Pourquoi il existe de plus en plus d'écoles alternatives à l'éducation classique ?

  • "La société se cherche, parce qu'il y a des difficultés économiques, la question environnementale se profile. Les gens considèrent qu'en changeant de pratique, ils vont s'améliorer", explique Hugues Lenoir.
    "La société se cherche, parce qu'il y a des difficultés économiques, la question environnementale se profile. Les gens considèrent qu'en changeant de pratique, ils vont s'améliorer", explique Hugues Lenoir. SolStock / Getty Images
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Relaxnews

(ETX Daily Up) - Partout depuis quelques années, de nouvelles formations alternatives fleurissent en parallèle de l'éducation classique. Ces modes d'apprentissage et d'éducation parlent à la jeunesse, friande d'un apprentissage par la pratique. Mais alors qu'elles sont présentées comme un renouveau dans l'éducation, notamment grâce aux nouvelles technologies, ces formations alternatives s'inscrivent dans un nouveau cycle, dont la racine idéologique prend forme dans les universités populaires.


Ecole de la Transition Écologique (ETRE), Collège Citoyen de France, Ecole Fauchon, Forward Collège, la Grande École du Numérique… Partout des nouveaux réseaux d'écoles et de formations fleurissent et proposent une alternative à l'école dite "classique". 

Au coeur de ces formations : éduquer des décrocheurs scolaires autrement, donner un nouvel élan à la formation politique, insérer une dimension écologique encore négliger dans le système supérieur, former aux métiers du numérique, en créant, à travers des jeux ludiques, en "faisant" et en mettant au coeur de la formation l'apprenant. 

Soulignant aussi, que "le modèle laïque est dépassé", comme l'exprime Hugues Lenoir, professeur-enseignant émérite en Sciences de l'Éducation à l'Université de Paris-Nanterre. 

Diversité et accessibilité

Dans ces formations, la diversité des profils et la manière de les impliquer comptent énormément. Et "faire" reste la meilleure des manières. C'est pourquoi au Forward College par exemple, les étudiants en troisième année s'investissent dans un rôle de consultant pour résoudre des problèmes dans des entreprises internationales. Les nouvelles formations sur les métiers verts et verdissants proposent aussi des cursus en immersion, comme à l'Institut Transition, où la formation d'un an mêle enseignements transversaux, pratique sur le terrain et perspective d'évolution professionnelle dans l'économie sociale et solidaire, la société post-croissance, ou encore l'agriculture en ville.

"Vous avez créé une école pour les jeunes qui n'aiment pas l'école", a dit une jeune fille à Frédérick Mathis, fondateur de l'Ecole de la Transition Écologique (ETRE), ouverte aux élèves décrocheurs du système scolaire classique. Sa formule, dans laquelle le manuel prend une place importante, a réussi à intéresser des personnes qui viennent de tout horizon. "Les groupes sont composés à 80% des jeunes en transition au parcours complexe (décrochage, déscolarisation, etc.) et 20% de personnes en reconversion professionnelle, des réfugiés, a expliqué à ETX Studio le fondateur. On mise beaucoup sur la mixité des publics pour amener d'autres réflexions et nourrir les parcours des uns et des autres". 

Car, en termes de diversité, rien n'a évolué dans les grandes écoles depuis les années 2000, selon un rapport de l'Institut des politiques publiques, publié en janvier 2021. De 2006 à 2016, deux tiers des étudiants des grandes écoles étaient issus de catégories sociales très favorisées, alors que seulement 10% étaient eux issus de catégories sociales défavorisées. Et ce, malgré l'augmentation de 4 à 5% des recrutements dans ces écoles. 

Pour la plupart gratuites, ou financées par les collectivités ou des acteurs du privé, ces nouvelles formations tentent de s'ouvrir petit à petit à un public de jeunes apprenants, ou de professionnels en reconversion, très demandeurs d'apprendre en faisant. 

"La société se cherche, parce qu'il y a des difficultés économiques et que la question environnementale se profile. Les gens considèrent qu'en changeant de pratique, ils vont s'améliorer", déclare Hugues Lenoir. Et si en plus, les individus forment et s'insèrent dans des collectifs pour transformer le social, renonçant à l'individualisme, "c'est plutôt une bonne nouvelle", nous explique Hugues Lenoir, professeur-enseignant en Sciences de l'Éducation à l'Université de Paris-Nanterre.

Les nouvelles technologies et la "pédagogie innovante"

L'arrivée du numérique a bouleversé les contenus et la façon d'apprendre. Souvent de manière plus indépendante et plus ludique. En 2018,  6 jeunes sur 10 considéraient Youtube comme la première méthode d'apprentissage, selon une étude réalisée par Pearson.

Les jeunes générations sont plus adeptes de l'apprentissage par eux-mêmes, et de l'expérience qu'ils acquièrent grâce à la méthode de "l'essai-erreur".  

Et la crise sanitaire a exacerbé cet usage des technologies dans l'éducation et montré le retard dans l'utilisation des technologies à l'école, mais aussi que la manière d'enseigner a considérablement changé avec ces outils.

"Il ne s'agit pas de répliquer exactement ce que l'on fait en présentiel mais d'adopter une pédagogie appuyée sur des outils flexibles, dynamiques et multi-médias qui permettent une pédagogie active et différenciée à la fois, par l'entremise d'applications qui invitent aux jeux, défis et autres simulations", explique Divina Frau-Meigs, professeure des sciences de l'information et de la communication à l'Université Sorbonne-Nouvelle dans The Conversation à propos de l'éducation en distanciel. 

Remise en cause du système scolaire

Après le baccalauréat, les cursus général, technologique ou professionnel, débouchent sur la suite logique attendue par le "contrat social" érigé par la société : la poursuite des études (l'université, l'école de commerce, école d'ingénieur, etc.) pour ensuite "trouver une place inégalitaire, certes, mais une place [sur le marché du travail] quand même", déclare Hugues Lenoir. "Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Nous avons un contrat qui n'est plus honoré par la République".

Cette remise en cause du système scolaire classique est pourtant loin d'être nouvelle selon Hugues Lenoir. "C'est une très vieille histoire, déclare-t-il. La commune de Paris remettait déjà en cause le modèle d'éducation de l'église". 

"En matière scolaire, le pouvoir populaire installé suite au soulèvement du 18 mars 1871 entama la création d'une école nouvelle", écrit Jean-François Dupeyron, enseignant-chercheur en philosophie de l'éducation à l'Université de Bordeaux, dans le numéro 16 de la revue Les Utopiques. A travers, les concepts d'éducation intégrale, d'école-atelier et de la méthode syndicale, il énonce "l'idée que le travail (et non le savoir) devait tenir le premier rôle dans les plans éducatifs".

Quelques années plus tard, en 1899, vient la création des universités populaires (UP) dont la première "La coopération des idées" naît à Paris. "La création des UP s'opère parce que le modèle de scolarisation était absent", interpelle Hugues Lenoir.

L'éducation était à l'époque au centre des préoccupations et la mise en place de ces universités a largement été portée par les anarchistes. "Il s'agissait à la fois d'associer des idées et des hommes d'origines sociales fort différentes, les uns issus du monde ouvrier et les autres de la sphère intellectuelle. Cette rencontre possible entre deux mondes jusque-là étrangers est la résultante de l'Affaire Dreyfus où, dans le cadre du soutien à ce dernier, une partie du prolétariat radical côtoiera ceux que l'on appelle depuis lors 'les intellectuels'", écrit Hugues Lenoir dans la revue "Possibles".

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