Sangliers : le monde agricole aveyronnais tire la sonnette d’alarme, la "chasse business " dans le viseur

Abonnés
  • Les dégâts causés par les sangliers exaspèrent les agriculteurs.
    Les dégâts causés par les sangliers exaspèrent les agriculteurs. Repro Centre Presse
Publié le
Adrien Valette


Les agriculteurs d’Almont-les-Junies, une fois de plus, alertent sur les dégâts aux cultures provoqués par les sangliers, dont la population augmente chaque année. Et pointent du doigt la "chasse business".
 

Terres labourées et champs dévastés : tel est le quotidien des agriculteurs qui, rassemblés cette semaine devant la mairie d’Almont-les-Junies, avaient bien l’intention de se faire entendre.

Et pour cause, ce jour-là, une réunion en huis clos était organisée en présence du sous-préfet de Villefranche-de-Rouergue, Christophe Burbaud, de Bruno Cavaignac, le maire, du directeur de la Fédération départementale des chasseurs de l’Aveyron, Nicolas Cayssiols, de la DDT, des gendarmes et d’un agriculteur, almontois bien sûr. Deux heures durant, l’ensemble des acteurs présents ont échangé et travaillé dans une ambiance "tendue" avec un objectif : arriver, in fine, à endiguer le problème de la surpopulation des sangliers et des dégâts qu’ils provoquent.

Pendant ce temps-là à l’extérieur, devant la mairie, une vingtaine d’agriculteurs d’Almont-les-Junies et des communes avoisinantes se sont rassemblés et attendent de pied ferme les annonces des services de l’État et de la fédération de chasse.

"Du dégoût et de la colère"

"Ça fait 20 ans que ça dure, c’est plus possible, clame l’un des agriculteurs. Il faut absolument trouver une solution. Aujourd’hui on exige des réponses et une solution radicale", affirme-t-il sans l’ombre d’une hésitation.

Ce n’est pas F. Bonny et son fils qui diront le contraire. Sur leur exploitation d’une soixantaine d’hectares à Sainte-Catherine, non loin d’Almont, environ 11 hectares sont consacrés à la culture du maïs. "En tout, on a environ 5 hectares de semis détruits. C’est insupportable… Après le passage des sangliers, tout est foutu", témoignent-ils. Alors quand on leur demande ce qu’ils ressentent, "le dégoût et la colère" sont les premiers mots qui leur viennent à l’esprit. C’est un puits sans fond s’accordent à dire les agriculteurs présents ce mercredi matin : "On travaille la terre, on prépare le sol, on sème. Et en une nuit, tout ce travail est à refaire", se désolent-ils. "Moralement et psychologiquement, c’est épuisant", confie l’un d’entre eux.

Mais à cette fatigue psychologique s’ajoute également un coût financier non négligeable. "Pour implanter du maïs, il faut compter environ 1 500 euros à l’hectare, explique le fils Bonny. On a environ 5 hectares de dégâts, faites le calcul", glisse-t-il non sans colère. Quant aux indemnités versées aux agriculteurs, elle n’est, selon eux pas suffisante. "Les dégâts ne sont pas remboursés à leurs valeurs réelles, explique l’un d’entre eux. Cela couvre à peine le montant des semences".

"Au bout d’un moment, on peut craquer"

Une autre agricultrice présente renchérit : "On ne cherche pas à percevoir des indemnités, on veut une solution radicale pour arrêter les dégâts". Et d’ajouter : "Les indemnités, c’est bien beau, mais c’est aussi une lourdeur administrative supplémentaire. Comme si l’on n’en avait pas assez", lâche-t-elle.

Alors que le monde agricole connaît, à l’image de nombreux autres secteurs, des temps difficiles marqués entre autres par la sécheresse et le changement climatique, l’inflation et l’augmentation des prix des matières premières et du carburant, les dégâts causés par les sangliers sont comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. "J’en connais certains qui sont déjà fragiles. Le métier et dur et la conjoncture peu favorable. Je pense vraiment que certains agriculteurs peuvent en arriver au suicide. Quand tout ton travail est anéanti par les sangliers, une fois, puis deux et trois fois. Au bout d’un moment, on peut craquer", avoue avec émotion une agricultrice venue crier toute sa colère et sa désolation.

Non sans colère, tous l’affirment : "On attend de réels changements et une vraie prise en compte de la problématique. Pour l’heure, nous restons sages, il n’y a pas de débordements, mais pour combien de temps…".

La fédération des chasseurs dans le viseur

"Le problème c’est que la chasse, c’est un business", affirment de nombreux agriculteurs ce mercredi matin. "Ils ne font pas assez de prélèvements", affirment-ils. À l’occasion d’une précédente réunion, au mois de février dernier, un délai supplémentaire pour la chasse avait été accordé, celle-ci pouvant s’étendre jusqu’au mois de mars.

"En mars, ils ont abattu quelque 28 femelles pleines. Ça peut paraître beaucoup, mais on parle d’une zone de chasse de plus de 8 500 hectares alors, proportionnellement, c’est loin d’être suffisant", s’insurge l’un des agriculteurs. "Comprenez-moi bien, le problème ce ne sont pas les chasseurs mais bien la fédération qui opte pour un comportement conservatoire", affirme-t-il. Aujourd’hui, on dénombre un total de 247 sangliers prélevés, contre 166 l’année précédente à la même période.

Grandes battues, espèce nuisible… Quelles solutions ?

À l’issue de la réunion, le sous-préfet a alors annoncé les fruits de cette concertation et les pistes envisagées pour lutter contre les dégâts de sangliers. "L’État local a tenu ses engagements, insiste-t-il en préambule. La réunion avait été annoncée, elle a eu lieu et nous sommes pleinement mobilisés à vos côtés", affirme-t-il.

Et d’ajouter : "Nous avons élaboré de nouvelles pistes de travail concrètes. De nouvelles actions sont envisagées. la première étant une battue d’ampleur, organisée de manière collégiale par la louvèterie et les sociétés de chasse. À cela s’ajoute la mise en place d’une réunion permettant d’identifier les points noirs : réunir la CDCFS (Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage) permettant de classer le sanglier comme espèce nuisible (ESOD). Enfin, d’autres mesures nationales évoquées à l’occasion du Salon de l’agriculture pourraient aussi venir étoffer la lutte contre les dégâts de sangliers."
 

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?