Agriculture : l'Aveyron privé de son salon à Paris

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  • Amputée de sa dernière journée, l’édition 2020 du Salon de l’agriculture avait elle aussi été victime du Covid-19.
    Amputée de sa dernière journée, l’édition 2020 du Salon de l’agriculture avait elle aussi été victime du Covid-19. repro cpa
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Xavier Buisson et Rachid Benarab

"Nous en sommes tristes mais la réalité de la pandémie fait que chacun doit prendre ses responsabilités". Le président de l’organisation du Salon de l’agriculture, Jean-Luc Poulain, a confirmé mardi soir l’information : l’édition 2021, prévue du 27 février au 7 mars, est pour l’heure "reportée". Les organisateurs réfutent le terme d’annulation et planchent sur un maintien, "pour partie", de la "présence du Salon sur cette même période". Pour l’heure, seul est acté le maintien des concours des produits et des vins, les concours des animaux étant reportés à 2022. Nous avons donné la parole à plusieurs figures du monde agricole local, qui confient leurs états d’âme quant à ce "report" aux allures d’annulation.

Tourisme. "Annuler c’est regrettable, mais trop d’incertitudes pesaient"

Même si au fond de lui il pressentait déjà que le prochain Salon de l’Agriculture allait faire les frais de la pandémie de Covid-19, c’est avec un sentiment de regrets que Jean-Luc Calmelly, a appris la nouvelle de son annulation, mardi soir. "On ne peut que regretter qu’un événement de cette ampleur soit annulé", a déclaré le président de l’Agence départementale du tourisme (ADT 12). "Ce rendez-vous incontournable permet, depuis des années, de mettre en avant la qualité des produits du terroir aveyronnais. Mais c’est aussi une belle vitrine pour les acteurs du tourisme aveyronnais qui bénéficient là d’une formidable exposition", le salon annuel de la porte de Versailles drainant chaque année des dizaines de milliers de visiteurs."

" Regrest atténués"

Jean-Louis Calmelly précise néanmoins que ses regrets sont atténués par les raisons liées à la crise sanitaire et l’incertitude actuelle quant à son évolution. "Au rythme où vont les choses aujourd’hui, le risque de maintenir l’événement était trop grand pour les organisateurs. Comment voulez-vous appliquer les règles de distanciations dans un endroit drainant autant de monde. Et pour déguster les bons produits exposés il faut ôter son masque. Ce n’est pas compatible avec la crise actuelle. Par conséquent, à mon sens, il est plus raisonnable d’annuler", analyse le président Calmelly.

"Sans compter qu’il y avait aussi le risque de voir le public bouder l’événement par peur d’être contaminé, estime-t-il. Quant aux exposants, face à tant d’incertitudes et au regard de l’investissement tant humain que matériel fournit en amont du salon parisien, nombre d’entre eux allaient certainement finir par annuler leur venue. D’ailleurs, j’ai entendu ce matin (mercredi matin NDLR) à la radio que certains l’avaient déjà fait. Par conséquent, face à tout cela, il est à mon sens, préférable, d’annuler l’édition 2021 pour commencer à réfléchir à celle qui viendra après", conclut un Jean-Luc Calmelly déjà en pleine réflexion pour continuer à faire rayonner l’Aveyron en dehors de ses frontières.

Chambre d’agriculture. J. Molières : "Je comprends cette décision"

Au courant depuis quelques jours de l’éventualité d’une annulation, le président de la Chambre d’agriculture de l’Aveyron Jacques Molières n’a "pas été surpris" par l’annonce, mardi, des organisateurs. "Le Salon, c’est important pour l’Aveyron, chaque année, en termes d’image du territoire, mais aussi pour les concours de races. Pour les agriculteurs, c’est l’occasion de se faire connaître, de mettre en lumière le travail qu’ils assurent tous les jours", regrette le président.

"Il ne faut pas oublier que l’Aveyron est le premier département d’élevage d’Occitanie. Le Salon de l’agriculture permet de mettre en avant une race, un territoire et des hommes", poursuit Jacques Molières, qui, outre le manque à gagner évident "en termes d’images pour le département, mais aussi de contact, notamment pour les organisations agricoles", reconnaît : "Je comprends la décision des organisateurs, même si je n’ai jamais vu jusqu’à présent d’annulation du Salon de l’agriculture."

Charcuterie-Salaisons Conquet. "Une année sans. On n’a aucune visibilité"

À l’image de ses homologues producteurs de produits du terroir, Lucien Conquet ne cache pas sa déception d’apprendre l’annulation de la manifestation à laquelle il prend part chaque année depuis 25 ans. Et depuis 25 ans au salon, Conquet s’associe à la coopérative Jeune Montagne pour promouvoir leurs produits et faire tourner le restaurant où ils sont servis. Pour cela, ils emploient une dizaine de personnes. Des gens d’ici, mais aussi des Parisiens pour assurer le service en salle. C’est dire si le duo nord aveyronnais est attendu chaque année par une clientèle d’habitués mais pas seulement.

"Des bruits de couloir annonçant une probable annulation du salon circulaient déjà depuis plusieurs jours. Donc, quelque part, on s’y attendait", concède Lucien Conquet. "Malgré tout, c’est décevant", insiste le producteur laguiolais de viandes et autres charcuteries. D’autant plus décevant que cette nouvelle annulation fait suite à de nombreuses autres. "On encaisse les annulations. C’est vraiment une année sans, ajoute-t-il. Désormais, on navigue à vue. On ne peut plus rien prévoir à l’avance." En plus de faire du chiffre en régalant les visiteurs, l’Aveyronnais profite chaque année de sa présence porte de Versailles pour entretenir son réseau et le développer en trouvant de nouveaux débouchés à ses produits. "Les gens viennent du monde entier. La manifestation est le lieu idéal pour faire des rencontres professionnelles et dénicher de nouveaux clients", précise Lucien Conquet qui attend avec impatience un retour à la normale. "Pour nous bien sûr, mais aussi pour l’Aveyron et surtout pour tous ceux que la crise sanitaire a privé de travail et contraints à mettre la clé sous la porte."

Union Aubrac. "Sans surprise" après l’annulation d’autres concours

Yves Chassany est le président de l’Union Aubrac et d’OS Aubrac qui envoient habituellement au Salon de l’agriculture 16 à 20 animaux ainsi qu’une cinquantaine d’éleveurs et responsables raciaux. Le but est d’assurer la promotion des races, pour un budget total de près de 40 000 €.

"Nous avons appris la nouvelle mardi matin, elle a été confirmée officiellement le soir. C’est sans surprise pour les éleveurs d’aubrac après l’annulation de toutes les manifestations cet automne : le concours national dans le cadre du Sommet de l’élevage de Cournon mais aussi toutes les manifestations nationales et départementales, comme les cinq concours cantonaux…", explique le président Yves Chassany.

L’automne, pour les éleveurs, est habituellement une période "très chargée", et même, donc, s’il n’est pas étonné, Yves Chassany ne nie pas une part de "déception".

"Il y a aussi une prise de conscience. Dans ce contexte, nous n’aurions pas eu de retour sur investissement. De toute façon les éleveurs n’ont pas le cœur à l’ouvrage cette année, l’ambiance est dégradée", analyse le président de l’Union Aubrac, qui pense par ailleurs que "pour la promotion de la race et du territoire, cela va manquer, indéniablement, même si l’impact économique est difficilement quantifiable".

Des concours maintenus

Comme ils l’expliquaient hier, les organisateurs ont "décidé le maintien des concours des produits et des vins dans des conditions qui seront précisées prochainement. Les concours animaux sont quant à eux reportés en 2022. Reste à expertiser la faisabilité des concours jeunes et pratiques agroécologiques".

Très attendus des agriculteurs et souvent lourds de retombées économiques, les concours de produits et de vins permettent chaque année de mettre en lumière les meilleurs produits dans leurs domaines.

L’Aveyron s’y est souvent distingué, avec notamment une médaille d’or pour le laguiole de Jeune Montagne ou pour le bleu des causses pour un total de 26 médailles lors de la précédente édition.

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