Eboulements en série, neige en août: que se passe-t-il en montagne ?

  • La France a connu des éboulements en série cet été, mais le phénomène demeure léger par rapport à l'année dernière.
    La France a connu des éboulements en série cet été, mais le phénomène demeure léger par rapport à l'année dernière. VALERY HACHE / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Fortes chutes de neige en août, éboulements et refuges qui ferment en série, sécheresse: que se passe-t-il en montagne ? Eléments de réponse fournis à l'AFP par des scientifiques.

QUESTION: Les chutes de neige observées ces derniers jours en haute altitude sur les massifs sont-elles exceptionnelles pour un mois d'août ?

REPONSE: Non, elles relèvent du "banal" et du "non-événement", selon le spécialiste en agroclimatologie Serge Zaka sur X (anciennement Twitter).

"Qu'il neige déjà fin août dans les Alpes n'a en soi rien d'inhabituel (...) Cela nous semble extraordinaire, car le nombre d'épisodes de neige fraîche à la fin du mois d'août a diminué ces dernières années", abondent les services suisses MeteoSchweiz sur leur site internet.

Même écho chez Météo France, qui fait état de 25 cm de Bonneval-sur-Arc et même de 40 cm à 70 cm vers 3.000 m dans l'Oisans mais note également que "le fait que la neige tombe dans les Alpes à la fin du mois d'août n'a rien d'inhabituel, même si l'occurrence de neige en août a diminué ces dernières décennies".

Bien plus que la neige, c'est la canicule "un peu hors norme et surtout hors saison" qui l'a précédée qui représente un "marqueur phénoménal" et "un monde inconnu", souligne de son côté Serge Taboulot, président de l’Institut des risques majeurs à Grenoble, et ancien ingénieur météorologue.

"Fin août, on est à une hauteur du soleil à peu près équivalente à celle de fin avril et pourtant on bat des records de chaleur qui ont plus de 120 ans et de beaucoup. C'est hallucinant", estime-t-il.

Q. Maurienne, massif du Mont Blanc: pourquoi tant d'éboulements en montagne en ce mois d'août ?

R. Selon le géomorphologue Ludovic Ravanel, on peut parler de "crise érosive" en haute montagne pendant la canicule de la semaine dernière.

"En quelques dizaines d’heures, les choses se sont complètement emballées en termes de fréquence de l’écroulement", souligne-t-il. Il y en a eu un nombre "impressionnant, plus d’une dizaine par jour quasiment dans le seul massif du Mont Blanc".

Pour autant, c'est selon lui "assez léger par rapport à ce qu’on a connu l’année dernière", rappelle-t-il.

Reste que le phénomène monte en puissance depuis le début des années 2000, en particulier la canicule de 2003, qui a provoqué une "accélération de ce qu’on appelle la morphodynamique dans ces parois de haute de montagne où on a du permafrost", note-t-il.

"On a un deuxième coup d’accélérateur avec la canicule de 2015 puisque depuis, quasiment tous les étés sont caniculaires. Puis un troisième coup d’accélérateur l’année dernière avec une canicule qui a commencé très tôt et un été très long. Les glaciers ont fondu jusqu’à la Toussaint".

Au final, l'année 2022 a été "la pire pour la haute montagne que ce soit au niveau des glaciers, du permafrost et donc des écroulements", souligne-t-il.

Serge Taboulot évoque pour sa part "une sorte de crue de chutes de blocs de rochers en haute montagne" depuis la fin août 2023.

Elle a eu pour conséquence la fermeture actuelle de cinq refuges dans le massif de l'Oisans (Isère), "uniquement pour des problèmes liés à cette instabilité des terrains montagneux, c'est inédit", souligne-t-il.

Q. L'épisode neigeux des derniers jours a-t-il été utilisé pour mettre en doute la réalité du changement climatique ?

Cela ne fait pas de doute pour Serge Zaka, qui s'inquiète de la "désinformation" à ce sujet sur les réseaux sociaux.

"Les climatosceptiques essayent de vous manipuler avec des arguments qu'ils n'ont même pas pris le temps de vérifier", met-il en garde.

Ludovic Ravanel confesse lui aussi un certain "énervement" face aux "fausses informations et contrevérités" qui circulent sur internet. Un "emballement" constaté dès l’été 2022 et qui s’est poursuivi ces derniers mois, visant en particulier les climatologues, souligne-t-il.

Ce phénomène prospère aussi sur le "manque de culture scientifique", estime-t-il, rappelant que "le changement climatique se traduit par des tendances, pas par la météo quand on ouvre les volets le matin".

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