Jean-Paul Delevoye : « Rien n’est encore écrit »

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  • Jean-Paul Delevoye : « Nous voulons répondre à la soif d’équité exprimée par nos concitoyens et à leur question récurrente : « Est-ce que ma retraite sera le reflet de mon travail et sera-t-elle calculée avec les mêmes règles que celle de mon voisin ? » Jean-Paul Delevoye : « Nous voulons répondre à la soif d’équité exprimée par nos concitoyens et à leur question récurrente : « Est-ce que ma retraite sera le reflet de mon travail et sera-t-elle calculée avec les mêmes règles que celle de mon voisin ? »
    Jean-Paul Delevoye : « Nous voulons répondre à la soif d’équité exprimée par nos concitoyens et à leur question récurrente : « Est-ce que ma retraite sera le reflet de mon travail et sera-t-elle calculée avec les mêmes règles que celle de mon voisin ? » ©Pierre Teyssot/MAXPPP
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Propos recueillis par Pierre Challier

Jean-Paul Delevoye est chargé d’organiser la concertation avec les principaux acteurs du champ des retraites et de coordonner les travaux de préparation de la réforme ainsi que la rédaction des projets législatifs. Il sera aujourd’hui à Rodez avec le président de la République Emmanuel Macron pour lancer le premier Grand débat.

 

Un système universel de retraite, plus simple, plus juste, pour tous : ainsi résumiez-vous en juillet le projet de réforme que vous présentiez. Pouvez-vous en rappeler les enjeux ? Est-ce uniquement faire des économies et travailler plus longtemps ?

C’est d’abord un projet de société qui rappelle un peu l’histoire lorsqu’en 1945 le Conseil national de la Résistance, les gaullistes et les communistes ont cherché à mettre en place, avec l’universalité des droits, l’universalité des régimes : le débat existait déjà entre « les solidarités par corporations » et « la solidarité collective » pour financer le système de protection sociale qui permettrait aux travailleurs de faire face aux incertitudes du lendemain. Les solidarités par corporations l’ont emporté sur la solidarité collective et 42 régimes de retraite composent actuellement notre paysage. Ceci rappelé et qui résonne toujours aujourd’hui, la question que le président de la République nous a invités à poser est « quel système de protection sociale pour le XXIe siècle ? », et ce, au moment où toutes les professions sont amenées à évoluer sous l’impact de l’intelligence artificielle, des nouvelles technologies. Autrement dit, comment accompagner désormais les moments de fragilité de chacun et de chacune d’entre nous, dans les moments de chômage, d’invalidité, de maternité, de maladie et de vieillesse ? Par l’individualisme, le chacun pour soi, l’assurance privée selon le système anglo-saxon ? Non. Car c’est l’opposé de notre projet de société, celui-ci étant au contraire d’offrir à chacun la protection de la solidarité collective de la nation. C’est la raison pour laquelle nous proposons donc un projet qui s’appuie sur un diagnostic sans appel du système actuel, assez illisible et injuste entre privé et public, les droits n’étant d’ailleurs pas toujours favorables à la fonction publique ou au privé selon les cas. Et face à ce constat sévère nous avons souhaité proposer un système universel des retraites concernant 100 % des Français, avec les mêmes règles de cotisation, les mêmes assiettes et les mêmes taux de rendement afin qu’à métier identique, retraite identique, qu’à carrière identique, retraite identique. Nous voulons ainsi répondre à la soif d’équité exprimée par nos concitoyens et à leur question récurrente : « Est-ce que ma retraite sera le reflet de mon travail et sera-t-elle calculée avec les mêmes règles que celle de mon voisin ? »

Que pensez-vous de la forte réaction syndicale et de la mobilisation, toutes classes sociales confondues, qu’a provoqué dès la rentrée votre projet ?

Toutes ces inquiétudes exprimées sont légitimes et sont une stimulation pour y répondre en regardant si elles sont fondées ou infondées. Concernant la manifestation des avocats, par exemple, je voudrais rassurer la totalité des barreaux de France. Il n’a jamais été question de doubler les cotisations. Et c’est vrai aussi pour les autres professions indépendantes. Nous voulons donc travailler à trouver avec elles des solutions pour que cet équilibre des nouveaux droits affichés dans le système universel soit compatible avec l’équilibre économique de leurs métiers, c’est-à-dire qu’ils n’entraînent pas d’augmentation des charges, point que nous avons parfaitement intégré. Côté syndicats il y a la CGT et FO avec lesquelles nous avons eu des discussions extrêmement riches et qui, dès le départ, ont indiqué leur positionnement. Pour résumer ? Garder les 42 régimes et revenir à la retraite à 60 ans après 40 ans de cotisations, le régime de retraite n’y survivrait pas. Elles sont rejointes sur ces points par les Insoumis et un certain nombre de partis politiques. Tout cela pose un vrai débat entre la solidarité professionnelle et la solidarité nationale dans un pays où 70 % des actifs sont dans le privé et où, à métiers identiques les âges légaux de départ à la retraite sont différents, un euro cotisé ne rapporte pas la même pension selon qu’on est employé d’une PME, d’une grande entreprise publique ou d’une collectivité. Nous ne le voulons pas et il faut donc mettre en place dès maintenant un système responsable et solidaire dont la simplicité sera telle que les revenus de votre travail vous permettront d’acquérir des points que vous additionnerez, in fine, et qui vous donneront la possibilité de choisir en totale liberté le moment de partir à la retraite, si vous estimez que votre pension est suffisante.

L’âge « pivot » de 64 ans et la retraite par points sont-elles des préconisations figées ou peuvent-elles encore évoluer ?

Comme l’a indiqué le Premier ministre, rien n’est écrit… Mais on s’appuie pour débattre sur le rapport que j’ai rédigé à la suite d’une première participation citoyenne et nous continuons à travailler avec tout le monde. J’insiste sur le caractère particulier de cette méthode voulue par le Président et qui consiste à débattre, alors que la loi n’est pas du tout écrite, tandis qu’habituellement on écrit d’abord la loi qui est ensuite discutée au Parlement et fait l’objet de résistances ou pas. Là nous en avons appelé à l’intelligence collective afin de construire ce système universel…

Sur lequel vous lancez donc ce jeudi le Grand Débat à Rodez…

Oui, puisque dans cette dynamique d’intelligence collective, le Président l’a souhaité pour engager une formidable interactivité avec nos concitoyens. Pour leur dire « voilà le rapport, nous devons écrire la loi : quelles sont vos inquiétudes ? Quelles sont vos angoisses ? Quelles sont vos adhésions. Quelles sont vos propositions ? Quels sont vos avis ? » Cela sera accompagné par une plateforme qui sera lancée ce jeudi soir permettant aux citoyens d’émettre leurs avis, de me questionner ou de pouvoir adhérer ou exprimer leur désapprobation car nous devons réfléchir ensemble à ces propositions qui présentent de fortes avancées de redistribution pour les retraites faibles, de belles avancées pour les femmes et les familles tout en augmentant sensiblement à 1 000 € la retraite minimale des moins favorisés, notamment des agriculteurs.

Les participants seront - ils libres de poser toute question au président ?

C’est exactement l’esprit. Nous avons besoin de connaître la sensibilité de l’opinion et de voir si elle s’est construite sur de fausses affirmations ou de réelles inquiétudes, le débat et la controverse étant la force de notre démocratie.

Le calendrier, ensuite ?

Il y doit y avoir plusieurs débats, dont certains avec le Premier ministre, puis la loi sera votée à la fin de la session parlementaire du premier semestre 2020.

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