Fêter ses 15 ans, une célébration incontournable en Amérique latine

  • La colombienne Catalina Arevalo, entourée de ses proches, célèbre ses 15 ans le 18 avril 2015 à Bogota
    La colombienne Catalina Arevalo, entourée de ses proches, célèbre ses 15 ans le 18 avril 2015 à Bogota AFP - EITAN ABRAMOVICH
  • Claudia Itzel arrive en limousine à la fête de ses 15 ans, le 11 avril 2015 à Mexico
    Claudia Itzel arrive en limousine à la fête de ses 15 ans, le 11 avril 2015 à Mexico AFP - RONALDO SCHEMIDT
  • Catalina Arevalo, centre de toutes les attentions, dans la piste de danse lors de la fête de ses 15 ans, le 18 avril 2015 à Bogota
    Catalina Arevalo, centre de toutes les attentions, dans la piste de danse lors de la fête de ses 15 ans, le 18 avril 2015 à Bogota AFP - EITAN ABRAMOVICH
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Centre Presse Aveyron

Elle porte une robe de soirée bleu électrique et aux pieds, des baskets incrustées de bijoux : Claudia, une adolescente mexicaine, vit son rêve de princesse en fêtant ses 15 ans au milieu des 250 invités, une célébration chargée de symboles et en plein regain en Amérique latine.

A plus de 4.000 kilomètres de là, à Bogota, la jeune Colombienne Catalina vit la même émotion, portant elle aussi une robe bleu vif, mais cette fois avec des talons que sa propre grand-mère lui a enfilés en s'agenouillant pour lui ôter ses chaussures plates, un geste signifiant qu'elle devient femme.

Partout en Amérique latine, fêter ses 18 ans n'est rien d'important: les 15 ans sont l'étape cruciale, célébrés lors d'une fête traditionnelle appelée "quinceañera" (quinzième année).

Ce rite d'initiation a connu un nouvel essor ces dernières années, même si ses détracteurs raillent son côté patriarcal, ringard et kitsch.

Dans une région qui figure parmi les plus inégalitaires au monde, cette célébration reflète la condition sociale des parents, les plus riches dépensant des dizaines de milliers de dollars dans des fêtes somptueuses ou des voyages à Disney World en Floride, pendant que les plus pauvres économisent et empruntent pour sauver les apparences.

La famille de Claudia Itzel Perez, au Mexique, a mis de côté pendant deux ans les 10.000 dollars dépensés en quelques heures le jour J.

Pour la jeune fille, la journée a commencé par deux heures de préparation, encadrée par une professionnelle venue à son modeste domicile, dans la banlieue ouvrière de Mexico.

Poudre, faux cils, rouge à lèvres, le tout maintenu en place au sèche-cheveux : "Ce maquillage tient 24 heures et grâce à lui Claudia va toujours sourire. Même si elle pleure ou est nerveuse, on aura l'impression qu'elle sourit", dit fièrement Jenny Chavarria, recrutée pour l'occasion.

"Souris!", ordonne-t-elle à Claudia en resserrant le corset de sa robe de tulle et crinoline, ornée à l'arrière d'un nœud géant.

- Le 'sacrifice' des familles -

Après une séance photo d'une heure, un Hummer-limousine blanc vient chercher l'adolescente pour l'emmener à l'église, où est organisée une messe en son honneur.

Puis vient la réception. Tous les yeux sont tournés vers Claudia quand elle fait son entrée dans un nuage de fumée artificielle, montant sur scène pour exécuter la chorégraphie de hip-hop qu'elle a répétée, entourée de quatre danseurs professionnels.

Ensuite, après avoir valsé avec son père, son frère et ses parrains, la jeune fille rejoint les convives pour une longue nuit de fête. "C'est un jour inoubliable", se réjouit-elle, "quelque chose qui n'arrive qu'une fois dans la vie".

Pourtant l'adolescente, timide et rarement maquillée, a longuement hésité à céder à cette tradition, rappelle sa mère, prénommée Claudia elle aussi. Son père, fournisseur de matériel de construction, avait même proposé de lui offrir un voyage ou une voiture, à la place. Mais au final, Claudia s'est décidée et les parents ont rassemblé leurs économies.

"Vous voyez le sacrifice" auquel sont prêtes ces familles, commente Jenny Chavarria, dont les séances de maquillage coûtent 200 à 300 dollars. Elle raconte le cas d'une femme vendeuse de quesadillas qui l'a payée en une multitude de petites sommes, entre 5 et 15 dollars.

Pour la mère de Catalina Arevalo, l'effort a également été important. Cette femme, agent de sécurité à Bogota, a préparé durant quatre mois la fête de sa fille, invitant 80 personnes pour un coût de 1.500 dollars.

"J'ai fait des emprunts, travaillé de nuit, vraiment de tout, car je voulais préparer quelque chose d'inédit pour ma fille, pour qu'elle se sente bien et n'oublie jamais tout ce que j'ai fait pour elle", confie-t-elle.

- Photographes, limousines et pilule -

Difficile de dire d'où vient exactement cette tradition typiquement latino-américaine. Certains universitaires pensent qu'elle s'inspire des bals de débutantes en Europe, d'autres y voient une version moderne des rites de passage aztèques.

Seule certitude: elle est exclusivement réservée aux filles.

"C'est clairement lié à une vision machiste de la société: les hommes ne sont pas présents car c'est la femme qu'on +donne+ symboliquement", en la préparant ainsi pour la vie en société, analyse Nicolas Guigou, anthropologue à l'université uruguayenne de la Republica.

Au contraire, rétorque sa consœur Valentina Napolitano, anthropologue de l'université de Toronto: "c'est une des rares célébrations en public où les jeunes femmes sont au centre de l'attention, et non les hommes".

Certains aspects de cette célébration évoluent en impliquant toujours davantage les femmes: ainsi, dans la fête de Catalina, c'est sa grand-mère maternelle qui lui a mis ses hauts talons, et non son père, comme le veut habituellement la tradition. Un changement subtil qui reflète la transformation de la société en Amérique latine, où 70 millions de femmes ont rejoint le monde du travail depuis 20 ans, selon la Banque mondiale.

"Maintenant elles doivent travailler hors de leur maison et jongler avec beaucoup plus de tâches qu'avant", observe Valentina Napolitano. En préparant la fête des 15 ans de leur fille, les femmes montrent leur "attachement romantique" à cette tradition du passé et font "la fierté dans leurs familles".

Une véritable industrie s'est créée autour des "quinceañeras".

"C'est impressionnant, tout ce qui est apparu, tous les services... c'est sans fin!", s'exclame Sandra Lanzillotti, éditrice de Miss 15, un magazine uruguayen spécialisé sur le sujet, qui dispense ses conseils aux familles, leur recommandant même de s'y prendre deux ans à l'avance.

Dans les pages du magazine s'étalent les offres de photographes, de services de limousines, de DJs, sansdémesurée oublier les publicités pour le maquillage, les chewing-gum... et la pilule.

Source : AFP

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