Témoignage : René Delgay se souvient de la journée du 6 août 1944

  • Devant la stèle du souvenir près de Pont-de-Grandfuel, René Delgay porte un regard au loin qui en dit long sur sa réflexion... Devant la stèle du souvenir près de Pont-de-Grandfuel, René Delgay porte un regard au loin qui en dit long sur sa réflexion...
    Devant la stèle du souvenir près de Pont-de-Grandfuel, René Delgay porte un regard au loin qui en dit long sur sa réflexion...
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CORRESPONDANT

En cet été 1944, l’armée allemande qui occupait la France, était en grande difficulté. Les troupes du sud remontaient vers le nord. Des unités de soldats SS étaient chargées d’anéantir le maquis, afin de sécuriser les routes où allaient circuler les colonnes de l’armée allemande. C’est une de ces unités SS, venant d’Albi, qui allait semer la terreur sur l’itinéraire, Réquista, Cassagnes, Rodez. Elle était composée de 300 hommes, 23 véhicules, deux canons anti-chars, quinze mitrailleuses et à leur tête, un peloton cycliste et moto cycliste.

À la Selve se trouvait, un PC du maquis, qui préparait une embuscade au lieu-dit " Le Moulin de Clary ". C’est donc le 6 août 44, à 6 heures que le combat eut lieu. Un échec pour le groupe de maquisards dont six ont été tués. Après cela, la colonne se dirigeait vers Rodez et faisait une halte à Cassagnes-Bégonhès ; deux otages ont été pris, l’un d’eux libéré à Rodez, l’autre fusillé à Sainte-Radegonde.

Après avoir situé les événements, René Delgay, témoin du passage des Allemands à Pont-de- Grandfuel, raconte dans le détail ce passage de la colonne :

" J’avais 10 ans, c’était le jour de la fête votive du village. Nous avions un repas de famille comme chaque année. Je me trouvais à une petite table à côté de la fenêtre ouverte, qui donnait sur la route. Le reflet de la vitre me renvoyait la vue de la route qui va vers Cassagnes. Soudain j’aperçois des soldats allemands en vélo qui ouvraient la voie à une colonne de véhicules militaires. Je dis à mon père :

- Les Allemands ! Il répond :

- Ne bougez pas, on continue de manger.

Un soldat allemand s’accoude au rebord de la fenêtre et demande :

- Pas maquis ici ?

Une sœur à ma mère, 48 ans belle femme souriante, lui répond :

- Non pas maquis, c’est la fête, repas de famille. et l’Allemand continue sa route.

Heureusement ils ne sont pas rentrés ; il y avait un jeune homme qui aurait du être au STO (Service travail obligatoire) au service des Allemands. Mon frère Jean et moi sommes partis en passant par une fenêtre derrière la maison ; nous sommes montés vers St-Sauveur puis à La Besse en prenant soin de nous faufiler derrière les haies. Le reste de la famille est resté à table : lorsque la colonne fut passée, craignant des représailles, les habitants et toutes les personnes qui se trouvaient au village, sont parties ".

René poursuit : " En allant vers Rodez, à deux kilomètres de Pont- de-Grandfuel, des maquisards du groupe de La Selve avaient préparé une embuscade. Il s’agissait de faire sauter à la dynamite un rocher qui surplombait la route. Quelques-uns d’entre eux étaient postés sur des hauteurs pour mitrailler la colonne. Ils auraient allumé la mèche mais la dynamite n’a pas explosé. À 600 mètres avant le monument actuel, l’avant-garde de la colonne prend un chemin qui monte vers le village de Parlan pour encercler le secteur de l’embuscade. Les maquisards, pris au piège, ont quitté les lieux laissant deux des leurs qui avaient été tués. Deux civils qui circulaient sur la route furent fusillés. Le corps d’un troisième maquisard fut retrouvé dans les bois, de l’autre côté du Viaur en janvier 1945. "

M. Delgay se souvient avec précision de la suite des événements : " Poursuivant leur route en direction de Rodez, au hameau Bonnecombe, les Allemands saccagent l’hôtel Sanch, s’emparent de cinq otages qui se baignent dans le Viaur, près du pont. Poursuivant leur route, à la Primaube, ils pillent une boulangerie et capturent un sixième otage. Ces otages seront libérés à Rodez sur intervention de M. Bonnefous, maire de Rodez. "

René tient à préciser, qu’après l’embuscade du 6 août, deux camions de soldats allemands sont venus à Parlan pour y effectuer des représailles. C’était le 8 août, ils ont pris trois hommes, les ont amenés devant l’école publique, qu’ils ont incendiée. Les trois hommes, pensaient être fusillés mais ils ont été finalement libérés. Tous les habitants avaient quitté le village.

Enfin René, pensif, termine :

" Il n’y a pas eu de représailles à Pont-de-Grandfuel (le 6 août était la fête religieuse de la transfiguration, dont un tableau orne le retable de l’église de Saint-Sauveur) ". M. Delgay était alors loin de se douter, lorsqu’il avait dix ans, qu’un de ses fils s’installerait en Bavière, au sud de l’Allemagne, de nombreuses années plus tard. En 1992, Alain épousait une bavaroise, Annette Limbrunner.

Ce témoignage permet à chacun de ne pas oublier et de prendre conscience combien la paix a un prix unique, inestimable…

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