Sécheresse: brasseries et malteries en quête de solutions pour économiser l'or bleu

  • Après s'être concentrée sur les économies d'énergie, l'entreprise s'est fixé l'objectif de passer en un an de six à cinq litres d'eau consommés par litre de bière produit.
    Après s'être concentrée sur les économies d'énergie, l'entreprise s'est fixé l'objectif de passer en un an de six à cinq litres d'eau consommés par litre de bière produit. DENIS CHARLET / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Désormais, chaque goutte compte: de la "trempe" de l'orge au rinçage des bouteilles, économiser l'eau devient capital pour la filière bière, sous la pression du changement climatique et des autorités, même dans les régions peu habituées à la sécheresse.

Dans la brasserie Castelain de Bénifontaine (Pas-de-Calais), la bière s'élabore dans des cuves de 10.000 litres, avec le concassage du grain en bruit de fond. Infusion ascendante d'eau chaude, filtration pour séparer le jus clarifié des drêches (les résidus d'orge), ébullition: à chaque étape du processus, l'eau joue un rôle clé.

"On n'était pas du tout touché il y a dix ans (par la sécheresse, ndlr), on l'est aujourd'hui", relève Nicolas Castelain, qui représente la troisième génération de sa famille à la tête de la brasserie. "L'eau est aujourd'hui une ressource prioritaire."

L'année 2022 a été marquée en France par une sécheresse exceptionnelle, provoquant dans le Pas-de-Calais "un asséchement des sols inédit depuis 1958", selon la préfecture. Cette année, le département a été placé en vigilance sécheresse en avril.

Plus généralement, dans les Hauts-de-France, deuxième région brassicole française, la situation des nappes phréatiques n'est pas critique, mais la vigilance s'impose.

- Géants et artisans -

"On est tous sollicités par l'Agence de l'eau pour faire des efforts sur nos consommations", souligne Nicolas Castelain.

Sa brasserie dispose d'un forage pour puiser directement dans la nappe phréatique, mais est aussi raccordée au réseau communal.

Après s'être concentrée sur les économies d'énergie, l'entreprise s'est fixé l'objectif de passer en un an de six à cinq litres d'eau consommés par litre de bière produit.

Pour cela, elle a investi 750.000 euros dans un système de lavage automatisé, destiné à optimiser les quantités d'eau et de détergent utilisés pour laver cuves et tuyaux. Les eaux du rinçage final sont récupérées pour le prélavage d'autres objets.

Economiser l'eau s'avère plus facile pour les grandes brasseries automatisées que pour les plus artisanales.

Le plus grand site brassicole de France, Kronenbourg à Obernai (Bas-Rhin), revendique 3,6 litres d'eau par litre de bière produit, contre 12 lors de son ouverture, en 1969.

Dans les Hauts-de-France, deux géants, Heineken et Goudale, projettent d'accroître leur production mais doivent obtenir le feu vert des autorités.

"L'ensemble des projets des industriels sont examinés au regard de la ressource en eau", prévient Julien Labit, directeur régional de la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), car "l'état de la nappe est préoccupant".

- 2.500 brasseries -

Goudale, près de Saint-Omer, est autorisé à pomper 50.000 m3 sur son forage et "demande à pouvoir passer à 200.000 m3", pour produire jusqu'à "40% de plus d'ici quelques années", expose son directeur général Gery Pourbaix.

Le brasseur aimerait à terme pouvoir réutiliser l'eau qui sort de sa station d'épuration, actuellement rejetée dans un canal.

Pour Heineken, la métropole lilloise assure être d'une "vigilance absolue". "Actuellement il n'y a pas d'incidence de l'eau qu'ils tirent sur nos nappes, proches, mais pas en contact. Mais quand on tire de plus en plus, il peut y avoir une forme d'aspiration", explique le vice-président chargé de l'eau, Alain Bezirard.

Il juge que l'entreprise est pour l'instant un "très bon gestionnaire de l'eau".

En amont des brasseurs, qui sont 2.500 en France, huitième producteur de bière en Europe, les malteurs se sont également mis à penser sobriété.

A Strasbourg, le géant Soufflet, qui consomme 4 litres d'eau pour un kilo de malte, vise 2,5 à 3 litres d'ici 2030, notamment en faisant recirculer l'eau dans ses installations.

La trempe, consistant à immerger le grain pour le faire monter en humidité et lui permettre de germer, est l'étape la plus gourmande.

Selon son directeur général Guillaume Couture, Soufflet cherche de nouvelles variétés "capables d'absorber plus facilement de l'eau et donc d'en utiliser moins" dans le processus.

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