A Rodez, le chef étoilé Jean-Luc Fau cède son restaurant Goûts et couleurs

  • Jean-Luc et Emmanuelle Fau, vers de nouvelles aventures...
    Jean-Luc et Emmanuelle Fau, vers de nouvelles aventures...
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Centre Presse / Philippe Routhe

Jean-Luc Fau n’y a plus goût. Ce n’est pas l’envie de mettre des couleurs dans ses assiettes, de surprendre les papilles qui le quitte. D’autant qu’il le fait avec talent. Son restaurant « Goûts et couleurs » en a d’ailleurs hérité, entre autres distinctions, d’une étoile au guide Michelin en 2002.

Avec son épouse Emmanuelle, Jean-Luc Fau n’a plus goût à gérer la version administrative du restaurant. Ils ont pris une décision radicale : vendre leur écrin de la rue de Bonald, qu’ils avaient acquis en 1989. « C’est couple de professionnels enthousiastes et compétentents qui va écrire une nouvelle page en ces lieux », soufflent Jean-Luc et Emmanuelle Fau. Rodez perd du coup son étoile gastronomique et l’Aveyron voit une quatrième étoile s’éteindre après la fracassante annonce du chef laguiolais Sébastien Bras de ne plus figurer parmi les distingués du guide rouge.

Ce souhait d’arrêter de faire chauffer les fourneaux pour vous sortir un cappuccino de cèpes à tomber ou une compotée de lièvre à la royale inimitable, Jean-Luc Fau l’a en tête depuis quelque temps déjà. « Je n’en peux plus de toute cette paperasserie » glisse-t-il. « Au départ, notre « temps de cerveau disponible » se répartissait, approximativement, entre 80 % de cuisine et 20 % de gestion d’entreprise. Aujourd’hui, l’entreprise et son corollaire de charges administratives, d’injonctions contradictoires, de pressions opposées (la demande clientèle, les réseaux sociaux...et la législation, les normes et obligations) représente largement 80 % de ce temps » explique-t-il, un brin dépité. Sur le Piton, naturellement, beaucoup se disent que l’ubuesque affaire du Palais épiscopal, dans lequel le désormais introuvable Matthias Eychène lui confiait le restaurant du palace, a été déterminante. C’est bien moins évident pour Jean-Luc Fau.

« En fait, la proposition de M. Eychène, pour laquelle une des conditions était d’être salariés mais pas investisseurs, a fait que j’ai cuisiné un peu plus longtemps. Je voulais déjà arrêter quand il est venu me rencontrer. » Il y a quelques années de cela, il n’avait également pas caché une certaine lassitude. C’était notamment au moment de l’attribution du restaurant du musée Soulages. L’artiste qu’il est, auteur notamment d’une recette à base d’encre de seiches en hommage au maître de l’outrenoir, aurait aimé y faire briller les assiettes. Mais le rayonnement de Michel Bras l’avait écarté d’emblée de cette opportunité aux yeux des édiles. À la suite de quoi, il a exploré la possibilité de quitter cette rue de Bonald.

Après une année de tergiversation, il avait finalement remis le couvert. Et retrouvé ce plaisir qui l’a toujours guidé dans sa cuisine. Mais le poids de son bureau débordant de papiers administratifs en tout genre l’a rattrapé. « Et puis, avec Emmanuelle, nous avons soixante ans tous les deux. La retraite approche » sourit le chef cuisinier, avec ce cigare qui accompagne ses fins de service.

En remisant son tablier noir, il ne remise pas pour autant toutes ses passions. Jean-Luc Fau a en effet bien plus d’un couteau dans son étui. Ainsi la peinture. Elle ne l’a jamais quitté. Pour acquérir son restaurant, il avait d’ailleurs vendu sa voiture et deux toiles. « Avec Emmanuelle, c’était tout notre capital » se souvient-il. La peinture était présente avant qu’il ne se mette aux fourneaux, elle l’était pendant, avec notamment ses séduisants portraits de vaches aubrac ou ses croquis de plats accrochés aux cimaises de son établissement, et elle sera présente après.

Il envisage en effet l’ouverture d’une galerie « goûts et couleurs » dans la rue de l’Embergue et hors les murs « dans un concept liant expositions à thème et atelier du goût ». Tout comme il envisage de réaliser du consulting culinaire, des formations, de l’événementiel, ou tout simplement faire de la cuisine pour un établissement en dehors de Rodez, clause de non-concurrence oblige. « Parce que faire de la cuisine, c’est toute sa vie » sourit Emmanuelle.

Bref, Jean-Luc et Emmanuelle Fau ne sont pas en manque d’idées pour écrire de nouvelles pages de leur histoire. Une histoire qui leur a déjà permis « de vivre une expérience magnifique, excitante et riche en émotion, avec des moments de joie inestimables et des clients extraordinaires ». Il n’en demeure pas moins que la fermeture de ce restaurant gastronomique dans une ville qui mise plus que jamais sur le tourisme pour assurer son essor est un coup dur pour la cité. L’étoile devrait s’éteindre à la fin de l’année.

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