"Deux claques et au lit !" : comment Hugues Moutouh, le préfet "bulldozer" de l'Hérault, a enflammé le débat sur l'autorité parentale

Abonnés
  • Le préfet Hugues Moutouh, "une main de fer dans un gant de velours", estime le député Patrick Vignal.
    Le préfet Hugues Moutouh, "une main de fer dans un gant de velours", estime le député Patrick Vignal. Midi Libre - SYLVIE CAMBON
Publié le
Ludovic Trabuchet

La petite phrase d'Hugues Moutouh sur France Bleu Hérault a déclenché une véritable polémique. Mais le représentant de l'Etat dans le département a aussi trouvé des défenseurs. 

"Deux claques et au lit !" Invité à réagir aux violences urbaines au micro de France Bleu Hérault lundi matin, Hugues Moutouh a de nouveau justifié son surnom de "préfet bulldozer" avec cette solution radicale pour lutter contre les jeunes émeutiers. "Je sais qu’en 2019, le Parlement a interdit la fessée, mais si demain vous attrapez votre gamin qui descend dans la rue pour brûler des véhicules de police, caillasser des pompiers ou piller des magasins, la méthode, c’est quoi ?", avait introduit le préfet de l'Hérault.

?️Retrouvez mon interview complète ce matin @bleuherault ⤵️ https://t.co/7IiwYjGreM

— Préfet de l'Hérault ?? (@Prefet34) July 3, 2023

Cinq millions de vues

Deux jours plus tard et cinq millions de vues de l’extrait vidéo diffusé sur les réseaux sociaux, la polémique déclenchée par la petite phrase n’est pas retombée. Bien nourrie par la saisine du procureur de la République par trois députés Insoumis, dont les deux Héraultais Nathalie Oziol et Sylvain Carrière.

"Cette déclaration est un appel manifeste à contrevenir à la loi du fait qu'elle incite les parents à faire usage de violences physiques à l'égard de leur enfant", tancent les deux élus, rappelant l'article 371-1 du Code civil disposant que l'autorité parentale "s'exerce sans violences physiques ou psychologiques". Autre argument : "la lutte contre les violences faites aux enfants a été érigée en priorité par la Première ministre (...) Il est désolant de constater que le représentant de l'Etat dans l'Hérault, en contradiction avec les objectifs du gouvernement, appelle à exercer de telles violences".

"Ce n'est pas une méthode éducative, c'est de la violence"

Nathalie Oziol et Sylvain Carrière ont ainsi judiciarisé les nombreuses réactions de cadres de la gauche. Sandrine Rousseau, Olivier Faure, Aymeric Caron... et tant d'autres ont publiquement dénoncé cette sortie. L'association de protection de l'enfance, Be Brave, s'est aussi immiscée dans le débat en dénonçant des propos "scandaleux".

"La loi française de 2019 interdit aux parents (et autres personnes) de frapper ses enfants. Ce n'est pas une méthode éducative, c'est de la violence. Et les conséquences post-traumatiques des violences ont été suffisamment démontrées", détaille son président Arnaud Gallais, qui estime que la mission d'un préfet "n'est pas de commenter la loi ou de la modifier, mais de la faire appliquer".

"De pseudo-députés hors-sol"

La sortie de trop pour Hugues Moutouh, jadis collaborateur de Nicolas Sarkozy et auquel la rumeur prête un avenir doré en Macronie ? Que nenni. Les attaques à gauche ne font guère trembler ce préfet très politique, rompu aux coups de menton et qui a fait de l'autorité son credo. Il a de surcroît trouvé aussi des défenseurs.

Tout aussi nombreux et certains très remontés à l'image du maire de Saint-Géniès-des-Mourgues, Yvon Pellet, qui a spontanément critiqué l'action "de pseudo-députés hors-sol qui ne méritent en rien de représenter la France. Les propos du préfet sont pleins de bon sens et totalement justifiés et sont partagés par 99,99 % (sic) des Français".

Des parents convoqués en mairie de Montpellier

Si le maire de Montpellier ne s'est pas épanché sur la forme, lui aussi estime que la question de fond, celle de l'autorité parentale, "est un vrai sujet". Avec cette nuance : "Parfois, des parents sont dépassés par des situations, comme lors de la crise de l'adolescence", dit Michaël Delafosse.

Il annonce au passage qu'il convoquera en mairie "les parents de tous les mineurs interpellés à Montpellier durant les émeutes" pour leur rappeler qu'un cadre est nécessaire -"aucun enfant n'a vocation à être dans les rues à minuit" -, mais peut-être mettre en place des aides.  

Un bulldozer en action

Hugues Moutouh trouve aussi du renfort au sein de la majorité. Le député Patrick Vignal illustre même le sujet avec sa propre expérience. "Une fois, gamin, j'ai fait une connerie qui m'a amené au commissariat. Mon père m'a mis un coup de pied au cul, ça m'a fait passer l'envie de recommencer".

" Deux claques et au lit" sont les propos inacceptables tenus par le @Prefet34 hier matin à la radio.

Avec @NathalieOziol et @WilliamMartinet nous saisissons le procureur de la République de #Montpellier sur la base de l'article 40 du Code de procédure pénale. pic.twitter.com/UdaCToFJ4s

— CARRIERE Sylvain (@Sylv20CARRIERE) July 4, 2023

L'élu estime donc que le préfet de l'Hérault a eu raison d'ouvrir le débat. "Il a décrit ce qui s'appelle l'éducation. Certains se plaisent à le stigmatiser, mais quand il a fait détruire les bidonvilles, il a relogé les familles de Roms. Ce préfet, c'est une main de fer dans un gant de velours", conclut Patrick Vignal, qui aurait préféré "que mes collèges Insoumis signent ma proposition de loi pour reconnaître le métier de médiateur social". 

L'intéressé, lui, préfère ne pas commenter la polémique. Il est depuis retourné à son quotidien, se mettant même en scène, mardi, sur une opération de lutte contre la cabanisation dans le Biterrois. "Vous construisez en toute illégalité : on démolit. La force doit rester à la loi", écrit Hugues Moutouh sur son compte Twitter pour illustrer... un bulldozer en action.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes