Décriée, la méthanisation a-t-elle un avenir en Aveyron ?

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  • Comité Causse Comtal et Bozouls Comtal citoyens ont annoncé,hier soir, leur recours auprès du tribunal administratif de Toulouse.
    Comité Causse Comtal et Bozouls Comtal citoyens ont annoncé,hier soir, leur recours auprès du tribunal administratif de Toulouse. O.C.
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Olivier Courtil

L’association opposée au projet de Bozouls a annoncé, hier soir, déposer un recours contre l’unité de méthanisation. Tous les projets collectifs ont du mal à voir le jour quand ils ne sont pas stoppés. Explications.

À l’heure où les énergies renouvelables sont plébiscitées pour assurer l’avenir énergétique (solaire, éolien, bois énergie, géothermie et méthanisation), cette dernière a bien du mal à se développer, avec huit projets (seulement) en service en Aveyron. Et les seules unités qui fonctionnement sont portées à titre individuel, à l’exception de la plus ancienne unité pour produire de la chaleur. Pour le reste, la plus importante unité de méthanisation de l’Aveyron, initiée à Montbazens, à peine activée, est déjà à l’arrêt, après quinze ans de préparation et 23 M€ d’investissement.

Le projet de Bozouls, après le feu vert donné par la préfecture, se heurte toujours à un collectif qui vient de déposer un recours, et sur l’Aubrac, l’unité doit revoir ses plans (lire ci-dessous). " Une méthanisation fonctionne comme la panse d’une vache. Il faut l’alimenter en permanence et correctement. Cela demande également un raccordement au gaz à proximité, dix kilomètres maximum. C’est contraignant et chronophage ", explique Patrice Guitard, référent énergies renouvelables à la Direction départementale des territoires (DDT). Ce dernier précise bien " accompagner les porteurs de projet " mais n’est pas l’organe de validation. Code de l’Environnement et agrément sanitaire sont respectivement octroyés par la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP).

Cogénération versus injection

La méthanisation étant une énergie renouvelable récente, il faut entre 10 et 12 ans pour réfléchir à son projet, un temps de recul nécessaire "car on touche à la chimie" , précise Patrice Guitard. L’unité de l’Aubrac, partie sur une valorisation en cogénération, semble en faire les frais. La préférence se porte désormais sur une valorisation des déchets par injection pour envoyer directement le gaz dans le réseau. "C’est plus rationnel et plus cohérent", dit en ce sens Patrice Guitard qui rappelle les vertus de la méthanisation, à savoir "valoriser les déchets et décarboner". Reste que ce dernier confirme "la complexité" et estime l’avenir de la méthanisation en Aveyron "avec des petites structures de deux voire trois personnes". Sans parler d’avenir, le présent semble lui donner raison. Sans parler d’argent également. Et d’inflation. "Le projet est passé de 12,70 M€ à 16,80 M€", confie Thierry Cabrolier qui porte le projet à Bozouls. "Une banque vous accueille à bras ouverts avec un projet photovoltaïque, alors qu’elle sera frileuse avec celui de la méthanisation", ajoute Patrice Guitard.

Nuisances paysagères (voie verte, chemin), olfactives (transport routier autorisé à venir d’autres départements), financières (l’État rachète trois fois le prix à Engie), agricoles (concurrence sur le prix du fourrage, épandage, etc.), climatique (le méthane chauffe 28 fois plus que du gaz carbonique), pollution, pour toutes ces raisons développées et celles avancées auparavant, l’association Bozouls Comtal citoyens, le comité Causse Comtal, et dix-neuf riverains du projet d’unité de méthanisation de Bozouls ont annoncé, hier soir, porter recours auprès du tribunal administratif de Toulouse. La partie adverse doit déposer sa requête au plus tard le 4 novembre.

"Je suis réservé sur l’unité de Montbazens comme les autres gros dossiers en Aveyron que sont l’Aubrac et Bozouls dont la chambre d’agriculture a voté contre. Il faut que cela reste des outils de territoire et j’ai peur que cela devienne des outils industriels où l’agriculteur n’aura plus son mot à dire. Certains détournent leurs affaires sur des petits méthaniseurs avec des cultures intermédiaires à vocation énergétique, il faut arrêter ces conneries.

Jacques Molières, président de la chambre d’agriculture

L’unité installée au-dessusde Coussergues fonctionne depuis mars dernier.
L’unité installée au-dessusde Coussergues fonctionne depuis mars dernier.

Les choix ont été payants à Palmas-d’Aveyron

"On a toujours été opportuniste avec tout ce qui peut améliorer nos revenus comme les robots de traite, le photovoltaïque et la méthanisation", explique Solange Cazes, responsable de l’unité en fonctionnement à Coussergues, commune de Palmas-d’Aveyron, depuis mars dernier. Neuf ans de réflexion ont été nécessaires pour fonder la société avec trois Gaec (groupement agricole d’exploitation en commun), en 2017. "Nous étions partis en cogénération et finalement on a choisi l’injection pour acheminer le gaz dans une conduite directe à Laissac."

Ce qui confirme le temps long nécessaire à la réalisation d’une unité de méthanisation, le fonctionnement plus adapté de l’injection plutôt que la cogénération, et de limiter l’installation à taille très humaine. "On ne veut pas s’agrandir", dit d’ailleurs Solange Cazes. Histoire de maîtriser l’outil qui demande une attention perpétuelle. "C’est contraignant car on travaille avec du vivant. C’est du H24 mais on fonctionne déjà ainsi avec l’alarme sur le téléphone pour les vaches. On doit nourrir le méthaniseur comme on se nourrit soi, de façon équilibrée", ajoute-t-elle.

Lisiers, fumiers et cultures intermédiaires à vocation énergétique alimentent le digestat. Pour ce faire, un salarié, membre d’une des trois Gaec, est aux manettes mais tous assurent le roulement. L’investissement a été de 4 M€, étalé sur 15 ans. Le premier bilan en fin d’année donnera des éléments sur sa rentabilité.

Lors de l’inaugurationde l’unité en 2019 qui doit,déjà, repenserson fonctionnement.
Lors de l’inaugurationde l’unité en 2019 qui doit,déjà, repenserson fonctionnement. O.C.

Sur l’Aubrac : "On remet tout à plat"

Élus, représentants de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), du Département et même des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) sont venus saluer la qualité de l’unité de méthanisation à Argences-en-Aubrac. Un projet vertueux par la gestion des déchets et collectif qui réunit 27 exploitants pour quarante actionnaires. C’était en 2019. Aujourd’hui, l’unité a du plomb dans l’aile. "ça marche mais il y a des limites. On remet tout à plat. Nous devons trouver d’autres pistes pour avoir plus de débouchés", confie Maxime Delrieu, président de l’association Méthan’Aubrac.

L’inflation d’une part et l’évolution technologique d’autre part, en sont la cause. "Nous avons lancé le projet en 2011, les choses ont évolué depuis. Les règles ont changé en privilégiant le biogaz en injection pour envoyer directement le gaz dans le réseau (l’unité du Nord-Aveyron est en cogénération, NDLR). C’est très complexe et nous sommes pénalisés par l’éloignement des conduites de gaz. La crise en Ukraine a également fait grimper les prix." "Une idée vertueuse", rappelle toutefois Maxime Delrieu. Certes, il n’empêche, le constat établi par Pascal Guitard (lire ci-dessus) fait écho : la taille semble trop grande, inadaptée aux besoins du territoire, difficile dans la maîtrise de l’outil, avec, en bout de chaîne, la rentabilité qui doit accompagner ce procédé.

Repères

 

  • 8 unités en service.
  • 1 projet en travaux.
  • 10 en développement dont 9 ont le permis de construire délivrés.
  • 1 seul projet est à vocation industrielle, celui de Soléna à Viviez.
  • 10 à 12 ans, la durée nécessaire pour aboutir à un projet.
  • 3 types de valorisation énergétique : injection, cogénération et chaleur.
  • 1 seule unité produit de la chaleur, la plus ancienne du département, installée en 2009, à La Cavalerie, par les Bergers du Larzac. C’est aussi la seule unité portée par un collectif qui fonctionne. Les autres unités sont en agricole individuel.
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