Jean-Luc Mélenchon ce dimanche à Aubin : "Je veux désintoxiquer le pays"

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  • En 2017, Jean-Luc Mélenchon avait recueilli plus de 35 % des suffrages à Aubin, contre 19,58 % au niveau national.
    En 2017, Jean-Luc Mélenchon avait recueilli plus de 35 % des suffrages à Aubin, contre 19,58 % au niveau national. AFP - IROZ GAIZKA
Publié le
Mathieu Roualdés

Le leader de La France Insoumise débute sa course à l’Élysée ce dimanche en tenant le premier meeting à l’air libre de la campagne sur le plateau des Forges, à Aubin. Lors d’un entretien qu’il nous a accordé, avant de rejoindre l’Aveyron, Jean-Luc Mélenchon dit encore croire en la victoire en 2022 malgré une gauche qui "pensent que c’est déjà perdu" et la présence de Marine Le Pen au second tour "qui semble inévitable".

Vous tenez votre premier meeting en plein air à Aubin, dans l’Aveyron. Pourquoi ce choix ?

Je débute toujours mes campagnes en milieu ouvrier. Là ce sera à Aubin, un haut-lieu de la mémoire ouvrière et des luttes. C’est un symbole. Je prolonge cette histoire dans les conditions du 21e siècle. J’assume un rôle de "passeur" comme tous les autres dirigeants de gauche dans l’Histoire. Et enfin nous serons à l’air libre ! Nous avons tous besoin de relations humaines directes. Moi non plus, je ne peux pas vivre indéfiniment devant un écran, dans les bouquins ou dans l’hémicycle.

Le choix de la ruralité n’est pas le plus courant chez les leaders politiques…

La ruralité est abandonnée, il n’y a qu’à voir l’épreuve que c’est pour se rendre à Aubin ! Autour de moi, les gens n’en revenaient pas que j’y aille. Que des gens découvrent ce que sont les territoires si mal desservis. On en finit plus d’étendre les territoires délaissés : ruralité, banlieues ! En fin de compte, une seule sorte de territoire intéresse le modèle économique dominant, c’est celui de l’extrême concentration des populations car c’est ce qui coûte le moins cher à équiper… C’est toujours la même logique ! La ruralité est les banlieues doivent revenir dans tous les grands réseaux du pays. Pour les raccorder il y a des millions d’heures de travail à faire. Ce projet est un gisement d’emplois.

Votre venue dans ce bassin industriel n’est-elle pas aussi et avant tout l’occasion de regagner le vote ouvrier, que la gauche perd au fil des années ?

Je suis en campagne donc je veux gagner des voix et convaincre, je n’ai pas honte de le dire. Et en Aveyron, les voix se méritent. Il faut aller les chercher avec les dents car ce n’est pas vraiment une terre insoumise (rires). Mais il y a beaucoup de bon sens ici et c’est utile pour commencer la campagne de désintoxication que je veux mener. Car le pays est dans une situation folle : on ne parle que de sécurité, des musulmans, de militaires factieux… Ça occupe tout le devant de la scène alors que des gens meurent à petits feux pour des raisons sociales ! Je veux rappeler à tous qu’on peut vivre dans de meilleures conditions. Tous au travail, tous avec un revenu digne. Le progrès humain reste l’objectif. Nos pères, nos mères risquaient leur peau pour de meilleurs salaires et la diminution du temps de travail. Et maintenant on va passerait notre temps à discuter de l’Islam et des délires de ces retraités de l’armée ? Moi, je veux secouer le cocotier. J’appelle les salariés à hausser le ton pour défendre leur droit à une bonne vie !

Vous arrivez d’ailleurs dans un contexte social tendu après l’annonce de 750 suppressions de postes à l’usine Bosch de Rodez et après un long mouvement des 365 salariés de la fonderie Sam, toujours dans l’attente d’un repreneur…

C’est le grand gâchis libéral ! Pour ce monde, l’industrie est un simple jeu financier. Les actionnaires se gavent puis délocalisent. Le Président Macron vient de la finance : il est leur homme. Le pire dans ce cas, c’est l’hypocrisie de ceux qui imputent cela à la crise du diesel. Bobard : car les injecteurs fabriqués à Rodez vont l’être ailleurs pour revenir ensuite en France !

Et la présidente de Région Carole Delga n’a pas été meilleure que le gouvernement dans cette histoire : au lieu de donner des subventions de tous les côtés, à grands coups de communication, qu’est-ce qui l’empêche de signer des contrats qui prévoient des clauses de remboursement si les entreprises délocalisent ? Ou même d’acheter quelques actions chez Bosch ou ailleurs et d’aller dans les assemblées d’actionnaires pour porter la voix des travailleurs de sa région ? Son impuissance est volontaire.

S’engager dans la transition écologique et défendre les emplois industriels, n’est-ce pas antinomique ?

Certainement pas ! L’écologie n’est pas le problème. Les ouvriers qui font des injecteurs diesel aujourd’hui sont capables de fabriquer d’autres injecteurs. Ils ont la qualification pour ça. Il y a des alternatives et qu’on ne me dise pas qu’on ne sait pas quoi faire ! Mais qui a calculé le prix du malheur quand on réduit des gens à la misère ? Les former à un autre process de production et leur donner du travail c’est si peu coûteux ! Le libéralisme et Bosch qui fait des milliards de bénéfices sont incapables d’agir pour le bien de tous.

Quarante ans après le programme commun de François Mitterrand, la gauche est plus que jamais divisée au niveau national comme régional. Comment La France Insoumise peut-elle tirer son épingle du jeu sans cette fameuse union ?

En Occitanie, on n’avait aucune envie de faire une liste avec Carole Delga, elle appartient à la branche très droitière du Parti Socialiste. Elle n’est pas dans notre monde. Et quand elle dit qu’elle ne veut pas de nous au deuxième tour si elle se retrouve face au Rassemblement National, c’est par ce qu’elle lorgne les macronistes. Elle cherche davantage à rassurer le bourgeois qu’à mobiliser les milieux populaires. Ce PS-là on le connaît : très rose dessus, très blanc dedans.

Et au niveau national ?

Le PS, les Verts et le PCF pensent que c’est déjà perdu. Leurs candidats se comportent donc comme des figurants. Moi j’y vais pour gagner. Certes, ce sera plus difficile sans le PCF. Mais souvenez-vous 2017. Ils disaient déjà à cette époque que j’allais perdre largement. Finalement nous sommes passés de 8 % d’intentions de votes dans les sondages à un cheveu du second tour ! Ce qui fera la différence c’est le niveau de mobilisation populaire.

La présence de Marine Le Pen est-elle inévitable au second tour ?

Cela semble inévitable, elle a imposé ses thèmes et son vocabulaire : l’Islam, les immigrés et les coups de menton autoritaire. Macron a effondré les dernières digues en décembre dernier avec l’éloge de Pétain et Maurras alors que c’était deux collabos antisémites criminels ! Puis avec sa loi "séparatisme". Après quoi monsieur Darmanin a pu dire sur France 2 que Mme Le Pen serait "trop molle". Désastreux concours !

Votre plus grand adversaire s’appelle donc Emmanuel Macron ?

Non, eux tous : il me faut les battre les uns après les autres. Ce ne sera pas facile. Dans l’ambiance actuelle, je vois bien comment les coups pleuvent déjà sur moi. J’aurai 71 ans lors de l’élection. Cela veut dire que je ne suis pas là pour faire carrière, ni me positionner pour la suite. Si je suis élu, ma gloire ce sera de faire ce qui est prévu par le programme : abolir la monarchie présidentielle, remettre tout le monde au travail, faire respecter l’ordre républicain aux militaires et policiers factieux, créer les filières de formation pour la jeune génération pour engager la bifurcation et la planification écologique, rendre la France indépendante. On fera ça très vite. Il faudra donc se relever les manches tout de suite.

"L’accent ? Une connerie"

On ne pouvait pas résister à la tentation de demander à Jean-Luc Mélenchon s’il était impatient d’entendre l’accent, souvent chantant, des Aveyronnais, lui qui en 2018 s’était attiré les foudres des députés du département après avoir raillé une journaliste toulousaine sur son élocution. "C’était une connerie de ma part, se défend-il d’emblée. J’étais très énervé après l’histoire des perquisitions et je m’en suis pris à cette journaliste, que j’apprécie au demeurant. Les accents, c’est comme les fromages pour la France. Je les aime tous. Et on ne peut pas me faire ce procès, moi le pied-noir né à Tanger qui fut aussi raillé étant petit pour mon accent !"

 

 

Une marche pour l’emploi à 13h30 puis début du meeting à 14 heures

Largement en tête des suffrages, avec 35,64 % des votes, lors de la dernière présidentielle, Jean-Luc Mélenchon arrive en "terrain conquis" à Aubin aujourd’hui pour son premier meeting à l’air libre de la campagne. Ce meeting est d’ailleurs le tout premier des candidats déclarés à l’Élysée. Autant dire que l’Aveyron est au cœur de l’actualité politique ce dimanche. Et qu’Aubin et sa municipalité "insoumise" ont mis les petits plats dans les grands pour recevoir le leader charismatique de La France Insoumise et son équipe, déjà venus à plusieurs reprises dans le département au début des années 2000 et la dernière fois en 2015 pour une réunion à Rodez sur… la réforme des retraites.

Mémorial des fusillés

"J’attends et j’espère qu’il y aura 400, 500 personnes…", a confié Jean-Luc Mélenchon à son arrivée dans la petite commune du bassin decazevilloise, samedi soir. Le début de son meeting ce dimanche est, lui, prévu à 14 heures, sur le plateau des Forges. Une demi-heure avant, le candidat participera à une marche symbolique pour l’emploi dans le quartier du Gua. Le rassemblement est donné au jardin public. Les… marcheurs "insoumis" ont prévu un arrêt devant le mémorial des fusillés, en mémoire et en hommage aux 14 personnes abattues par des tirs de l’armée, le 8 octobre 1869 sous le Second Empire, lors d’une manifestation de soutien aux mineurs de la commune en grève pour une revalorisation des salaires. "Tout un symbole", pour Jean-Luc Mélenchon qui lors de son discours devrait s’attacher à parler de son programme pour l’emploi : la retraite à 60 ans, la diminution du temps de travail à 32 heures, la création d’une garantie d’emploi où toute personne sans emploi pourra, soit être embauchée au smic dans un secteur d’urgence, soit suivre une formation qualifiante prise en charge à 100 %…

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