Assises de l'Aveyron : reconnu coupable de viol sur sa fille, un père de famille ruthénois condamné à 10 ans de réclusion

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  • "La faire passer pour menteuse, c'est la violer une deuxième fois !", s'était offusquée Me Christelle Cordeiro, avocate de la partie civile, lors de sa plaidoirie.
    "La faire passer pour menteuse, c'est la violer une deuxième fois !", s'était offusquée Me Christelle Cordeiro, avocate de la partie civile, lors de sa plaidoirie. Centre Presse Aveyron - Mathieu Roualdès
Publié le

La cour d'assises de l'Aveyron a condamné un père de famille ruthénois à 10 ans de réclusion ce lundi 18 septembre 2023. L'avocate générale avait requis cette peine. La défense, elle, pourrait faire appel. 

Il a nié jusqu'au bout. "Je suis innocent, tout le monde ment ici, on veut me foutre en taule !", a-t-il crié à plusieurs reprises. En vain. Après trois jours de débats et plus de quatre heures de délibéré, le jury populaire de la cour d'assises de l'Aveyron, cinq femmes et un homme, a condamné à 10 ans de réclusion criminelle un père de famille ruthénois pour le viol de sa fille.

Incarcéré à la maison d'arrêt de Druelle

Cet homme de 48 ans, inconnu de la justice jusqu'alors hormis pour deux conduites en état d'ivresse, a donc pris la direction de la maison d'arrêt de Druelle, ce lundi soir. Il y a passé sa première nuit. Il n'avait jamais été placé en détention dans le cadre de cette affaire. Elle remonte à l'été 2018.

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Sa fille, tout juste majeure et souffrant d'une déficience mentale - les experts psychologues situent son âge mental à "cinq, six ans" -, reprend contact avec ce père qu'elle ne connaît pas vraiment. Elle ne l'a pas vu depuis près de 15 ans et la séparation des parents. C'était en 2000, juste après sa naissance.

Mère et fille avaient décidé de quitter le département pour le Béarn, lui est resté ici. Maçon de profession, il a refait sa vie avec une autre femme, avec laquelle il a eu un deuxième enfant. Les retrouvailles se déroulent donc dans un cadre d'une famille recomposée. Au départ, tout se passe bien. Puis, tout vole en éclats. Le père se sépare de sa compagne. Il se retrouve seul avec sa première fille. C'est le 15 août. Deux jours plus tard, il écourte le séjour de sa fille en la ramenant dans sa famille maternelle.

Elle pleure et s'ouvre : ce 15 août, alors qu'elle dormait, son père l'aurait réveillée, violentée puis violée. "Son zizi dans le mien, puis dans ma bouche", dira-t-elle, avec les mots d'un enfant... Elle évoquera dans un premier temps une seule scène. Puis deux. 

"Un avant et un après"

Le père n'est entendu que huit mois plus tard au commissariat de Rodez. Il nie littéralement les faits. Pour lui, il s'agit "d'un complot" des deux mères de ses enfants pour qu'il n'ait plus la garde de son dernier. "J'attends depuis six ans qu'il y ait une justice : elles veulent m'enterrer mais jamais je n'ai touché ma fille !", jure-t-il.

Elles, ce sont les anciennes compagnes. Elles sont venues témoigner à la barre. Et ont dépeint un portrait peu glorieux de l'accusé : "violent lorsqu'il boit", "ne s'occupant pas des enfants", "menteur". À la barre, la première a même indiqué avoir, elle aussi, été victime de relations forcées lorsqu'elle était en couple avec... "J'avais 19 ans, je suis partie avec mon enfant, c'était invivable", a-t-elle indiqué à la cour. Faux, répond-il. Sa fille, elle aussi, a témoigné. Elle n'a pas véritablement pu s'exprimer, juste a-t-elle répété que son père lui avait "fait du mal".

"Un complot, quel intérêt ?"

Longtemps, les débats ont été parole contre parole. Autant dire que les réquisitions de l'avocate générale, Mathilde Jayais, étaient attendues ce lundi. Elles n'ont pas laissé place au doute. "Cet homme a perdu le contrôle, il a franchi la ligne rouge face à une victime sans défense", a-t-elle soutenu en requérant entre 10 et 12 années de réclusion.

Et d'argumenter en reprenant notamment les nombreux témoignages des éducateurs de l'institut médico-social dans lequel était scolarisée la jeune femme. Tous ont décrit "un avant et un après été 2017 : on avait une fille joyeuse avant, on a eu une fille renfermée, prise d'angoisses et souvent en pleurs après". Elle a cité également le rapport de l'expert psychiatre. Ce dernier a assuré que la victime "n'avait pas de tendance à l'affabulation" et "qu'elle ne pouvait, au vu de sa déficience mentale, échafauder un tel scénario". Pour l'accusation, l'histoire de complot évoquée par le père de famille ne tient pas davantage. "Quel intérêt ? Aucun ! Il n'a jamais fait de démarches pour voir ses enfants".

"Il ne suffit pas d'accuser pour condamner"

"Monsieur, vous vous enfoncez dans le mensonge car vous ne vous sentez pas capable d'avoir commis un tel acte et c'est impensable aux yeux de votre famille. Votre honte se cache derrière vos dénégations. Mais la seule victime ici, c'est ma cliente. Alors, avouez, assumez le mal que vous avez fait. Car en la faisant passer pour une menteuse, vous la violez une deuxième fois !", s'était offusquée Me Christelle Cordeiro, dans sa plaidoirie.

En fin de matinée, ses homologues de la défense, Me Stéphanie Boutaric et Me Hubert Aoust, ont eux tenté de réinstaurer le doute dans la tête des jurés. Un doute qu'avait partagé le directeur de l'enquête à la barre, jeudi dernier... "Ce n'est pas rien quand même : ce policier a une grande expérience et il vient le dire avec courage !", ont-ils plaidé. Pour ces derniers, le dépôt de plainte, survenue sept jours après les faits, pose question également : "Que s'est-il passé durant ce temps ? La jeune fille était avec sa mère, sa famille... Tous ont la haine de cet homme".

Un appel de la défense ?

"Dans ce dossier, il n'y a aucun élément matériel. On a deux certificats médicaux, qui n'excluent pas un rapport sexuel, mais qui ne font état d'aucune lésion ! Est-ce possible après avoir subi un viol avec violences ? Certes, il ne suffit pas de nier pour être acquitté. Mais il ne suffit pas non plus d'accuser pour condamner", a pointé du doigt le duo d'avocats.

Ils n'ont pas été entendus. Lundi soir, aux côtés de la famille de l'accusé, venue en nombre pour le soutenir, les conseils ont laissé entendre qu'ils feraient appel de la décision. La victime, elle, a quitté le tribunal en pleurs, dans les bras de sa mère. 

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