"On se défonce pour que ce soit beau" : à la rencontre de Jean Boissonnade, le facteur d'orgue aveyronnais

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  • Jean Boissonnade égrène ses souvenirs au gré de ses fabrications et restaurations d'orgue.
    Jean Boissonnade égrène ses souvenirs au gré de ses fabrications et restaurations d'orgue. Centre Presse Aveyron - o.c.
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Il est le facteur d’orgue qui a multiplié les fabrications et restaurations en Aveyron. À quelques heures de Noël, un hommage vaut bien une messe !

"Il n’y a pas de hasard mais que des rendez-vous", écrivit Paul Eluard. Ainsi, ce n'est pas un hasard si le facteur d’orgue prolifique aveyronnais, Jean Boissonnade, vit à Séverac-l’Eglise. Comme si sa passion s’inscrivait en lettre capitale sur un fronton. Et que serait une église, une cathédrale ou une collégiale comme celle de Villefranche-de-Rouergue dont l’orgue a aussi été conçu par Jean Boissonnade, sans facteur d’orgue.

Né au Vibal, cet artisan comme il se définit, s’est mis à jouer de cet instrument à l’âge de 14 ans. Un oncle et une grand-mère jouaient de l’accordéon, de là, sans doute, cet atavisme musical. Rapidement Jean Boissonnade a délaissé le domicile familial pour effectuer en quelque sorte son compagnonnage. Jean-Louis Loriaut, facteur d’orgue, venait de s’installer à Rivière-sur-Tarn où Jean Boissonnade s’est dépêché de suivre les conseils du maître. Il a poursuivi son apprentissage à Carpentras, dans le Vaucluse, auprès de Pascal Quoirin. Plus particulièrement, le métier de tuyautier, tout en précisant "qu’il y a cinquante métiers dans l’orgue."

Le "maître" et l’équerre

Menuiserie, mécanique, le travail des peaux pour les soufflets, etc. ainsi qu’une ouïe fine "à force d’entendre le dos", s’avère indispensable. Il faut même fabriquer ses propres outils pour donner vie à des pièces uniques. "Avoir le mètre et l’équerre", dans les mains, et les oreilles grandes ouvertes. Tous les sens en éveil. On doit le retour de Jean Boissonnade en Aveyron grâce au "mal du pays." Tant mieux pour la terre rouergate qui a pu bénéficier de son travail dont l’orgue de Capdenac fut sa première restauration. Lui qui fut élève à Graves, à Villefranche-de-Rouergue, "où il ne fallait pas toucher à l’orgue", a pu s’en donner à cœur joie lors de la fabrication du buffet de l’orgue de la collégiale, l’un des plus anciens de France. Vaureilles, Conques, Marcillac, Entraygues, Villeneuve pour concevoir un orgue espagnol avec des tuyaux à l’horizontal, Camarès, Vimenet "pour sauver un orgue de la déchetterie !", jusqu’à Périgueux, ou encore, et surtout, celui de Laissac. "C’est un caprice, l’orgue de testament", glisse celui qui a allègrement dépassé les quatre-vingts printemps. Lui qui se dit artisan, passeur, messager, facteur d’orgue justement. "Ce sont les organistes qui jugent, qui donnent vie à l’instrument. Il ne faut pas confondre pouvoir et savoir, c’est au pied du mur que l’on voit le maçon" dit avec humilité celui qui a bâti des instruments, autant imposant de taille que sacré.

L'heure de la relève

"Le buffet c’est l’enveloppe, on se défonce pour que ce soit beau", ajoute-t-il. Car la beauté est toujours cette quête qui doit apparaître. Comme le son scintillant d’un orgue baroque "lumineux comme les rayons du soleil qui traversent les vitraux", explique Jean Boissonnade. Car derrière un instrument sacré se cache aussi la poésie. Avec près de mille tuyaux pour l’orgue de Laissac, Jean Boissonnade achève son œuvre en apothéose. Souvent incomprise : "Les gens ne se rendent pas compte du temps nécessaire, un orgue ne se fait pas comme une omelette." Et prophétise : "D’autres passionnés prendront le relais. La relève arrive pour finir le travail. Il est bon de laisser aux utilisateurs le temps de comprendre les exigences du roi des instruments de musique."
À quelques heures de la messe de minuit, Jean Boissonnade mérite bien de faire chanter les orgues de l’Aveyron.

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