Affaire Tapie: Sarkozy a fait pression pour une médiation dès 2004, affirme l'ex-patron du CDR

  • Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, le 15 octobre 2004 à La Défense
    Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, le 15 octobre 2004 à La Défense AFP/Archives - Jean-Pierre Muller
  • Jean-François Rocchi, l'ex-président du CDR, arrive à la brigade financière pour être entendu dans l'affaire Tapie, le 10 juin 2013
    Jean-François Rocchi, l'ex-président du CDR, arrive à la brigade financière pour être entendu dans l'affaire Tapie, le 10 juin 2013 AFP/Archives - Thomas Samson
  • Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome, à Marseille Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome, à Marseille
    Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome, à Marseille AFP - Gerard Julien
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AFP

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, ainsi que ses conseillers Claude Guéant et François Pérol, ont fait pression sur le Consortium de réalisation (CDR) au début de l'été 2004 pour qu'une procédure de médiation soit engagée avec Bernard Tapie, a indiqué à l'AFP Jean-Pierre Aubert, patron du CDR de fin 2001 à fin 2006.

"Début juillet 2004, quand Nicolas Sarkozy était ministre de l'Economie, Claude Guéant m'avait fait venir dans son bureau et m'avait demandé d'accepter une solution transactionnelle. Je lui ai dit +non+", a raconté M. Aubert, ajoutant que François Pérol avait fait la même démarche, en vain.

Le CDR est la structure mise en place après la déconfiture du Crédit Lyonnais pour tenter de récupérer ce qui pouvait l'être. Il avait aussi repris les contentieux de l'ancienne banque publique, et notamment celui avec Bernard Tapie qui s'estimait grugé lors de la vente de sa société Adidas.

Le successeur de M. Aubert, Jean-François Rocchi, a été mis en examen mercredi pour "escroquerie en bande organisée" et "usage abusif de pouvoirs sociaux".

"Nicolas Sarkozy a souhaité me voir en septembre, octobre 2004. Il m'a réitéré lui-même fortement cette demande, mais je lui ai dit que ça me paraissait une très mauvaise idée", a souligné M. Aubert.

Un refus justifié, selon lui, par la crainte que lancer une médiation à une dizaine de jours seulement de l'ouverture de la procédure devant la Cour d'appel aurait placer le CDR "dans une position de faiblesse".

Début 2002, juste après son arrivée, M. Aubert avait pourtant suggéré au patron de Bercy, Francis Mer à l'époque, que compte tenu de la complexité du dossier, une transaction amiable pouvait avoir son intérêt.

Uniquement sous réserve que M. Tapie apporte l'ensemble de ses actifs, y compris son hôtel particulier à Paris. De son côté, le CDR effaçait tout ou partie de ses créances de 120 millions d'euros. Mais M. Mer a souhaité que "la justice suive son cours".

"Aucune raison pour aller devant un tribunal arbitral

Après un week-end de réflexion, M. Sarkozy donne instruction au patron du CDR d'ouvrir une médiation. "Je ne pouvais pas refuser mais j'ai posé deux conditions: que je puisse nommer un médiateur incontesté et incontestable et que le CDR n'ait jamais à faire un chèque ne serait-ce que d'un euro aux époux Tapie".

M. Sarkozy donne son accord sur cette base, et la médiation est confiée à Jean-François Burgelin, ancien procureur près de la Cour de cassation. Elle se déroule de novembre 2004 à mars/avril 2005 et aboutit à une proposition qui reprend les conditions évoquées à M. Mer début 2002. Le CDR accepte mais Bernard Tapie refuse.

Quelques mois plus tard, en septembre 2005, la cour d'appel condamne à verser 135 millions d'euros à M. Tapie, une "très forte déconvenue pour le CDR".

Le CDR souhaite se pourvoir en cassation mais le nouveau ministre de l'Economie, Thierry Breton, hésite et demande l'avis d'un comité des Sages. Il donne peu après son feu vert au Consortium.

L'entité chargée de gérer le passif du Crédit Lyonnais gagne en cassation à l'automne 2006 et "ne doit plus un euro" à la liquidation Tapie.

"Pourquoi alors dessaisir la justice de la République qui venait de donner raison au CDR, après dix ans de procédure, pour confier cette affaire à une justice privée" en faisant appel à un arbitrage, lance M. Aubert.

"Il n'y avait aucune raison d'aller devant un tribunal arbitral", d'autant que la Cour de cassation en assemblée plénière avait "encadré très, très étroitement la cour de renvoi. Le risque pour le CDR était très limité".

Source : AFP

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