INTERVIEW. "Quand j'ai pris la voix de Dwayne Johnson, ils ont crié", rencontre avec le comédien David Krüger

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  • David Krüger, la voix notamment de Dwayne Johnson et Chris Pratt, est à Rodez tout le week-end lors de Games of Geek.
    David Krüger, la voix notamment de Dwayne Johnson et Chris Pratt, est à Rodez tout le week-end lors de Games of Geek. Wikimedia commons
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David Krüger, la voix française de Dwayne Johnson et Chris Pratt, est présent à Rodez à l'occasion du salon Games of Geek. 

Comment on arrive dans le milieu du doublage ?

Ça fait 36 ans que je suis comédien, que je fais du théâtre de temps en temps, je tourne aussi... Mais principalement, c'est vrai, la branche de métier de comédien dans laquelle je travaille le plus, c'est en studio. Donc pour le jeu vidéo ou en doublage.

Après mon Bac et mon service militaire, j'ai pris des cours d'art dramatique. Donc j'ai décidé de faire ce métier, comme mon père et ma mère qui sont aussi du milieu. Et puis pendant 4-5 ans des cours de danse, des cours de chant... J'ai essayé de me former le plus possible parce que j'étais très amoureux des comédies musicales des années 40. Et puis ! Ma maman connaissant les difficultés du milieu de comédiens, et faisant elle-même du doublage, m'a donné un petit coup de pouce. J'ai commencé en faisant des ambiances, et puis des petits rôles, et on en est là aujourd'hui.

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Des sons d'ambiance ?

Quand tu as une scène avec deux personnages principaux qui discutent, et qu'ils sont dans un marché par exemple, tu as toujours la marchande de poisson en fond qui crie : "il est frais mon poisson !". Et tu as toujours des amoureux qui passent, des gars à vélo, des enfants qui courent après... Tout ce qu'on appelle ambiance autour de la scène principale. Derrière, il y a tout un univers de gens dans un marché, dans un restaurant, dans un cinéma, dans une manifestation...

C'est très différent de jouer derrière un micro pour un doublage que sur scène ?

Ah oui, les contraintes sont très différentes. J'adore la scène parce que c'est du direct. Comme si tu étais sur un plongeoir de 50 mètres et qu'il faut que tu sautes. Tu sais que tu en as pour une heure et demie face à un public qui vibre et réagit à ce que tu fais, en ayant des émotions... Tu ne peux pas te planter. Et c'est ça que j'adore ! Il y a frisson au moment de rentrer, là tu ne peux plus reculer. J'ai déjà joué devant 900 personnes, c'est impressionnant. C'est du spectacle vivant, comme on l'appelle. C'est ça qui est absolument génial, le public vit avec toi, respire avec toi, tu respires avec lui... Il y a un échange qui se fait, c'est la grande différence avec le travail en studio. 

Mais avec la voix, comme on est derrière un micro, on peut interpréter des personnages avec des âges différents, des physiques différents. Il m'est arrivé de jouer des gens très gros, très minces, ou par exemple des comédiens américains noirs alors que je suis tout à fait caucasien. Et pourtant, vocalement ça fonctionne ! Dans le dessin animé aussi, on peut incarner des personnages complètement loufoques. J'ai déjà fait un marteau et un tournevis cruciforme, tout est possible !

Ces dernières années, le métier de comédien dans le doublage est de plus en plus mis en lumière, alors que c'est longtemps resté un métier de l'ombre. Comment vous le vivez ?

Il y a encore 20-25 ans, les comédiens qui faisaient du doublage n'avaient pas trop envie qu'on sache qu'ils faisaient du doublage. C'était considéré dans la profession comme un sous-métier... Et puis il y a toute une génération de dessins animés, de mangas, et les gens se sont intéressés aux voix en voulant les identifier. Là on s'est rendu compte que ce n'était pas du tout un sous-métier, mais bien une des cordes à l'arc du comédien. 

Comment les gens réagissent quand ils vous rencontrent, et qu'ils découvrent qui est cette voix de leurs personnages favoris ?

Comme avec tous mes camarades. La voix, ça rappelle des souvenirs. Donc il y a un impact inconscient chez les gens qui nous rencontrent.

Par exemple, vendredi soir, j'avais une petite interview au cinéma de Rodez, qui repasse en ce moment "Jurassic World". Et on sort, il y avait une bande de gars devant, alors moi je rigole un peu avec eux en leur souhaitant une bonne séance. Et quelqu'un qui était avec moi leur dit que je fais des voix dans les films qui sont à l'affiche. Les jeunes nous disent : "non, c'est pas vrai ! Vas-y, fais-nous la voix pour voir !". Et j'ai pris la voix un peu plus grave de Dwayne Johnson, la réaction des jeunes ça a été : "whoa, mais non !" Ils ont crié, ils étaient fous ! 

Il y a eu un impact ! Mais je ne suis pas responsable de ça, ils regardent des films en voix françaises, et Dwayne Johnson ça fait une vingtaine de films que je suis avec lui. Donc ces jeunes ont bien sa voix française imprégnée. Mes cordes vocales sont assimilées à Dwayne Johnson. Il y a un impact très particulier, et c'est pareil pour tous mes copains comédiens. 

J'ai tendance à dire que tout dans la vie est vibratoire. Certaines vibrations vocales nous parlent plus que d'autres. Et quand certaines personnes sont touchées par une vibration vocale, tout d'un coup ça les émeut. Ça touche quelque chose en eux. 

Chris Pratt et Dwayne Johnson sont parmi les grands rôles que vous suivez. Comment ça a commencé ?

Chris Pratt, ça s'est fait sur un essai sur "Les Gardiens de la Galaxie". Je ne savais pas qui c'était avant ! Je ne savais non plus du tout où je mettais les pieds, ni l'univers du film. Donc j'y allais vraiment dans l'inconnu le plus total ! Et puis un an après, on m'appelle pour passer des essais sur un comédien que j'avais déjà doublé, sans me dire lequel. Et c'était pour la bande-annonce de "Jurassic World", avec Chris Pratt évidemment. Je voulais vraiment le conserver et continuer d'être sa voix. Phrase par phrase, je voulais vraiment être au plus près de ce qu'il fait : vocalement, énergétiquement parlant, ses intonations, tout ! 

Et pour Dwayne Johnson, on m'appelle un jour pour une bande-annonce de "Fast & Furious 5". Ça dure trois, quatre minutes. Et on me dit : "cherche celui que tu vas faire !" Je vois passer un type, un deuxième type, une fille, un machin, un truc... Et à la fin, je ne savais toujours pas qui j'allais faire ! Alors on regarde encore, puis une troisième fois ! Puis on décide d'arrêter l'image sur Dwayne Johnson. "Tu vas faire lui !". Je dis attends, c'est pas possible, je suis épais comme un sandwich de gare, et lui il est costaud, même vocalement. Il a fallu une autre écoute pour me rendre compte que sa voix était grave, mais pas tant que ça. Je fais donc "Fast & Furious 5", puis s'en suivent les 6, 7, 8... Et ça fait 20 films depuis environ 12 ans que je le suis. Ça fonctionne, mais j'ai été le premier surpris ! (rires) Mais c'est rentré, et pourvu que ça dure, parce que j'aime beaucoup Dwayne Johnson.

Vous avez déjà rencontré un acteur que vous doublez ?

Non, jamais. Mais j'ai failli ! Un jour, un copain qui travaille sur NRJ Compiègne m'appelle pour une interview dans le cadre d'une projection de "Jumanji". J'y vais, et sur la même période, Sébastien Cauet recevait Dwayne Johnson à Paris. Je ne connaissais pas Sébastien à l'époque, sinon j'aurais demandé à passer. 

Si ça doit arriver un jour, ça arrivera. J'aurais l'air d'un couillon à côté de lui parce qu'il a quand même des bras épais comme mes cuisses ! Ça serait rigolo, j'aurais l'air d'un nain, mais ce n’est pas grave ! (rires)

Vous êtes également la voix de nombreux personnages de jeu vidéo, notamment Master Chief dans la saga "Halo". C'est différent d'être la voix d'un jeu vidéo ?

Le jeu vidéo, c'est une autre technique. On n’a généralement pas d'image, mais des formes d'onde. Chaque phrase correspond à une forme d'onde. Donc quand on enregistre, on fait phrase par phrase, et la longueur de forme d'onde française ne doit pas dépasser la forme d'onde originale.  Par exemple, quand le Master Chief dit en anglais "I need a weapon", ça dure un certain temps. Moi, ça a été adapté, je fais "Il me faut une arme". Je dois avoir la même longueur de phrase. Donc c'est un autre travail, c'est une autre technique. 

Je suis en effet dans "Halo", mais aussi dans "Destiny", je suis Scorpion dans "Mortal Kombat". J'ai participé dans tous les "Call of Duty". J'en ai fait plein au bout de 30 ans dans les studios pour les jeux vidéo ! 

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