Petite histoire officieuse du « Se canta » occitan

  • Un chant d’amour  transi écrit par Gaston Phébus... Mais il ne faut pas dire patois, c’est pas bien, comme c’est mentionné sur cette partition originaire de Paris. Evidemment...
    Un chant d’amour transi écrit par Gaston Phébus... Mais il ne faut pas dire patois, c’est pas bien, comme c’est mentionné sur cette partition originaire de Paris. Evidemment...
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Centre Presse / Laurent Roustan

Amis mélomanes dominicaux, bonjour. Comme on est du coin, on va vous parler d’un truc qu’on chante à tout bout de champ au sud de la Loire, dans les stades comme dans les ripailles villageoises, et dont au moins tout le monde connaît le refrain... Sans bien trop savoir ni le reste, ni au demeurant, surtout pour les parigots, ce que ça veut dire.

On va vous le faire un coup, ce refrain, histoire de vous rafraîchir les méninges :

« Se canta, que cante

Canta pas per ieu

Canta per ma mia

Qu’es al luènh de ieué »

Ce qui veut dire, messieurs-dames au parler pointu :

« S’il chante, qu’il chante,

Il ne chante pas pour moi

Il chante pour ma mie

Qui est loin de moi. »

Les gens d’ici auront bien sûr reconnu le « Se canto », qui est depuis un bon petit siècle l’hymne officieux de l’Occitanie en son sens large, depuis les vallées piémontaises en Italie jusqu’au Val d’Aran en Espagne, et un peu plus à l’ouest vers l’Aquitaine, et un peu plus au nord en grimpant dans le Massif Central. On ne va pas vous faire un dessin.

On ne sait pas vraiment qui a écrit le « Se canto », mais on attribue couramment ce tube occitan au Lion des Pyrénées, Gaston Phébus, comte de Foix, qui l’aurait écrit à la fin du XIVe siècle. Paul Bony, le président du Centre culturel occitan du Rouergue, serait plutôt enclin à le lui attribuer définitivement.

« C’était un troubadour et un seigneur, dit-il, un drôle de type. On dit que sa femme, lassée d’être trompée par lui, se serait enfuie de l’autre côté des Pyrénées. Elle en avait ras la casquette. Alors il aurait composé cette chanson pour tenter de la faire revenir. C’est le chant des amours impossibles, avec cet oiseau qui est là, qui a été souvent utilisé dans le fin’amor des troubadours. »

Romantique et piquante, une vraie sauce béarnaise qui a bien pris.

Depuis, le « Se canta » a fait sa route à travers les siècles, plus de six, et il en existe maintenant une quinzaine de versions. Avec dès le début « une dimension européenne, nous dit Paul Bony, puisqu’il en existe une version écrite dès les années 1400 en souabe, un dialecte allemand ».

C’est donc un chant qui a des origines nobles, écrit par un guerrier troubadour, qui lui donne son caractère. « Un chant vigoureux, qui sert même à dire qu’on n’est pas d’accord », commente Paul Bony. Un chant politique... d’ailleurs utilisé par les hommes politiques contemporains. En 2003, le député béarnais Jean Lassale l’entonne à l’Assemblée nationale en guise de protestation. Trois plus tard, c’est son voisin François Bayrou qui s’y lance lors de sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle d’alors. En 2015, c’est l’écolo Cécile Duflot qui le gazouille à Montpellier lors d’un rassemblement unitaire de la gauche.

Une Marseillaise façon miladiou, quoi. Le « Se canta » est même l’hymne officiel du Val d’Aran, région de Catalogne est aussi langue officielle. Et on l’a même vu interprété lors des Jeux olympiques d’hiver de Turin de 2006, puisque les vallées occitanophones de là-bas étaient partie prenante de l’accueil de ces Jeux.

Et donc, à l’heure où l’Occitanie (mais pas toute l’Occitanie historique) est devenue une région, on parle donc de trouver un hymne, et pour Paul Bony, « à mon sens, il est tout trouvé. Encore faudrait-il le moderniser, l’adapter... C’est populaire, ça fait l’unanimité. c’est un chant très enraciné, rien ne l’a détrôné en Occitanie. » Même s’il existe d’autres très vieux chants très populaires, ou encore ce « Coupo santo » signé Frédéric Mistral, devenu l’hymne, tout aussi officieux, de la Provence.

Paul Bony ne se souvient pas de quand il a su chanter le « Se canta ». Déjà, à l’époque, « on nous avait surtout recommandé de parler en français, une sainte bêtise qui perdure encore aujourd’hui ». Mais il se souvient des réunions de famille, ou quand tout le monde le chantait pour la « solenca », la fin de la fête des moissons.

Mais plus qu’un hymne, plus qu’une revendication politique et surtout pas une affirmation identitaire, le « Se canta » est d’abord une histoire d’amour, Gaston Phébus, si c’est bien lui, l’a écrit dans ce but. Alors, n’avons-nous pas d’abord à l’entonner comme des troubadours ?

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