Moyrazès, passage obligé du rallye du Rouergue

  • La ferveur populaire des épingles de "Moy’".
    La ferveur populaire des épingles de "Moy’". Archives JLB -
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serge carrière

Annulé en raison de la crise sanitaire, le rallye du Rouergue, 47e du nom, aurait dû s’élancer hier matin de Rodez. L’occasion de rappeler les "petits riens" qui ont forgé la "grande histoire" de l’épreuve. Hier dans le nord du département, aujourd’hui à Moyrazès, et demain avec le premier vainqueur Aveyronnais, Jean-Jacques Enjalbert.

Après la nouvelle spéciale dite du Lévézou, créée en 2019, c’est vers Luc-Moyrazes qu’auraient dû se diriger les équipages aujourd’hui, au lendemain de l’ouverture d’un 47e rallye du Rouergue comptant pour le championnat de France des rallyes asphalte. La crise sanitaire est malheureusement passée par là, annulant l’épreuve, dont les deux "boucles" du samedi comme la spectaculaire ES Rodez-Musée Soulages prévue juste avant le podium final.

Créée en 1985, la spéciale de Moyrazès, véritable passage obligé de l’épreuve depuis, a subi de nombreuses modifications au fil des années. Au début, les voitures ne traversaient pas le village en course. Il y avait ainsi deux spéciales : Olemps-Moyrazes et Moyrazes-Le Pas. Ce n’est ainsi que deux ans plus tard que les deux tronçons n’en feront plus qu’un et que les mythiques "épingles de Moy’" verront le jour.

"Moy’" en 2 CV, Loeb l’improbable sortie

Des épingles qui ont beaucoup fait pour la renommée de l’épreuve et qui sont connues bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Pour la petite histoire, c’est Joachim Barroso, plus connu sous le pseudo de "Jo", qui fit découvrir le tracé de cette spéciale au regretté Daniel Wachoru, cheville ouvrière du rallye s’il en est, au volant d’une 2 CV. Barroso était pilote dans les années 80. Après avoir été mécano au garage Caussignac et Guiet, la concession Simca Talbot de l’époque sur la route de Marcillac, il a quitté le département et a créé une entreprise de préparation de voitures de rallyes à Saint-Jean-de-Védas dans l’Hérault. Il y "drive" alors de nombreux pilotes, comme le Panatois Guillaume Canivenq qu’il conduira au titre de Champion de France des rallyes en 2009 après une victoire sur le Rouergue.

Un grand champion est aussi passé entre les mains de l’Aveyronnais. En 2000 c’est lui qui prépare la Renault Mégane d’un certain Sébastien Loeb qui, cette année-là, fera son plus beau résultat sur le Rouergue en prenant la 4e place du général. En 2001 c’est au volant d’une Xsara Kit Car que Sébastien Loeb retrouve le Rouergue en grand favori. Malheureusement dans cette fameuse spéciale de Moyrazès, il commet l’impensable. Quelque 100 mètres après l’arrivée, il sort de la route après avoir décollé sur une bosse. Un abandon qui ne l’empêchera pas de remporter son unique titre de champion de France des rallyes cette année-là.

Tous les pilotes sont unanimes pour reconnaître que le passage dans "Moy’", c’est quelque chose à vivre. Tous les ans, ils sont des milliers de supporters, aficionados, à envahir la petite commune aveyronnaise pour assister aux passages toujours spectaculaires, aussi bien des leaders que des sans-grade, qui, eux, ont pris le départ avec pour seule ambition d’être si possible à l’arrivée de l’épreuve ; mais surtout de connaître la ferveur populaire d’un passage dans Moyrazès.

En évoquant cette spéciale, c’est un abandon en 2003 qui vient à l’esprit du pilote du Vallon Nicolas Théron. "Je faisais la course avec mon beau-frère Jean-Marc Bertrand et nous avons cassé la boîte au pont des Planques. Après avoir mis la voiture en sécurité, nous sommes restés avec les commissaires qui nous ont fait partager leur casse-croûte. "

En fauteuil roulant, du coca dans le circuit de frein pour voir ça !

En 2001, alors que le rallye est divisé en deux catégories, l’Aveyronnais Xavier Besson, alors en tête du national, s’élance trois minutes après les participants au championnat de France. "Il n’y avait aucune voiture ouvreuse entre nous et eux, et tout à coup, à la sortie d’un virage, nous nous sommes retrouvés face à un groupe de spectateurs qui, pensant que le rallye était terminé, regagnait le parking. Heureusement, tout s’est bien terminé et maintenant j’en souris en pensant à toutes ses personnes qui se sont jetées dans les fossés bordant la spéciale."

Pour Alexis Sirmain, le pilote du Vallon, "passer à Moyrazès est une fête". Il témoigne : "En 2015, je courais sur une Clio avec Benjamin Gaffard et nous avions cassé le moteur la veille. Avec des copains, nous avons passé la nuit pour réparer afin de repartir en super rallye et pouvoir faire "Moy’" et vibrer avec le public dans les épingles. J’ai également un souvenir particulier en tant que spectateur. À 14 ans, j’ai eu un accident de moto et c’est en fauteuil roulant que mon père m’a emmené aux Planques pour assister à la course."

Toujours en 2015, François Pélamourgues se rappelle avoir traversé le village au ralenti. "Dans la spéciale précédente, nous avons cassé un disque de frein. Comme nous tenions à terminer le rallye (le Sébazacois a franchi la ligne d’arrivée à 19 reprises en 20 participations, NDLR), j’ai fait une réparation de fortune et j’ai injecté de l’eau ou du coca, je ne me souviens plus, dans le circuit afin que les pistons puissent serrer un peu. Nous avons donc pris le départ de "Moy’" quasiment sans frein ! Et nous sommes passés dans les épingles à deux à l’heure. C’est là que j’ai pu véritablement me rendre compte du monde et de l’ambiance qu’il y avait."

Quant aux Marcillacois Christophe et Jérôme Sichi, c’est au carrefour du millénaire qu’ils pensent lorsqu’il s’agit d’évoquer Moyrazès. "Cette année-là, il y eut un véritable déluge de pluie sur la spéciale. Certains dont nous faisions partie ont pu profiter d’une route sèche juste avant l’orage ; alors que les autres ont perdu énormément de temps sous la pluie. À l’arrivée, il y eut de nombreuses réclamations et, finalement, les temps de la spéciale furent annulés, ce qui ne nous a pas forcément arrangés. " De quoi nourrir toujours plus la grande histoire de cette unique et mythique spéciale.

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