Villefranche-de-Rouergue. Le temps des révolutions, par J.-F. Sirinelli

Depuis les années 1960 la France a changé. De la fin de la guerre d’Algérie à l’ascension d’Emmanuel Macron, le temps s’accélère avec une telle intensité qu’on s’en trouve déstabilisé. Les grandes mutations touchent tous les domaines : le clivage droite-gauche ne structure plus le paysage politique, la sphère du privé et de l’intime connaît un bouleversement et la morphologie démographique change l’échelle du temps et de l’espace. Par exemple l’Histoire de l’Etat-nation s’inscrit dans une dimension planétaire du fait des migrations africaines à travers la Méditerranée. On est au terme d’un cycle : la France d’avant craque… Ces phénomènes de lézardes culturelles ont certes traversé l’Histoire. En France on est passé des terroirs fractionnés à l’unification grâce à l’école républicaine. Aujourd’hui on a une France-Monde connectée aux autres espaces civilisationnels. La France catho-rurale a donné place à une France urbaine, colorisée, industrielle qui ne connaît plus les régulations traditionnelles : l’Eglise, les syndicats, les partis de gauche sont en crise… Les ébranlements des deux guerres mondiales, les tendances lourdes de l’économie, les échanges multiformes, la montée des jeunes… tout a joué dans la tectonique des plaques mémorielles et beaucoup sont désorientés.

Les cathédrales de mots brûlent : l’héritage gaulliste, le rêve-révolution de mai 1968, les invasions africaines qui changent l’identité européenne… tout s’efface. On est dans la fragilité l’inquiétude, l’incertitude, l’horizon perdu… Même en enveloppant d’un baume civique, le cap se cherche dans le brouillard des informations et on ne croit plus aux lendemains qui chantent. Jean-François Sirinelli, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste de la cinquième république et des transformations socioculturelles, nous introduit dans une problématique complexe : faut-il redéfinir le modèle républicain français pour redonner l’espoir ? Et si le levier Européen, entre la sagesse et le désordre, était la voie du salut ?