Comment l'Aveyron s'emploie à limiter les pertes, face à la pénurie d'eau ?

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  • Après deux années de test, une recherche canine de fuites sur les réseaux potables a été menée à Thérondels dans le Nord-Aveyron.
    Après deux années de test, une recherche canine de fuites sur les réseaux potables a été menée à Thérondels dans le Nord-Aveyron. Photo - DR.
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Olivier Courtil

Face à la sécheresse, le Nord-Aveyron a fait appel à Veolia pour déceler les fuites sur le réseau à l’aide de chiens. Au Sud, une aide est en cours… que n’ont pas attendu les communes.

Le chien est-il le meilleur ami de l’Homme ? Les habitants du Nord-Aveyron n’en doutent plus suite à l’opération inédite menée ces derniers jours par Veolia à Thérondels pour détecter des fuites par des chiens dressés sur l’odeur du chlore. "Cette opération entre dans le cadre du renouvellement de délégation de service public avec Veolia, parmi les pistes pour faire face à la pénurie à cause de la sécheresse", rappelle Jean Valadier, président de la communauté des communes du Nord-Aveyron et maire d’Argences-en-Aubrac d’où partaient les camions-citernes l’an dernier pour alimenter en eau le Carladez ainsi que Saint-Hippolyte.

"Les résultats sont bluffants"

Une première qui a porté ses fruits puisqu’en une matinée, trois fuites ont été détectées. Chef de projet de la direction soutien métiers et performance de Veolia, David Maisonneuve avait eu l’intuition, il y a deux ans, que des équipes cynophiles pouvaient se former à cette spécialité, troquant l’électronique pour la truffe d’un canidé.

"Passé l’entraînement des animaux à la détection du chlore, une phase de tests a été réalisée sur le terrain dans plusieurs régions. Les résultats sont bluffants : les performances canines vont au-delà des seuils que nous avions fixés", témoigne Nathalie Delon, maître-chien. Il faut dire que le flair et l’intelligence des chiens sont des alliés de l’homme reconnus dans bien des situations tels que la détection de substances illicites, les victimes ensevelies sous les décombres ou les avalanches, et même certains cancers ou le Covid.

Objectif 85 % sur l’Aubrac

Concernant la ressource en eau, l’utilisation des chiens est un complément à la technologie pour les petites fuites dans des lieux difficiles d’accès. "Un agent a été recruté pour lutter contre les fuites avec l’objectif d’arriver à 85 % de rendement du réseau ce qui permettrait de récupérer 20 000 m3 par an", avance Jean Valadier. Celui-ci est actuellement de 79,4 % sur le Carladez (79,8 % la moyenne en France, NDLR), ce qui "est déjà bien", concède Jean Valadier, surtout en milieu rural avec les longues distances de canalisations auxquelles s’ajoutent la corrosion et le vieillissement des joints.

Face à la sécheresse qui frappe à la porte de l’Aveyron, et déjà en Occitanie (quatre communes des Pyrénées-Orientales sont actuellement privées d’eau potable) avec un niveau d’étiage de 46 % actuellement (80 % l’an dernier, NDLR), la communauté de communes du Nord-Aveyron s’apprête aussi à gérer la ressource à court terme pour éviter le ballet des camions-citernes, du moins raccourcir leurs trajets. "Nous travaillons avec EDF et l’agence régionale de santé pour pomper l’eau du lac de Sarrans. Il s’avère que les eaux de la Truyère sont de qualité équivalentes au Siniq (rivière, sous-affluent de la Truyère qui alimente l’usine de Thérondels, NDLR). "À terme", poursuit l’élu, "on travaille sur l’interconnexion avec l’agence de l’eau permettra de créer une petite réserve au pied de l’usine de Thérondels et de réhabiliter des sources dans chaque village pour faire des réserves dans le bétail."

Tensions sur l'eau potable

Une source qui ne manque pas à la commune de Camarès. Pourtant, celle-ci est classée avec deux autres communes du Sud-Aveyron, à savoir Brusque et Vabres-l’Abbaye, parmi les 2 000 communes ayant connu des tensions sur l’eau potable en 2022 et se retrouve dans les 170 collectivités ciblées par le plan d’action sur l’eau dévoilé par le gouvernement début avril (lire par ailleurs). "Depuis dix ans, on travaille à l’amélioration du réseau, en passant de 21 % à 62 % ce qui fait que nous sommes désormais tout juste en dessous du Grenelle qui est de 65,5 %", indique Cyril Touzet, maire de Camarès où la commune a investi 130 000 € en trois ans "avec zéro euro de subvention", fait-il remarquer.

"On est pénalisé par l’agence de l’eau avec 11 000 € d’amendes par an, maintenant on a des aides", ironise l’édile qui rappelle que sa commune compte "42 km de tuyaux et 900 compteurs avec des tronçons qui dataient d’après-guerre." Et d’ajouter : "Heureusement nous avons l’eau en régie. Nos administrés boivent de l’eau de source, en gravitaire, c’est une résurgence. Une richesse pour notre commune qui n’a pas besoin de pomper."

Garder la mainmise

Derrière les aides annoncées par le plan du gouvernement, le maire ne cache pourtant pas sa crainte, celle d’être aspirée par une multinationale. "L’agence de l’eau demande à augmenter le tarif de l’eau pour l’assainissement alors que nous l’avons moins cher grâce à notre source gravitaire. On veut garder l’autonomie mais il faut se battre", glisse Cyril Touzet qui annonce un investissement de quelque 50 000 € cette année pour continuer à détecter les fuites. Et garder sa source prodigieuse. Ces sources que le Nord-Aveyron souhaite réhabiliter car bien moins coûteuses pour les petites communes rurales que la mise en place de l’interconnexion et aussi de répondre aux besoins de l’élevage.

"Des mesures qui doivent être prises cas par cas", dit en ce sens le maire de Camarès. "Nous avons la nécessité de ne rien négliger", se défend Jean Valadier, au Nord. Avec le même souci : maintenir la ressource. Pour cette raison, l’accent est aussi mis sur la pédagogie auprès des consommateurs. "On peut installer chez soi un économiseur par exemple, des entreprises travaillent également sur des programmes d’évolution pratique du nettoyage, si chacun fait sa partie, cela devrait passer", conclut Jean Valadier.

Cap sur 2030

Derrière le libellé pompeux "plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau", le gouvernement a dévoilé début avril une liste de cinquante-trois mesures pour faire face à la sécheresse. Parmi les objectifs visés : économiser l’eau à hauteur de 10 % d’ici 2030, réduire les fuites, valoriser les eaux non conventionnelles (eaux usées, pluviales, etc.) à travers 1 000 projets à lancer d’ici 2027, ou encore investir dans la recherche.

Des aides financières sont attribuées dont une concernant les 170 communes ciblées pour lutter contre les fuites sur les réseaux. En Aveyron, trois communes (Camarès, Vabres-l’Abbaye,

Brusque) sont recensées par cette aide dont le montant global est de 180 M€.

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