L'artisanat fait le dos rond en Aveyron. Jusqu'à quand?

  • Les temps sont durs pour le bâtiment et la restauration.
    Les temps sont durs pour le bâtiment et la restauration. JAT/CP
Publié le , mis à jour
Pascal Laversenne

Économie. Dans un contexte économique difficile, l’artisanat aveyronnais plie mais résiste, grâce à sa souplesse et sa réactivité. Jusqu’à quand?

Que le monde artisanal souffre du contexte économique est une évidence, que le cri (et les écrits) de colère des artisans du bâtiment ne manqueront pas de rappeler, demain, à l’occasion de la manifestation ruthénoise. Mais si les temps sont durs, la corporation semble résister plutôt mieux que d’autres aux affres des crises successives, qui ont fait bondir le taux de chômage à près de 8% dans le département.

"Ce n’est pas l’euphorie, mais ce n’est pas l’hécatombe non plus", tempère Christine Sahuet, qui a, depuis son poste de présidente de la Chambre de métiers, une vue globale sur la santé économique des 6 363 artisans inscrits, pour un peu plus de 14 000 emplois salariés dans le département. Pour appuyer ses dires, elle met en avant le solde positif de 450 entreprises inscrites auprès de la Chambre entre 2006 et 2013 (+57 depuis le 1er janvier). Un indicateur important, mais qu’il faut manier avec prudence dans la mesure où il intègre les autoentrepreneurs. 

L’atout souplesse 

Pour autant, il est clair que l’artisanat représente, au même titre que l’industrie mécanique ou l’industrie agroalimentaire, un secteur clé de l’économie en Aveyron, grâce à un maillage très fin et très dense du territoire. On compte en effet 221 entreprises pour 100 000 habitants en Aveyron, un chiffre largement supérieur aux moyennes régionale (204) et nationale (130).

Les artisans ont trouvé leur place dans la ruralité aveyronnaise (50% d’entre eux au 1er janvier dernier) avec autant d’entreprises modestes certes, mais souples et réactives, comme le souligne Aveyron Expansion dans sa publication Aveyron économique 2013. Car tout laisse à penser que la taille de ces entreprises permet d’amortir les effets des crises successives. Ainsi, seulement 53% des entreprises artisanales emploient du personnel, la moyenne pour celles-ci s’établissant à quatre salariés. Du coup, "il est plus facile de s’adapter, de se diversifier", appuie Christine Sahuet.

Artisans-fourmis

Dans un département où les services publics ont du mal à s’inscrire au plus près de la population, les artisans puisent leur force dans cette proximité, en même temps que dans leur souplesse. Autre indicateur de cette relative résistance, les règlements judiciaires ne laissent pas apparaître une exposition inquiétante des artisans aveyronnais.

Michel Dacheux, président du tribunal de commerce, confirme que les petites entreprises artisanales ne se bousculent pas à la barre, quand le petit commerce de proximité semble bien plus exposé."Cela ne veut pas dire qu’ils ne souffrent pas, notamment dans le bâtiment ou la restauration", tempère Michel Dacheux, qui a le sentiment que la proverbiale sagesse des Aveyronnais leur a permis de plier sans rompre. "Ils ont connu une période plus prolifique, et je pense qu’ils ont su faire preuve de sagesse. Aujourd’hui ils puisent dans leur réserve, ce qui les sauve. Chez nous, il serait plutôt question d’artisans-fourmis", sourit-il. On notera sur ce point un taux de pérennité à 7ans de 53% en Aveyron, nettement supérieur au chiffre national (45%).

Trésorerie à flux tendu 

Pour autant, une vue d’ensemble plutôt positive ne doit pas éluder des difficultés certaines au plan humain, plus ou moins marquées suivant les métiers. Car pour beaucoup d’observateurs, si les artisans ont réussi à faire le dos rond jusque-là, beaucoup ne sont pas loin du point de rupture, sur le plan moral comme sur le plan économique. Les soucis, évidemment, sont nombreux. Entre hausse des charges, baisse du chiffre d’affaires et perte de visibilité, la pression ne faiblit pas.

Les artisans l’attestent tous, les délais de paiement sont parfois irraisonnables et la trésorerie de beaucoup est à flux tendu, pour ne pas dire plus. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien si l’emploi salarié dans l’artisanat a reculé de près de 2% entre 2010 et 2014 en Aveyron. Un chiffre qui traduit l’exposition grandissante d’entreprises, pour lesquelles la Direccte promeut le recours au chômage partiel pour éviter des conséquences plus graves. Depuis le 1er janvier, 15 entreprises artisanales de l’Aveyron y ont eu recours pour un total de 5 000 heures. C’est peu, mais c’est un signal. Un de plus.

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