Juifs, Espagnols, Italiens, Russes, Allemands : ces étrangers qui ont participé à la Libération du Sud-Aveyron

Abonnés
  • Paul Braig, juif apatride allemand, chef du maquis de St-Eulalie-de-Cernon et son épouse Kitty, d'origine russe très engagée elle aussi.
    Paul Braig, juif apatride allemand, chef du maquis de St-Eulalie-de-Cernon et son épouse Kitty, d'origine russe très engagée elle aussi. DR
Publié le , mis à jour
Jean-Marc Cognot

À l’occasion de la panthéonisation de Missak Manouchian, Henri Moizet, historien et président de l’amicale du maquis Paul Clé, met en lumière des combattants de l’ombre à ne pas oublier.

Le résistant arménien Missak Manouchian et son épouse Mélinée, viennent d’entrer au Panthéon. Avec eux étaient honorés les vingt-trois autres membres de son groupe de résistants, tous communistes. À Saint-Affrique, le PCF a également organisé un hommage en leur honneur.

Henri Moizet, historien et président de l’amicale du maquis Paul Clé, a évoqué, sur la place de la Poste, le rôle des étrangers réfugiés dans les mouvements de résistance du Saint-Affricain. "Certains étaient intégrés. D’autres sont des réfugiés fuyant des régimes autoritaires en Europe centrale et l’antisémitisme officiel. S’ajoute la crise économique de 1930, la xénophobie croissante et la montée des périls liés au fascisme en Italie et au nazisme en Allemagne."

Des réfugiés jeunes et souvent intégrés

Puis arrive la guerre d’Espagne. Il n’y a pas d’homogénéité chez ces réfugiés venus majoritairement d’Europe centrale, d’Italie et Espagne. Pour tous, la France est un refuge. Certains politisés entrent à la Main-d’œuvre immigrée, un mouvement créé par le PCF dès 1927.

"Des réfugiés étrangers sont jeunes et souvent intégrés, détaille Henri Moizet. C’est le cas de l’Italien Ricardo Frangi et de l’Espagnol Barnabé Ortéga. Une rue de Saint-Affrique porte leurs noms. Ricardo, gymnaste, travaille chez Dussarger. Réfractaires au service du travail obligatoire, tous deux rentrent dans l’Armée secrète. Ils sont arrêtés au Bouscalous, à côté de Belmont-sur-Rance, emprisonnés et déportés au camp de concentration de Buchenwald où ils meurent en 1945. Ricardo Frangi en février et Barnabé Ortega en mars 45."

Paul Braig, juif apatride et chef de maquis

"Paul Braig est né en Allemagne, à Munich, en 1906," indique Henri Moizet. "Juif apatride, déchu de sa nationalité allemande, il se réfugie à Paris. Francophone, il est très cultivé. C’est un artiste peintre de talent récompensé par le prix de Rome. Il choisit de servir la France, s’engage dans la Légion étrangère en 1940. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évade. Condamné à mort par contumace par le Reich, il se réfugie dans le Sud avec Kitty, son épouse russe. Juifs tous les deux, ils mènent une vie d’errance, dans les Landes, à Perpignan, puis à Saint-Affrique. Début 1944, ami de Georges Flich, il est membre de l’Armée secrète. Le couple est aidé par le docteur Caussat et Mesdames Massol et Nouvel, résistantes toutes les deux. Paul Braig entre dans la résistance. Il crée le maquis de Sainte-Eulalie-de-Cernon avec Paul Lacombe. Maquis membre de l’Armée secrète puis des Francs-tireurs partisans. À la Libération, il organise le camp du Larzac en camp d’internement de prisonniers de guerre allemands. Puis il part à Rodez pour gérer le centre social et de propagande des Forces françaises de l’intérieur. En janvier 1945, il part pour le front au 81e régiment d’infanterie. Sa femme s’engage dans le même régiment comme auxiliaire féminine de l’armée de terre. Le couple est naturalisé français après la guerre." Paul Braig, dans une lettre, a livré sa conception de la Résistance : "Elle appartenait à une vision purement personnelle qui, pour les nécessités de la légalité, s’était incorporée dans la ligne générale des Forces françaises intérieures."

oseph Cuadra, de Saint-Victor-et-Melvieu, faisait partie du maquis Paul Clé. Tué le 22 août 1944 à la Pezade, son nom figure sur le mémorial. Max Lubecki, né en mars 1925, réside à Millau. Il est Éclaireur de France. Membre du maquis, il s’engage à la Libération. Il est tué en décembre 1944 dans les Vosges, il n’a pas encore 20 ans. Lirola, jeune mineur espagnol, fait partie du maquis des Francs-tireurs partisans de Graissessac, dans l’Hérault. Il meurt accidentellement à Mounès en conduisant un camion de ravitaillement pour le maquis.

"Certains étrangers sont bien identifiés dans la lutte armée," poursuit Henri Moizet. "C’est le cas de l’Espagnol Louis Lopez. Il arrive au village du Cambon en 1920, à l’âge de 7 ans. Intégré et maîtrisant le Français, il apprend le métier de tailleur au magasin de prêt-à-porter Dussarger. En 1933, il part pour le service militaire en Espagne où le surprend la guerre civile. Il y participe dans le camp républicain. Fait prisonnier et interné, soldat du contingent, il échappe à la cruelle répression franquiste. Malade, il profite d’une permission sanitaire pour s’enfuir et regagne la France."

Des déserteurs allemands dans la résistance

En 1941, menacé par la politique xénophobe de Vichy, il s’engage dans la Légion étrangère et part pour le Maroc. Lors du débarquement allié de novembre 1942, il rejoint les forces françaises libres. Il participe au débarquement de Provence le 15 août 1944 et combat jusqu’en Alsace. Le 9 février 1945, il est grièvement blessé devant Colmar. Pour lui, la guerre s’arrête là. Après une longue convalescence, handicapé, il reprend son travail à Saint-Affrique. Naturalisé, il est distingué par la médaille militaire et la Légion d’Honneur.

Paul Clé, historien et président de l'Amicale du maquis Paul Clé : "la Résistance a été composite"

"La présence de résistants étrangers montre bien que la Résistance a été composite," déclare Henri Moizet, historien et président de l’Amicale du maquis Paul Clé. "Il y avait des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, d’origines sociales diverses. Les étrangers ont participé aux combats de la Libération, à la fois politiques et militaires. Bien qu’étrangers, ils aimaient la France. Cela démontre que leur qualité d’étrangers était parfaitement compatible avec leur intégration dans notre pays. Et à leur manière, ils ont lutté pour lui aux côtés des résistants français."

Par ailleurs, des déserteurs des troupes d’occupation composées d’Ost-Légion, intègrent la Résistance du Saint-Affricain. L’exemple d’Alexis Karim Alémo, tué à la Pezade, en est l’exemple. Le maquis Galiot, dans le Rougier, est rejoint par une cinquantaine de déserteurs. La résistante Kitty Braig, l’épouse de Paul Braig, a convaincu 19 soldats russes membres des troupes d’occupation stationnées au camp du Larzac de rejoindre le maquis de Sainte-Eulalie-de-Cernon.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Occitanix12 Il y a 2 mois Le 26/02/2024 à 11:02

Un grand merci pour votre sacrifice pour la France. Si nous vivons dans un pays libre, c'est grâce à vous!