Réforme des retraites : ce qu'en pensent vos trois députés de l'Aveyron

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  • De gauche à droite, Stéphane Mazars (1ère circonscription), Laurent Alexandre (2e) et Jean-François Rousset (3e).
    De gauche à droite, Stéphane Mazars (1ère circonscription), Laurent Alexandre (2e) et Jean-François Rousset (3e). Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le
Jennifer Franco et Hervé Garric

Âge de départ, régimes spéciaux, emploi des seniors, carrières longues et pénibilité... Ce mardi 10 janvier, le gouvernement dévoile les contours du très controversé projet de la réforme des retraites. Centre Presse Aveyron a posé cinq questions aux trois députés de l'Aveyron. 

1) Etes-vous pour ou contre la réforme des retraites ?

Stéphane Mazars (Renaissance), député de la 1re circonscription
Je suis pour. J’ai soutenu le candidat E. Macron qui a porté cette réforme lors de la campagne des élections présidentielles et je l’ai moi-même soutenue sur le terrain dans le cadre de ma campagne des élections législatives en juin dernier.

Laurent Alexandre (LFI), député de la 2e circonscription
Je suis pour une réforme des retraites, étant entendu qu’une réforme peut être synonyme de progrès pour la société et de mieux être pour les gens. La réforme proposée par le gouvernement est à l’inverse une régression économique et sociale.

Elle repose sur une idée en trompe-l’œil selon laquelle il faudrait travailler plus longtemps puisque nous vivons plus longtemps. Mais c’est au contraire parce que nous travaillons moins longtemps, avec notamment la retraite fixée à 60 ans en 1981, que nous vivons plus longtemps !

Jean-François Rousset (Renaissance), député de la 3e circonscription
On vit dans un pays très protecteur. Tout cela est le fruit du conseil de la Résistance d'après-guerre donc il n'est pas question de le toucher. Au contraire, améliorer la situation, c'est réellement l'objectif. Donc, la réforme de la retraite s'impose.

Pourquoi ? Les études le montrent. À partir de 2027, il y aura un déficit du financement des caisses de retraite d'environ dix milliards d'euros. Si nous ne faisons rien, la dette va s'accumuler sur le dos de nos enfants, ce qui n'est pas un beau projet. Cette réforme me paraît indispensable.

2) Où doit-on placer le curseur de l'âge légal de départ à la retraite ?

Stéphane Mazars (Renaissance), député de la 1re circonscription
La Première ministre Elisabeth Borne a rappelé le 3 janvier que l’âge légal de départ à 65 ans n’est pas un totem, ce qui laisse la place au débat pour fixer cet âge légal à 64 ans avec une clause de revoyure dans les années à venir. Je suis d’ailleurs assez favorable à cette formule.
À titre de comparaison, je rappelle que nos voisins européens, avec des systèmes de retraite pas toujours aussi favorables qu’en France, affichent un âge légal de départ plus élevé : près de 66 ans en Allemagne, 65 en Belgique et en Espagne, 67 ans en Italie, en encore 66 ans au Royaume-Uni.
J’ajoute que la Première ministre a également assuré que la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein n’excédera pas les 43 ans, comme acté par la réforme dite Touraine. Depuis la loi Touraine votée en 2014 sous le quinquennat de François Hollande, la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein augmente d’un trimestre tous les trois ans, l’objectif étant
d’atteindre 172 trimestres en 2035, soit 43 années.

Laurent Alexandre (LFI), député de la 2e circonscription
La volonté du gouvernement de reporter l’âge légal à 65 ans revient à priver de retraite de  nombreuses personnes qui mourront avant d’y avoir accès, je pense notamment à tous ceux qui dont le corps s’use avec des travaux pénibles. 25% des plus pauvres sont déjà morts avant 62 ans !

Reculer l’âge de la retraite est aussi un contresens économique qui aura pour effet non pas d’économiser mais d’augmenter les dépenses de santé ou encore de chômage. Je suis pour une autre réforme des retraites : rétablir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans avec 40 annuités de cotisation et aucune pension en dessous du smic pour une carrière complète. C’est largement finançable en allant vers l’égalité salariale femmes-hommes, en faisant contribuer les plus aisés et par les économies réalisées sur les prestations sociales.

Jean-François Rousset (Renaissance), député de la 3e circonscription
La retraite est financée par les charges que nous payons sur le travail. Plus de Français travailleront, plus le financement des caisses de retraite pourra se faire. Progressivement, comme tous les pays de l'Europe le font, il va falloir augmenter la quantité de travail. Et c'est ce que le gouvernement propose. L'objectif, c'est d'augmenter progressivement de quatre ans à partir de 2027 tous les ans, pour arriver à 64 ans-65 ans.

L'âge n'est pas le seul facteur important. C'est aussi la capacité qu'a le pays à prendre en charge son système de protection qui n'est pas gratuit. Il faut que chacun puisse partir avec une retraite suffisante, qu'il n'y ait pas de trou, que l'on puisse s'attaquer aux régimes spéciaux et arriver à un système de retraite qui se finance et permette d'être en harmonie avec le vieillissement puisque nous vivons plus longtemps. Alors, oui, il est vrai que nous vivons parfois plus longtemps mais pas forcément dans de bonnes conditions physiques. Cette question relève de la protection sanitaire. Mais il faut malgré tout se mettre en tête qu'il faut travailler plus.

Le bon curseur sera celui arrêté après les négociations salariales avec les syndicats représentatifs et les politiques qui connaissent parfaitement ce dossier. On se dirige vers 64 ans-65 ans. Toutefois, je pense que le système sera suffisamment adaptable pour que l'on prenne en compte les carrières longues, les accidents de la vie, que l'on aille plus loin dans la pénibilité...

3) Faut-il avoir recours à l'article 49.3 si l'exécutif n'a plus d'autres choix que de déclencher la procédure pour faire adopter sa réforme ?

Stéphane Mazars (Renaissance), député de la 1re circonscription
Depuis le début de cette législature, l’article 49 alinéa 3 de notre Constitution a été utilisé plus d’une dizaine de fois mais sur deux et mêmes lois, à savoir la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, actes fondateurs de l’exécutif. Cet article de la Constitution permet au gouvernement de faire adopter un texte législatif sans vote en engageant sa responsabilité ; une
procédure qui peut être utilisée de façon illimitée en matière budgétaire.
Dans la mesure où les Français n’ont pas souhaité donner une majorité absolue mais seulement relative au Président de la République, il est normal que l’article 49 alinéa 3 de la Constitution soit actionné par le gouvernement qui doit impérativement doter notre pays d’un budget, lequel prévoit et autorise l'ensemble des ressources et des dépenses de la Nation, et ainsi éviter le chaos.
La loi de finances est un marqueur politique fort, qui ancre l’appartenance à une majorité ou à l’opposition. Concernant la réforme des retraites, il serait préférable d’éviter l’utilisation du 49-3 et de laisser vivre jusqu’à son terme le débat parlementaire. Toutefois, si les oppositions sont dans une logique d’obstruction, visant à bloquer le processus législatif, il est alors normal que le gouvernement prenne ses responsabilités dans le cadre encore une fois de ce que permet notre constitution mais aussi fidèlement à ce qui a été arbitré par les Français à l’occasion des dernières élections présidentielles et législatives.

Laurent Alexandre (LFI), député de la 2e circonscription
La politique menée par ce gouvernement est minoritaire dans le pays. Elle l’est aussi à l’Assemblée Nationale où Mm Borne a déjà eu recours dix fois au 49-3 (NDLR au 9 janvier 2023) pour annuler des décisions votées par les députés et imposer ses propres choix budgétaires. Cette réforme des retraites n’a pas de légitimité démocratique. 

Je rappelle que M. Macron a été élu au second tour non par un soutien majoritaire à son programme mais pour faire barrage à Mme Le Pen. Mme Le Pen qui d’ailleurs ne défend plus la retraite à 60 ans. Aux élections législatives, c’est la NUPES qui était en tête au premier tour mais la macronie a préféré permettre l’élection de nombreux députés RN au second tour. M. Macron devrait faire moins de politique politicienne et écouter les 77% de Français qui s’opposent à cette réforme.

Jean-François Rousset (Renaissance), député de la 3e circonscription
Le 49.3 est un article constitutionnel. Le gouvernement d'Elisabeth Borne n'est pas le premier à l'utiliser. Celui de Michel Rocard y avait eu recours vingt-huit fois. Utiliser le 49.3, cela veut dire que lorsque le débat parlementaire, que cela soit dans les commissions ou dans l'hémicycle ne progresse plus, et qu'il y a des débats importants pour l'avenir, il faut quand même voter, parce que nous ne pouvons pas laisser un pays ainsi. 

Si on n'arrive pas à trouver des consensus, il arrive un moment où la Première ministre est dans son rôle. À titre personnel, j'ai été surpris du travail parlementaire puisque je suis un nouvel élu. Je pensais que sur des sujets techniques, très consensuels, on aurait pu ne pas avoir de difficultés. Il y a malheureusement beaucoup de dogmes, de postures au détriment de l'efficacité. Le temps passe vite, la France va plutôt mieux que la plupart des pays européens mais je trouve cela dommage que nous en soyons arrivés à utiliser le 49.3.

4) Le calendrier des discussions est-il le bon ?

Stéphane Mazars (Renaissance), député de la 1re circonscription
Je note que le gouvernement a débuté les négociations avec les partenaires sociaux et les groupes politiques depuis maintenant de nombreux mois, après que ce sujet a été porté au cours des élections présidentielles. Il doit être également rappelé que les négociations sur une réforme des retraites ont été largement menées sous le précédent quinquennat. C’est donc maintenant le
moment pour le gouvernement de présenter son projet de loi au Parlement et que les débats puissent enfin s’y tenir jusqu’à leur terme.

Laurent Alexandre (LFI), député de la 2e circonscription
Le système des retraites n’est pas en faillite et ne justifie en rien cette précipitation. Dans son dernier rapport, le Conseil d’Orientation des Retraites juge que "les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraites".

Le système est en excédent de 3,2 milliards en 2022 et le fonds de réserve destiné à combler les déficits conjoncturels possède 26 milliards ! Le gouvernement ne mène aucune négociation sociale puisque, malgré l’opposition unanime de tous les syndicats de salariés, il s’obstine à défendre le report de la retraite à 65 ans. C’est une conception brutale du dialogue sociale et une vision dogmatique de l’économie.

Jean-François Rousset (Renaissance), député de la 3e circonscription
On n'avait pas le choix. Cela ne sera jamais le bon moment. Cela fait tellement longtemps... Mais, je crois que c'est peut-être le bon moment pour que les gens acceptent de se mettre autour de la table et parlent des vrais sujets. La retraite en est un. On ne peut pas se passer d'une réforme de la retraite, laisser les femmes avoir une telle différence avec les hommes, laisser les carrières hachées, les agriculteurs dans une situation qui n'est pas durable...

Il faut une réforme et il faut la financer. Lorsque l'on dit que ce n'est pas l'argent public qui doit financer les retraites, les gens oublient facilement que tous les régimes déficitaires sont abondés par l'argent des impôts. S'ils sont déficitaires, c'est qu'il y a une raison. Soit, on ne travaille pas assez, soit la cotisation n'est pas assez élevée, soit les retraites sont trop élevées. En 2027, il devrait manquer 430 euros par Français pour financer la retraite. Que fait-on ?

5) Quel est votre avis sur la volonté d'Emmanuel Macron d'augmenter la pension minimale à taux plein à 1 200 € par mois ?

Stéphane Mazars (Renaissance), député de la 1re circonscription
Le fait de revaloriser la pension minimale à taux plein est l’une des mesures importantes de cette réforme des retraites. Plus généralement, il faut rappeler que si une réforme des retraites est engagée c’est pour sauvegarder l’équilibre de notre système par répartition, lequel repose sur la solidarité entre les générations, auquel les Français sont très attachés. Et puis, le fait de travailler davantage dans les années qui viennent, plus globalement, est un moyen de continuer à financer notre modèle social, nos services publics, et le grand chantier de la transition écologique. Pour finir je tiens à rappeler qu’il faudra pour que cette réforme soit équitable, mieux prendre en compte les fins de carrière des séniors, bien appréhender la pénibilité de certains métiers et maintenir le régime des carrières longues pour ceux qui ont commencé à travailler tôt.

Laurent Alexandre (LFI), député de la 2e circonscription
C’est de la communication. L’idée de Mme Borne est de fixer une retraite minimale pour une carrière complète à 85 % du Smic mais c’est ce qui aboutira de toute façon après les prochaines revalorisations automatiques. L’objectif de 85 % est inscrit dans la loi depuis 2003 et devait être  atteint… en 2008. 

De très nombreux retraités ne peuvent pas vivre dignement de leur pension, j’ai rencontré beaucoup de ces personnes dans ma circonscription abîmées par les aléas de la vie. Un chef d’exploitation agricole victime d’une erreur administrative, un carrossier exposé à des inhalations toxiques au point d’être reconnu travailleur handicapé, une dame ayant choisi d’assurer l’éducation de ses enfants avec un mari gravement malade et tant d’autres sont et seront condamnés à vivre avec une pension indigne après cette réforme.

Assez perdu de temps. Avec la NUPES, je propose qu’il n’y ait plus aucune pension en dessous du seuil de pauvreté et plus aucune pension en dessous du Smic pour une carrière complète.

Jean-François Rousset (Renaissance), député de la 3e circonscription
C'est un bel objectif annoncé. 

L'interview réalisée avec les trois députés de l'Aveyron a été réalisée fin 2022.
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Les commentaires (2)
Altair12 Il y a 1 année Le 10/01/2023 à 09:28

La France qui travaille n'aurait elle pas le droit d'exprimer son sentiment ?
Il est vraiment regrettable qu'au pays des droits de l'homme la censure frappe aussi fréquemment et aussi sévèrement et que des gens censés diffuser des idées, des opinions.... se livrent à cette basse besogne digne des Etats totalitaires !

Vilain Il y a 1 année Le 10/01/2023 à 07:24

Comme d'habitude le "suiveur" Mazars donne son impression qui lui ressemble : Vide de sens et loin de la réalité Sociétale.
Je préférerai qu'il cesse de jouer et de faire de la figuration politique afin d'apporter une analyse mature à la situation tendue de la France .
Voici une réalité :
- A 18 ans pour commencer un travail on vous demande souvent 3 à 5 ans d'expérience Professionnelle.
- A 50 lorsque vous perdez votre travail, on vous classe trop Vieux pour en trouver un autre et l'on vous "parque" avec les Chômeurs LD.
- A 62 ans lors de votre demande vos droits à la retraite, on vous dit que vous êtes trop jeune et qu'il faut continuer à travailler jusqu'à 64 ans pour y prétendre !!!
Dans le contexte actuel ce dossier retraite modifié depuis plusieurs Gouvernements ne doit pas être le sujet prioritaire.
La réponse à apporter aux Français est Urgente car la France est malade !