"Des risques d'épisodes cévenols" : Christophe Béchu, le ministre de l'Ecologie, alerte sur le risque d'inondations

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    Christophe Béchu : "L’Occitanie est en première ligne". Midi Libre - JEAN-MICHEL MART
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Recueilli par Manuel Cudel (Midi Libre)

Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires alerte sur le risque d’inondations et dresse un bilan de l’été sur le front des incendies et de la sécheresse.

Le gouvernement renforce sa campagne de prévention face aux risques de crues, au moment où la France entre dans une période sensible…

C’est totalement d’actualité, en effet, et ma priorité est de protéger les Français. C’est le moment de l’année où les épisodes cévenols présentent les risques les plus forts. Ce qui les rend d’autant plus dangereux, c’est la situation que nous connaissons, une température de la mer qui est chaude avec des orages peu mobiles, des sols secs en raison de la sécheresse avec un risque de ruissellement.

Malheureusement, tous ces indicateurs sont réunis. J’ai souhaité que la campagne de prévention annuelle, appuyée notamment pendant trois mois sur des spots (YouTube, Spotify, Deezer…), une sensibilisation dans les journaux et sur Internet (plus www.pluie-inondation.gouv.fr), prenne de l’ampleur et s’inscrive, comme la Première ministre l’a appelé de ses vœux, dans le cadre de la journée mondiale de l’ONU sur la prévention des risques, le 13 octobre.

Une proposition de loi, votée en juillet, consacre désormais ce rendez-vous : ce sera une journée de résilience pour rappeler à l’ensemble de la population les gestes qui sauvent et les bons réflexes.

L’Occitanie est considérée comme l’une des régions françaises les plus exposées aux risques d’inondations, mais aussi d’incendies et de sécheresse…

Oui, la carte de France concentre les risques sur quinze départements (dont l’Aveyron, l’Aude, le Gard, l’Hérault, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, pour les inondations, NDLR), l’Occitanie est en première ligne et est donc ciblée par cette campagne de prévention.

Quelles leçons tirez-vous de l’été 2023 ?

Nous venons de vivre un été beaucoup moins difficile, comparé à 2022. 72 000 hectares étaient partis en fumée au 31 août, nous sommes cet été aux alentours de 12 000 hectares, même si les niveaux de températures et de sécheresse invitent encore à la vigilance.

Mais, comme l’a précisé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, 98 % des 1 2000 départs de feux ont été éteints cet été avant qu’ils atteignent un hectare, nous n’étions qu’à 70 % il y a un an.

D’abord parce que nous avons mobilisé bien plus de pompiers (55 colonnes de renforts, contre 44 l’été précédent), et nous avons pu bénéficier de 45 engins aériens (38 en 2022), c’est ce qui a permis d’arrêter si vite l’incendie d’Argelès-sur-Mer (entre le 14 et le 16 août, NDLR) qui aurait pu être dramatique.

Nous avons aussi rappelé à 3 millions de propriétaires leurs obligations de débroussaillement. En ce qui concerne la sécheresse, l’an dernier, à la même période, 700 communes connaissaient des difficultés d’alimentation en eau potable et étaient ravitaillées, contre environ 130 cette année, alors que 72 % des nappes phréatiques sont en dessous des normales de saison (données du 10 août, contre 68 % en 2022).

Mais nous avons lancé mille chantiers pour assurer des interconnections de sécurité, des améliorations des points de captage. Nous devons aller plus loin désormais en rehaussant le niveau de protection des Français face aux chaleurs (santé, suivi des salariés sur les chantiers, etc.). Ce sera l’enjeu de ce mois de septembre.

Doit-on s’attendre à des phénomènes de plus en plus extrêmes, sous l’effet du réchauffement climatique ?

Malheureusement, oui. Le dérèglement climatique accroît de façon exponentielle les risques naturels. Le risque de sécheresse, par exemple, a été multiplié par deux depuis trente ans et sera encore multiplié par deux d’ici au milieu de ce siècle.

En 2100, les habitants de la moitié nord de la France pourraient connaître 40 à 50 nuits tropicales (à plus de 20 degrés) par an, 90 sur le pourtour méditerranéen.

Sommes-nous prêts à faire face à ces bouleversements ?

C’est tout l’enjeu du plan national d’adaptation au changement climatique. Compte tenu des engagements internationaux des États qui ne sont pas à la hauteur de l’Accord de Paris, même si on a commencé à baisser en France, comme une vingtaine de pays, les émissions de gaz à effet de serre de manière continue, il faut accélérer le rythme.

Ce sera l’objet du Conseil de planification écologique, autour du président de la République, qui se tiendra au milieu du mois de septembre. Mais quels que soient les efforts que nous ferons, une part du réchauffement climatique est déjà là. Elle est chiffrée à + 1,7°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Si nous n’augmentons pas nos efforts de manière sensible, d’ici à la fin du siècle, la hausse de températures sera comprise entre 2,8°C et 3,2°C à l’échelle mondiale, c’est-à-dire + 4°C chez nous. Nous préparons actuellement la France à cette trajectoire.

Quelles sont les pistes concrètement ?

Il faut modifier les référentiels techniques des réseaux de communication, de transport pour résister à ces chaleurs. Nous devons aussi repenser nos habitudes et totalement changer notre niveau de protection vis-à-vis aussi des plus jeunes, car à certains niveaux de température, même des personnes bien portantes sont susceptibles d’être affectées.

Des groupes de travail se penchent aussi sur les conséquences pour les assureurs, les phénomènes de retrait-gonflement d’argile (qui fissurent les maisons, NDLR) vont augmenter. La hausse du niveau de la mer sera de plus d’un mètre, avec un impact beaucoup plus important que prévu.

Nous avons, à la minute même, des plans de préservation pour 50 000 habitations, nous surveillons 4 800 kilomètres de routes qui pourraient être recouvertes. Ces chiffres vont être revus à la hausse sur l’ensemble du littoral avec des conséquences sur les règles d’urbanisme, sur la façon de s’équiper, de s’assurer, d’imaginer les modèles économiques. Il y aura des effets majeurs aussi sur le monde agricole. Ce plan sera détaillé en fin d’année.

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