Erdogan relance la polémique sur le foulard, élargit les droits des Kurdes

  • Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à Ankara, le 30 septembre 2013
    Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à Ankara, le 30 septembre 2013 AFP
  • Des Kurdes écoutent le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à la télévision, le 30 septembre 2013 à Diyarbakir
    Des Kurdes écoutent le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à la télévision, le 30 septembre 2013 à Diyarbakir AFP - Mehmet Engin
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AFP

Trois mois après la fronde antigouvernementale de juin, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a remis lundi sur la table la question très controversée du foulard islamique en annonçant que les fonctionnaires auraient désormais le droit de le porter, et dévoilé des mesures pour renforcer les droits des minorités, notamment des Kurdes.

Dans un discours très attendu prononcé devant la presse et son gouvernement au grand complet, M. Erdogan a proclamé la fin de "l'interdiction dans les institutions publiques" des "mesures discriminatoires pour les femmes et les hommes", le foulard et la barbe.

"Ces restrictions violent le droit au travail, la liberté de pensée et de croyance", a-t-il expliqué, promettant d'imposer "une sanction à ceux qui empêchent les gens d'exercer les droits liés à leurs devoirs religieux".

Ces interdictions resteront toutefois en vigueur pour les policiers, les militaires, les procureurs et les juges, a précisé le chef du gouvernement.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan a fait de la levée de l'interdiction dans la fonction publique du foulard islamique, un symbole de la Turquie musulmane mais laïque voulue par le fondateur de la République Mustafa Kemal Atatürk, l'un de ses combats favoris.

Déjà autorisé aux étudiantes sur certains campus, le port du foulard sera désormais permis aux professeurs et à tous les agents publics, ainsi qu'aux députées.

En 1999, Merve Kavakçi, une députée turco-américaine élue sous les couleurs d'un parti islamiste, s’était présentée devant ses pairs coiffée du voile pour prêter serment. Elle avait dû quitter l'hémicycle sous les huées, avant d’être déchue de sa nationalité turque.

A six mois des municipales, l'annonce de M. Erdogan risque de raviver les plaies ouvertes par la vague de contestation sans précédent qui a secoué le pays en juin. Pendant près d'un mois, des dizaines de milliers de manifestants dans les grandes villes, surtout à Istanbul, Ankara et Izmir (ouest), pour reprocher au gouvernement sa dérive "islamiste".

Réforme "sensible"

Fort du large succès de l'AKP aux législatives de 2011 (50% des suffrages), M. Erdogan a sévèrement réprimé ces contestataires, s'attirant nombre de critiques, y compris à l'étranger.

Dans l'attente de la réaction officielle, mardi, du principal parti d'opposition et fervent défenseur de la Turquie laïque, le Parti républicain du peuple (CHP), les réactions à l'annonce de M. Erdogan ont été plutôt modérées.

"C'est une réforme très sensible mais c'est un geste nécessaire car (...) des étudiantes ne pouvaient pas aller à l'université, des avocates ne pouvaient pas plaider", a déclaré à l'AFP Umit Firat, de l'association pour les Citoyens d'Helsinki. "Ils ont ouvert une porte", a-t-il toutefois ajouté, "ils pourraient utiliser ces règles selon leurs convictions".

Outre cette décision emblématique, le Premier ministre a présenté lundi des réformes pour renforcer les droits des minorités, dont les Kurdes, à l'heure où Ankara a engagé des pourparlers de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour mettre un terme au conflit kurde, qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Egalement destiné à toutes les autres minorités de Turquie (Alévis, Roms, Syriaques), le "paquet démocratique" du gouvernement autorise l'enseignement en langue kurde dans les écoles privées ou son utilisation pour la propagande électorale.

Certaines localités du sud-est anatolien, qui abrite une large partie des 15 millions de Kurdes du pays, débaptisées après le coup d'Etat militaire de 1980, pourront aussi reprendre leur nom d'origine.

Sur le plan politique, M. Erdogan a promis une discussion sur l'abaissement du seuil de 10% des suffrages nécessaire pour entrer au Parlement.

Devant tous ses ministres, M. Erdogan a qualifié son plan d'"historique". Mais, sans surprise, il a déçu les Kurdes, qui réclament l'enseignement de leur langue dans les écoles publiques et une référence explicite à leur identité dans la Constitution turque.

Après avoir entamé en mai le retrait de ses combattants du territoire turc, le PKK a annoncé au début du mois la suspension de ce retrait, accusant Ankara de ne pas tenir ses promesses de réformes.

"Ce paquet n'a pas la capacité de surmonter le blocage actuel du processus", a déploré la coprésidente du Parti kurde pour la paix et la démocratie (BDP), Gülten Kisanak.

"Ce paquet a été préparé pour répondre aux besoins de l’AKP", a-t-elle ajouté, "ce n’est pas un paquet de réformes pour la démocratisation, c’est un paquet de réformes pour les élections".

Source : AFP

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