Le jour où : au panthéon du sport aveyronnais
Nous sommes le 2 juin 1991. Les footballeurs ruthénois, pensionnaires de Division 2, se retrouvent à défier le grand OM dans son mythique stade Vélodrome pour une place en finale de la Coupe de France. Tout est réuni pour faire de ce dimanche de football, un moment d‘histoire.
La beauté du sport, assurément. Ou quand l’émotion, le frisson, la communion, l’espoir relèguent allègrement le résultat au second plan. Oui, c’est un revers, 4-1, qui demeure, si ce n’est le premier, comme un des moments des plus glorieux de l’histoire du sport aveyronnais. De ces tranches de vie gravées à jamais en chacun, dans l’inconscient collectif aussi. Ce dimanche soir de fin de printemps, les yeux de la France sont braqués sur Marseille, son stade Vélodrome, ses artistes du ballon rond déchus quelques jours plus tôt sur la dernière marche de la scène continentale, et leurs adversaires ; d’irréductibles pensionnaires de D2, arrivés jusque-là avec le couteau entre les dents et poussés par des milliers de supporters survoltés comme on ne le reverra plus jamais après. Cet Olympique de Marseille - Stade Rodez football, en demi-finale de Coupe de France, marque la fin d’une épopée grandiose, homérique. Une fin superbe, malgré les portes du Parc des Princes qui se referment sur les doigts aveyronnais. « JPP » les ayant mis à rude épreuve, d’entrée, avec un triplé massacreur. Waddle, Tigana, Amoros, Mozer, Stojkovic… Les Marseillais sont sur une autre planète. Et pourtant, Pradier, le joker ruthénois, fera trembler les filets, donnant à la deuxième mi-temps des allures de match nul dans le cœur des Aveyronnais. Un honneur sauf. Bien plus que ça en fait. Le point, non pas final, mais de départ d’une relation commune entre joueurs et supporters. Traversant le temps. Et les générations.
Papin, pas de cadeau avec un triplé
Les deux capitaines Ratko Dostanic et Jean-Pierre Papin ont beau s’échanger les habituelles amabilités d’avant match, le second cité ne fera pas de cadeau aux Ruthénois. C’est ainsi lui qui tuera dans l’œuf les ambitions rouergates en s’offrant un « hat trick » dès la première demi-heure (19e, 21e, 32e).
L'emblématique Michel Poisson
L’AJ Auxerre avait un coach nommé Guy Roux ; Rodez détenait Michel Poisson. Un druide, un guide pour beaucoup ayant grandement contribué à cette épopée-là. Mais aussi - et surtout - à faire grimper les échelons au club pour lui faire notamment passer quatre saisons dans l’antichambre de l’élite à la fin des années 80 et début des années 1990.
Les quatorze Ruthénois du Vélodrome
Debout, de gauche à droite : Sébastien Poisson (remplaçant, attaquant), Ratko Dostanic (capitaine, défenseur central), Marc Geniez (gardien), Pascal Guitard (latéral droit), Alain Rolland (milieu offensif droit), Pascal Auréjac (latéral gauche), Marko Nenezic (milieu de terrain), Aleksandar Krstic (attaquant).
Accroupis, de gauche à droite : Jacques Pradier (remplaçant, attaquant), Mirsad Omerhodzic (remplaçant, attaquant), Jean-Luc Pasturel (défenseur central), Jean-Luc Vinuesa (milieu offensif), Frédéric Alcaraz (milieu défensif), Philippe Bobek (milieu défensif).
Philippe Bobek : « Personne ne pourra nous l’enlever »
Figure tutélaire du football à Rodez, Philippe Bobek, joueur, entraîneur mais aussi dirigeant au sein du club sang et or, était revenu il y a quelques années pour Centre Presse sur cette journée incroyable et ce qu’elle a pu laisser comme traces. Ses mots restent toujours furieusement d’actualité alors que les références aux « anciens » de cette époque-là ne quittent jamais les discussions autour du club du piton, même aujourd’hui.
« Il faut se replacer dans le contexte, racontait ainsi le milieu de terrain, près d’un quart de siècle après le match en 2015. Au début des années 90, c’était le grand OM. Les générations d’aujourd’hui ne peuvent pas s’en rendre compte. Mais c’était quelque chose de fabuleux pour une ville comme Rodez. En plus, les Marseillais revenaient de Belgrade où ils avaient joué et perdu la finale de la Ligue des champions. Il n’y avait que des internationaux. C’est quelque chose que l’on a pour nous, les joueurs ou les supporters de l’époque. Mais je ne suis pas nostalgique. On garde des choses en nous. C’est comme ce groupe. Personne ne pourra nous l’enlever. Notre époque était complètement différente. Très peu de joueurs vivaient du foot. On s’était retrouvé là un peu par hasard. Mais il y a eu l’alchimie. » Et sur le terrain, même avec le temps, aucun regret pour Bobek : « Je me dis que j’ai joué contre de tels joueurs (rires). Et que je ne leur arrivais pas du tout à la cheville. Quand vous avez Chris Waddle ou Abedi Pelé en face… J’ai pu me rendre compte de ce qu’il faut pour arriver à leur niveau. On aurait joué ce match 100 fois, on l’aurait perdu à 99 reprises. Mais on n’a pas été ridicules. » La préparation à la sauce Poisson ayant aidé, toujours selon lui : « On avait passé trois jours à côté de Marseille. On se préparait à jouer le grand OM mais, en fait, on ne changeait rien à nos habitudes. C’est passé tellement vite. Il fallait se donner, voilà. Michel était un entraîneur hors pair pour cette raison : il arrivait à nous faire oublier le contexte. Que tu sois en D4, D3 ou D2, tu jouais. Peu importe contre qui. »
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