Turquie: lourdes peines dans le procès des putschistes

  • Des affrontements entre la police et les manifestants en route vers le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, le 5 août 2013
    Des affrontements entre la police et les manifestants en route vers le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, le 5 août 2013 AFP - Bulent Kilic
  • Les forces de l'ordre bloquent le chemin des manifestants en route vers le tribunal de Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013
    Les forces de l'ordre bloquent le chemin des manifestants en route vers le tribunal de Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013 AFP - Ozan Kose
  • Un manifestant serre la main de l'un des accusés du procès des membres du réseau putschiste Ergenekon, transporté dans un véhicule blindé, à Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013
    Un manifestant serre la main de l'un des accusés du procès des membres du réseau putschiste Ergenekon, transporté dans un véhicule blindé, à Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013 AFP - Ozan Kose
  • Un manifestant enroulé dans un drapeau à l'effigie de Mustafa Kemal Atatürk, sur la route du tribunal de Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013
    Un manifestant enroulé dans un drapeau à l'effigie de Mustafa Kemal Atatürk, sur la route du tribunal de Silivri, près d'Instanbul, le 5 août 2013 AFP - Ozan Kose
Publié le
AFP

La justice turque a prononcé lundi de lourdes peines, dont au moins 16 condamnations à la prison à vie, contre les membres du réseau putschiste Ergenekon dans un procès dénoncé par l'opposition comme une chasse aux sorcières.

Le tribunal de Silivri, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Istanbul, a notamment condamné à la réclusion à perpétuité l'ancien chef d'état-major des armées, le général Ilker Basbug, pour "tentative de renversement de l'ordre constitutionnel par la force".

D'autres anciens généraux, comme l'ex-chef de la gendarmerie Sener Eruygur et l'ex-chef de la Première armée Hürsit Tolon, le journaliste Tuncay Özkan et le chef du petit Parti des travailleurs (IP, nationaliste) Dogu Perinçek ont également été condamnés à la prison à vie.

Le journaliste renommé du quotidien de gauche Cumhuriyet Mustafa Balbay, élu pendant sa détention député du principal parti d'opposition, le CHP (pro-laïcité), a été condamné à 35 ans de prison.

Egalement élu député du CHP, l'ex-recteur Mehmet Haberal a été condamné à 12 ans et demi de prison. Mais le tribunal a prononcé dans le même temps sa remise en liberté, au bénéfice d'une réduction de peine.

Indignation

Concernant la condamnation de Mustafa Balbay, le président en Turquie de l'association Pen, Tarik Günersel, a estimé qu'il s'agissait d'"un scandale".

"C'est une décision politique", a renchéri l'éditeur norvégien William Nygaard, membre également de l'association Pen International. "C'est terrifiant de voir comment des preuves ont été manipulées", a ajouté l'éditeur, présent à Silivri. "Les peines prononcées montrent que la Turquie ne respecte pas les droits de l'homme", a-t-il déclaré à l'AFP.

Quelque 275 accusés, dont 66 en détention provisoire, étaient jugés depuis octobre 2008 dans le cadre de l'affaire Ergenekon, premier d'une longue série de procès controversés visant à déjouer des complots supposés contre le gouvernement islamo-conservateur.

Échauffourées

Un imposant dispositif de sécurité était déployé lundi autour du tribunal, avec des centaines de policiers et de gendarmes anti-émeutes soutenus par des blindés et des canons à eau.

Des échauffourées ont néanmoins eu lieu à la mi-journée entre des manifestants et la police près de Silivri, sur une autoroute reliant Istanbul à Tekirdag. La police a répondu aux jets de pierre par des jets d'eau et des gaz lacrymogènes, a constaté un photographe de l'AFP, qui a estimé à environ 10.000 le nombre de manifestants.

Le réseau Ergenekon, du nom d'une vallée mythique d'Asie centrale d'où serait issu le peuple turc, est accusé d'avoir tenté de favoriser un coup d'Etat militaire contre M. Erdogan, un ancien islamiste au pouvoir depuis 2002, en semant le chaos dans le pays par des attentats et des opérations de propagande.

La lecture du verdict par le président du tribunal, Hasan Hüseyin Özese, et ses adjoints, a été accueilli par un tollé de l'assistance, pourtant réduite sur décision de la cour aux prévenus, à leurs avocats, aux journalistes et aux parlementaires.

"Maudite soit la dictature de l'AKP", ont scandé avocats et députés, conspuant le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, dénoncé par l'opposition laïque comme le commanditaire de ce procès, pour faire taire les critiques contre M. Erdogan.

"Nous sommes les soldats de Mustafa Kemal Atatürk", ont-ils également crié, rendant hommage au fondateur de la République turque laïque.

Peu avant l'entrée dans le tribunal de la cour, M. Balbay a harangué l'auditoire, dénonçant "un procès entièrement politique", et promettant "un automne chaud" de contestation politique dans les villes de Turquie, après trois semaines de manifestations antigouvernementales sans précédent en juin.

Le réseau Ergenekon a été mis au jour en juin 2007 lors d'une opération anti-terroriste dans un bidonville d'Istanbul. Des armes et des explosifs ont été découverts, première étape d'une longue enquête qui a conduit à la rédaction de 23 actes d'accusation successifs --plusieurs milliers de pages-- finalement réunis dans un même procès.

Plusieurs autres procès contre des groupes de conspirateurs supposés ont par ailleurs été ouverts après Ergenekon.

Premier procès à atteindre un verdict, Balyoz (masse de forgeron) avait déjà surpris par la sévérité des peines prononcées: les juges ont condamné en septembre près de 300 officiers à des peines de 16 à 20 ans de prison, portant un coup sévère au prestige de l'armée turque.

L'armée, qui pendant des décennies s'est voulue la gardienne des valeurs laïques de la République turque, a renversé trois gouvernements élus depuis 1960 et forcé un gouvernement pro-islamiste à la démission en 1997.

Pour certains, le procès Ergenekon et ses avatars s'inscrivent dans les efforts du gouvernement pour limiter les intrusions de l'armée dans la vie publique.

Mais pour les défenseurs de la laïcité et des militants des droits de l'Homme, ces procès sont surtout un montage visant à écarter du champ politique les opposants.

Ces critiques remettent notamment en cause la validité des preuves apportées et le recours à des témoignages anonymes.

Source : AFP

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