Des touristes dans les cités du 9-3

  • Des immeubles de l'avenue Paul Vaillant-Couturier dans la cité-jardin de Stains
    Des immeubles de l'avenue Paul Vaillant-Couturier dans la cité-jardin de Stains AFP/Archives - Thomas Coex
  • Présentation de quelques sites à visiter en Seine-Saint-Denis Présentation de quelques sites à visiter en Seine-Saint-Denis
    Présentation de quelques sites à visiter en Seine-Saint-Denis AFP
Publié le
AFP

Des touristes au pied des cités du 9-3: inimaginable il y a une quinzaine d'années, la scène est devenue réalité, l'un des départements les plus pauvres de France ayant réussi à attirer touristes d'affaires et curieux.

Au coeur de la cité-jardin de Stains, un quartier de logements sociaux construits dans les années 1920, un petit groupe avance en file indienne, piétinant les herbes folles qui poussent en bas des immeubles de brique claire. Venus de la région parisienne ou d'Angleterre, c'est pour la plupart la première fois qu'ils mettent les pieds dans cette commune de Seine-Saint-Denis.

"Ce sont des endroits où on ne vient jamais", reconnaît Julie Panis, 23 ans. Mais justement, cette étudiante en urbanisme voulait "découvrir autre chose" et ce coin de verdure à une demi-heure de Paris l'enchante.

Il y a vingt ans, le tourisme en Seine-Saint-Denis se résumait à la Basilique Saint-Denis, au musée de l'air et de l'espace du Bourget ou aux Puces de Saint-Ouen. L'arrivée du stade de France modifie la donne et en 1998 un comité départemental du tourisme se crée dans le 9-3.

"Quand on disait qu'on allait développer le tourisme en Seine-Saint-Denis, les gens nous riaient au nez", se rappelle Daniel Orantin, le directeur du CDT. Son défi: valoriser un espace très urbanisé, sans mer, ni campagne, ni montagne, et souffrant d'une mauvaise image.

"Il ne fallait pas montrer une image fantasmée du territoire", explique son directeur. "On a joué la carte de l'authenticité, en montrant les entreprises qui y sont implantées, les gens qui y habitent".

Les touristes se voient par exemple ouvrir les portes de la salle des mariages de Bobigny, avec sa Marianne africaine et ses fauteuils en forme de coeurs, déambulent dans un quartier d'Aubervilliers guidés par un slameur, visitent la manufacture de pianos Pleyel ou encore les ateliers de la RATP.

"J'y étais avant tout le monde"

Le réseau des Greeters, ces bénévoles qui font visiter leur quartier aux touristes, s'est aussi particulièrement bien développé dans le département. Et des chambres d'hôtes ont même vu le jour, sous le nom Accueil banlieues. En échange d'une faible participation, les touristes logent chez l'habitant et participent à une visite du coin.

"On a eu énormément de sollicitations en 2012, on a fait 400 nuitées, chez 35-40 hébergeants", se félicite Mathieu Glaymann, l'un des organisateurs. L'initiative, qui a pris corps grâce au bouche-à-oreille, leur a même valu un article dans le New York Times, souligne-t-il.

Outre ce tourisme "alternatif", le département a développé le tourisme d'affaires, qui représente "entre 60 et 70% des nuitées" effectuées en Seine-Saint-Denis, selon Daniel Orantin.

Le CDT a fait le choix de s'associer aux arrondissements populaires du nord-est de Paris, vantant la destination "Nord-Est parisien". Le parc des expositions Paris Nord Villepinte, par exemple, a accueilli 1,6 million de visiteurs et organisé 80 événements en 2012.

Pour l'anthropologue Saskia Cousin, spécialisée sur les enjeux politiques du tourisme, la Seine-Saint-Denis a "réussi à créer un désir". Les touristes franciliens qui s'y rendent "veulent pouvoir dire +j'y étais avant tout le monde+", explique-t-elle. Quant aux touristes étrangers, en allant dans le 93, "ils font tomber la barrière mentale du périphérique" ancrée chez les Français.

Jean-Pierre Blat, directeur général du comité régional du tourisme d'Ile-de-France, salue un bilan "indéniablement positif" en quinze ans, mais souligne la nécessité d'investir davantage "en particulier en termes d'infrastructures, d'équipements, de loisirs et d'offre marketing".

Si le département arrive à attirer des touristes d'affaires, il convient selon lui d'avoir aussi "une offre de loisirs, pour ne pas donner aux touristes qui logent dans le 9-3 l'envie de regagner Paris pour y passer la soirée."

"C'est un secteur qui rapporte de l'argent", relève-t-il. Et dans un des départements français les plus touchés par le chômage et la pauvreté, le tourisme représente un levier de développement non négligeable.

Source : AFP

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?