Rodez : Soulages a transformé le regard et la vie de Vincent Cunillère

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  • Vincent Cunillère a ouvert une galerie à Rodez. Face au musée Soulages.
    Vincent Cunillère a ouvert une galerie à Rodez. Face au musée Soulages. CPA
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Joel Born

Entre sa ville Sète et Rodez, sa rencontre avec Pierre Soulages a complètement changé la vie du photographe Vincent Cunillère. Et transformé sa vision artistique.

De l’une des fenêtres de sa galerie ruthénoise, on aperçoit l’imposante carcasse d’acier du musée Soulages. Ce musée, Vincent Cunillère l’a photographié des milliers de fois. Comme il a photographié des dizaines et des dizaines de fois Pierre Soulages. Sa rencontre avec le maître de l’outrenoir, au début des années 90, alors qu’il n’était qu’un jeune et hésitant photographe sétois, a véritablement transformé sa vie. Il en parle avec émotion. La larme à l’œil. C’est plus fort que lui. "Pierre Soulages a vraiment changé mon regard photographique, artistique."

La mort du père

Comme Soulages, Vincent Cunillère a perdu son père très tôt, beaucoup trop tôt. "J’avais 12 ans et ça m’a traumatisé. Il me fallait trouver quelque chose. J’ai fréquenté un photo-club et c’est comme cela que tout a commencé. La première fois que j’ai vu l’image apparaître, c’était magique, et j’ai accroché." Après le collège Paul-Valéry, Vincent poursuit sa scolarité dans une école de photo, à Toulouse. Tombé amoureux, son CAP en poche, il part en Haute-Savoie, dès l’âge de 17 ans, où un photographe lui apprend les rudiments du métier. "Je passais toutes les matinées à recouper les bords des photos et à les retoucher. Je faisais aussi des photos d’identité. Finalement, ce fut très formateur." Après un mariage très jeune, plusieurs expériences comme "filmeur" et laborantin au Cap d’Agde et dans des stations de ski, c’est le choc et la douleur d’un divorce et d’une séparation qui tourne mal. "C’est à partir de là que mon travail artistique a réellement commencé. Il me fallait un exutoire. Mon rêve était de réaliser un reportage dans Paris Match."

Vingt et une photos dans l’atelier parisien du peintre

Vincent a 28 ans. Un copain d’école lui souffle l’idée de photographier Pierre Soulages. "Pendant des mois, j’ai lu des tas de livres sur Soulages. J’en ai fait un dieu et, un jour, il a fallu prendre contact avec Dieu… J’ai envoyé un courrier pour lui demander de le rencontrer pour le photographier." Cette première rencontre eut lieu, en 1993, dans l’atelier parisien du peintre. Une rencontre pour le moins intimidante. "Il travaillait sur les vitraux de Conques. Au bout de vingt minutes, il me dit : vous n’êtes pas venu pour faire des photos ? J’ai réalisé 21 clichés en argentique. Quelque temps après, je suis allé à Conques, où j’ai rencontré Jean-Pierre Fleury qui installait les vitraux. J’ai montré mes premières photos de Paris et Conques à Pierre Soulages et il a apprécié. Il m’a demandé pourquoi je le photographiais. Je lui ai répondu que je voulais publier un reportage dans Paris Match. Il m’a dit O.K."

Et ce qui devait arriver arriva pour le plus grand bonheur du jeune photographe sétois. "Un jour Match m’appelle. Pierre Soulages leur avait demandé de prendre mes photos. Quand je l’ai rappelé, il m’a dit : je suis à votre disposition." Pendant un mois, Vincent Cunillère se rend, deux fois par semaine, à Conques pour photographier la mise en place des vitraux. Et c’est finalement lui qui illustrera l’ensemble de l’ouvrage sur les vitraux de l’abbatiale de Conques, paru aux éditions du Seuil. Le début d’une longue collaboration artistique et des années de jeunesse, dont il conserve un souvenir heureux. "Quelque part, on a été les mieux lotis. Ce fut une période de liberté assez exceptionnelle. On avait les libertés qu’on voulait. On bénéficiait de tout. On a eu une chance fabuleuse et j’ai formé mon œil photographique."

Le maître et l’élève

"Avec Soulages, j’ai trouvé ce qu’il me manquait. Il m’a ouvert à une sensibilité artistique. Avec lui, j’étais dans la position de l’élève, raconte le photographe, intarissable. Soulages a toujours eu une vision de son travail. Il est dans la perfection. Il contrôle tout. Avec lui, j’ai appris la perfection et pour moi, la perfection est devenue la gestion de l’imperfection."

Le maître et l’élève, en quelque sorte. Un élève à la fois admiratif et impressionné. "Pendant vingt ans, chaque fois que je devais le rencontrer, je me rendais malade…"

Depuis vingt-cinq ans, Vincent Cunillère collabore avec le peintre dont il est devenu le photographe attitré, le suivant lors de ses principaux accrochages, mais également lors de l’installation de ses œuvres au musée Fabre, de Montpellier, ou au musée Soulages de Rodez. Preuve de la confiance instaurée entre les deux hommes, depuis une dizaine d’années, Vincent Cunillère assure les reproductions photographiques des œuvres de Pierre Soulages.

Duo d’ateliers

Parallèlement à sa collaboration avec Pierre Soulages, il a travaillé et travaille encore sur les horizons, les nus et ce qu’il appelle les "désimpressions", des photos façonnées par l’usure du temps. Il a aussi photographié de nombreux artistes : César, Lucien Clergues, Zao Wou-Ki, Bernar Venet, François Morellet et bien d’autres. Il est l’auteur des Duos d’ateliers avec notamment les nombreux artistes sétois. Des compositions à quatre mains mélant chaque fois le regard du photographe et celui de l’artiste. "Sète est une ville d’art. C’est ce que j’aime. On est au milieu de beaucoup de choses et on a été obligés d’affirmer une identité. C’est une ville de caractère, d’accueil, avec un énorme mélange culturel. Les artistes m’ont toujours passionné. Pourquoi certains réussissent et d’autres rament toute leur vie ?"

Depuis quelques années, et l’ouverture de sa galerie ruthénoise, dans laquelle il a récemment exposé avec succès Charlélie Couture (850 visiteurs en vingt demi-journées) et où il aménage un immense jardin d’inspiration méditerranéenne, Vincent Cunillère partage sa vie entre Sète et Rodez. "Je fonctionne au rêve et au plaisir." Sa philosophie de vie.

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