Le rêve américain de la Marcillacoise Dominique Louisor

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  • En 2021, lors du discours d’ouverture de la cérémonie de remise de diplômes du Norco College, l’université où Dominique Louisor enseigne.
    En 2021, lors du discours d’ouverture de la cérémonie de remise de diplômes du Norco College, l’université où Dominique Louisor enseigne. DR
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Emmanuel Pons

Partie de l’Aveyron pour étudier à Paris, elle se voyait traductrice, entourée de dictionnaires dans une petite maison, en France. Des rencontres et des choix forts ont changé sa vie et l’ont guidée jusqu’en Californie où elle a mené une "carrière extraordinaire", mariant enseignement et action sociale, en direction des plus défavorisés.

Sa mère était Corse, son père Martiniquais. C’est pourtant à Rodez que Dominique Louisor voit le jour, le 7 janvier 1963. Ses parents, qui ont fait leurs études à Toulouse, sont installés en Aveyron où ils exercent en tant que chirurgiens-dentistes. La famille achète une grande maison place des Écoles, à Marcillac, dans laquelle grandiront quatre enfants : René, Dominique, Yannick et Noëlle.

"Mes parents travaillaient beaucoup et n’étaient pas très présents, raconte Dominique. Alors il nous confiait, mon frère et moi, à Yvette (Gannac) à Cransac. C’était ma mère de cœur. Son mari était mineur. C’est elle qui m’a transmis les valeurs sociales qui ont fait naître plus tard ma conscience politique." Un "héritage" qui va guider la jeune Marcillacoise durant toute sa vie. Et des liens avec son département qui restent très forts, encore aujourd’hui. "Les Aveyronnais, quand ils s’ouvrent à toi, c’est pour toujours", aime-t-elle dire.

Amie avec un célèbre Aveyronnais

La jeune fille grandit : école privée et collège Kervallon à Marcillac, lycée Foch à Rodez puis direction Paris, à 17 ans, pour poursuivre ses études. Installée à L’Oustal, elle y retrouve un certain Dominique Reynié, politologue habitué des plateaux télé, né lui aussi à Rodez. "On était ensemble au lycée Foch. Et on a plus tard enseigné à Paris dans le même établissement." Il est à Science Po, elle entre en prépa Hypokhâgne et Khâgne au lycée Victor-Duruy puis intègre la Sorbonne en lettres modernes pour préparer une maîtrise en linguistique.

Étudiante brillante, elle n’en oublie pas cependant de profiter de la vie parisienne. C’est alors que la jeune Aveyronnaise rencontre un Américain de son âge. Nous sommes en 1983. Il s’appelle Ryan, il est beau et parle très bien le français. "Il est reparti assez vite aux États-Unis. Alors je suis allée le voir. J’ai fêté mes 21 ans à Los Angeles, c’est l’âge à partir duquel on peut entrer dans les bars", sourit-elle. Retour en France pour le couple qui se marie dans la petite église de Marcillac en 1984 avant de repartir pour la Californie le mois suivant pour s’y installer.

"J’ai fait passer le bac à David Hallyday"

"Deux semaines après notre arrivée, j’ai décroché un poste de prof au lycée français South Bay du sud de Los Angeles." "J’ai même fait passer le bac à David Hallyday. Il avait 18 ans, j’en avais 22", se souvient-elle. Mais la jeune femme souhaite achever son DEA et doit pour cela rentrer à Paris, en 1986, avec son mari, dont elle divorcera bientôt. Juste une année avant de retrouver à Los Angeles avec son sujet de thèse sur Borges dans le cartable.

D’ailleurs, Dominique ne se destine pas à une carrière de prof mais plutôt à la traduction : "J’étais hyper timide. Je ne voulais pas aller dans des métiers où il faut s’exposer…" Pourtant elle est embauchée dans un lycée américain, cette fois-ci, tout en finalisant sa thèse qu’elle soutiendra en juin 1992 à la Sorbonne. Son diplôme en poche, à 29 ans, elle intègre la California State University à San Bernardino où elle enseignera la linguistique espagnole durant 4 ans.

"J’ai toujours suivi mon cœur"

Parallèlement, elle s’investit beaucoup auprès des malades dans la lutte contre le Sida, "ce qui m’a beaucoup aidée à m’intégrer", souligne-t-elle. Cette envie d’aller vers les autres, d’aider les plus défavorisés, la suivra tout au long de sa carrière, tout au long de sa vie… Dès 1996, elle choisit donc logiquement de donner des cours dans un Community Collège, un système très ouvert qui accueille de nombreux étudiants issus de minorités le plus souvent noires ou latines.

"C’est énorme au point de vue social, insiste-t-elle. Le travail que l’on fait dépasse l’enseignement. C’est vraiment de l’accompagnement." Parallèlement à son travail de prof, Dominique coordonne depuis deux ans toutes les actions antiracistes de sa fac et donne même des cours dans une prison d’hommes. "J’ai un peu sacrifié mon travail de chercheur pour le travail social et d’enseignement qui est le plus important. Pour moi, c’est le rêve ! Une carrière extraordinaire !", avoue-t-elle sans regret et avec beaucoup de fierté.

Un don de soi qui n’est qu’un juste retour des choses, dans cette Californie où elle se souvient avoir été très bien accueillie, elle, la petite Française. Et une envie toujours plus forte de s’impliquer auprès des minorités, dans cette Amérique marquée par "les années Trump". "J’ai toujours suivi mon cœur", dit-elle. Ce cœur dans lequel l’Aveyron – "Ma base, l’endroit qui m’a nourrie et me nourrit encore" – tient toujours une grande place et où elle conserve de solides amitiés.

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