de nombreuses années, le Texas a accueilli plus de 687.000 ex-Californiens depuis les années 2010 selon le bureau de recensement des États-Unis. La pandémie n'a fait qu'accentuer cette tendance.

Les avantages fiscaux ne sont pas l'unique raison. Il est également question du prix de l'immobilier, bien moins élevé qu'en Californie pour les entreprises et les employés.

Ces déménagements soulèvent cependant des questions d'ordre sociétal et politique. Ces entreprises, et leurs employés, souvent vus comme des progressistes, passent de Californie, un état majoritairement démocrate à des états du sud aux valeurs plus conservatrices.

Le 1er septembre 2021, le Texas a entériné la loi SB 8 interdisant l'interruption d'une grossesse au-delà de six semaines, même en cas d'inceste ou de viol. En février dernier, le gouverneur républicain Greg Abbott a émis une directive ordonnant aux services de protection de l'enfance d'enquêter sur les parents d'enfants qui souhaitent changer de sexe. Une procédure qui, selon lui, "constitue une maltraitance des enfants en vertu de la loi texane en vigueur".

Plus récemment, au mois de mars, Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride, a signé un texte de loi interdisant les enseignants d'évoquer en classe "l'orientation sexuelle ou l'identité de genre" devant des élèves de moins de neuf ans. La loi entrera en vigueur cet été.

Avec cet ensemble de mesures conservatrices, les entreprises vont-elles continuer à s'installer dans ces Etats ?

"Silence radio"

"Le but des entreprises est de faire du chiffre. A partir du moment où elles peuvent jouir d'une taxation plus basse, elles vont se déplacer dans les Etats qui le proposent", commente Jamila Alaktif, professeure en management à l'ISC Paris Business School et chercheuse invitée à l'Université de Stanford.

Le porte-parole de l'entreprise de technologies Oracle, dont le siège social se trouve désormais à Austin aux Texas, avait déclaré à CNBC à propos du déménagement que "ces changements permettent de mieux se positionner pour la croissance et offrent à notre personnel une plus grande flexibilité quant au lieu et à la manière de travailler".

Concernant les mesures anti-avortement du Texas, Oracle n'a pas communiqué sur sa position, comme de nombreux autres géants à l'instar d'Alphabet, Amazon, Cisco, Tesla ou encore Samsung. Tous privilégient la stratégie du "silence radio", alors qu'une grande partie des employés de ces entreprises travaillent dans l'Etat et pourraient être concernés. D'après l'enseignante-chercheuse, la technique du "silence radio" est privilégiée, car "le financier est le facteur numéro un". "La diversité est le parent pauvre" de l'économie, commente-t-elle. A tel point qu'une quelconque prise de position peut avoir des répercussions économiques.

Le parfait exemple n'est autre que Disney World, à Orlando en Floride. L'entreprise de divertissement a publiquement désapprouvé la loi surnommée "Don't Say Gay" ("Ne parlez pas des gays") par ses détracteurs du gouverneur républicain Ron DeSantis. Conséquence : ce dernier a signé une loi le 22 avril "supprimant un statut favorable" octroyé à Disney World dans les années 1960. Une décision qui fait perdre à l'entreprise l'exemption de plusieurs réglementations en Floride dont elle bénéficiait depuis des décennies.

L'indifférence des compagnies est vivement critiquée, car beaucoup d'entre elles promeuvent l'inclusion et la diversité au sein de leurs structures. Est-ce de l'hypocrisie ? C'est le cas pour quelques-unes, rétorque Jamila Alaktif. Car en mettant en place des programmes en faveur de la diversité et de l'inclusion, "les entreprises répondent au besoin des consommateurs". Ils ne sont ni obligatoires ni surveillés par une institution indépendante.

Alors d'autres entreprises prennent position à leur manière, en prenant par exemple en charge les frais d'avortement, les coûts associés au logement et au voyage "s'il est nécessaire de se rendre hors de l'Etat pour recevoir des soins", a déclaré Adam Bauer, porte-parole de Hewlett Packard Entreprise au San Francisco Chronicle.

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