Djilali Benmoussa : «À chaque guerre, je sais que je vais recevoir des élèves» en Aveyron

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  • Les jeunes apprennent le français, au rythme de 12 heures par semaine en plus d’un enseignement général.
    Les jeunes apprennent le français, au rythme de 12 heures par semaine en plus d’un enseignement général. Centre Presse
Publié le
Xavier Buisson

L’Aveyron dispose de 132 places pour scolariser les élèves non francophones. Le dispositif est «rodé» localement selon l’inspection d’académie, et s’apprête à monter en régime avec l’accueil d’élèves Ukrainiens. Djilali Benmoussa, enseignant en Français langue étrangère, explique la passion de ce métier qui l’anime depuis plusieurs années aux côtés de jeunes de tous horizons.

Le collège Jean-Moulin de Rodez fait partie des onze établissements du secondaire à disposer, dans l’Aveyron, d’une Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants. À ce titre, il accueille de jeunes élèves dont la langue maternelle n’est pas le français, et qui ont pour autre point commun d’être, souvent, «bien cabossés» selon la principale du collège Caroline Féral-Soulié.
«À chaque guerre, je sais que je vais recevoir des élèves». Voilà plusieurs années que Djilali Benmoussa enseigne, à Jean-Moulin, le Français langue étrangère (FLE) à des jeunes de tous horizons : Géorgiens, Tchétchènes, originaires d’Afrique subsaharienne, Espagne, Italie, Portugal, Pologne, Albanie, Inde… et bientôt, il le sait, de jeunes Ukrainiens. Potentiellement nombreux.

«Ils m’apprennent l’enseignement»

«C’est un choix, je me destinais à enseigner de façon ordinaire. On essaye de leur donner de l’espoir, en quantité équivalente au désespoir qu’ils ont vécu.. Déconstruire et construire sans cesse… Ils m’apprennent l’enseignement».
La classe de Djilali Benmoussa accueille actuellement Abdou, Comorien, Yubna, Mahoraise, Wojciech, Polonais, Amarildo, Albanais sans oublier un jeune Syrien et une Turque… «Il y a plusieurs profils, explique-t-il. Migrants économiques, en famille, qui n’ont pas subi de traumatisme, mais aussi des mineurs non accompagnés et migrants en provenance de pays de guerre, pour qui la situation n’est pas la même… Certains font des cauchemars».
Au rythme de 12 heures par semaine et ce en plus d’un enseignement général, ces jeunes apprennent donc le français. Pour créer le lien et évaluer ses élèves, Djilali Benmoussa dispose d’images et cartes en une cinquantaine de langues. «Une première radiographie des compétences, pour voir sur quoi on va travailler ensuite », résume-t-il.
Et alors que 30 000 réfugiés ukrainiens sont aujourd’hui en France, la perspective d’un afflux de nouveaux élèves ne semble pas terrifier l’enseignant. «J’adore voyager et quand j’ouvre la porte de ma classe, je fais le tour du monde. Ma mission est de les inclure le plus vite possible, leur faire pousser des ailes», explique-t-il.
Pour ce faire, les liens entre l’enseignant et «ses» jeunes dépassent souvent le strict cadre scolaire, avec des repas en famille ou des projets culturels.
«On est dans la discipline plurielle, notre but est de faire cohabiter ces petits éclats de mosaïque, parce que nous sommes le monde».
Selon l’inspection d’académie, une centaine de places pourraient être débloquées si besoin pour ces élèves allophones.

 

«On sait faire!» : adaptabilité et sérénité du côté de l’Éducation nationale

«L’arrivée des Ukrainiens, un pays en guerre, ça crée de l’émoi. On sent un sentiment d’urgence. Tout le monde est dans l’urgence affective mais la meilleure des réponses possibles est de fonctionner avec une procédure rodée. Et on sait faire !».
Jean-Michel Julita, inspecteur de l’éducation nationale chargé de l’information et de l’orientation est l’une des chevilles ouvrières du dispositif UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants). «Pendant longtemps, il n’y a pas eu d’accueil pour les élèves allophones. Le besoin est arrivé en même temps que les vagues migratoires, notamment celles des Mineurs non accompagnés, explique-t-il. Nos dispositifs fonctionnent depuis longtemps. On a su faire avec des Syriens, des Afghans, des Maliens… on saura faire avec des Ukrainiens!». La question centrale : le nombre de ces élèves qui devront être accueillis dans des établissements aveyronnais. La capacité d’accueil actuelle est de 60places en collège, 70 en lycée. «Il reste 47places disponibles, mais on pourrait monter à une petite centaine si besoin», assure Jean-Michel Julita.
Reste à vérifier, dans les prochains jours, la véracité d’une rumeur persistante : ces élèves, désireux comme leurs parents de rentrer au plus vite dans leur pays, pourraient recevoir un enseignement à distance de la part de professeurs ukrainiens, de manière à poursuivre leurs apprentissages dans leur langue maternelle.

«Actuellement nous avons 12 élèves, nés entre 2004 et 2006. Le principe est l’inclusion. L’enfant doit être inscrit dans une classe, il suit des cours de français à hauteur de 12 heures par semaine en même temps qu’une immersion dans le quotidien. L’expérience montre qu’au collège, en 12 voire 18 mois, on arrive à un niveau de français tout à fait correct, suffisant pour suivre. Ça fonctionne plutôt bien, on est toujours étonné de voir les progrès de ces jeunes, notamment les Mineurs non accompagnés, qui sont très volontaires et ont une grande envie d’apprendre le français. Il y a une grande diversité des profils, avec un pic, il y a quelques années, d’arrivants anglophones dans la région de Villefranche-de-Rouergue. On adapte, on est pragmatique».
Jean-Noël Taché, proviseur du lycée Foch de Rodez.

Quelle orientation pour les jeunes ?

Le premier accueil de ces élèves allophones, dont la langue maternelle est une langue étrangère, se fait dans l’établissement scolaire ou au Centre d’information et d’orientation (CIO). Pour les jeunes relevant du primaire, les maires sont à la manœuvre et se chargent de les inscrire eux-mêmes.
Entre 11 ans et 16 ans, six collèges (Carco à Villefranche-de-Rouergue, Kervallon à Marcillac, Marcel-Aymard à Millau, Fabre et Jean-Moulin à Rodez, les Quatre-Saisons à Onet-le-Château) disposent d’un total de 72 places en UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants. Au-delà de 16 ans, ils seront accueillis dans cinq lycées : EREA de Laurière à Villefranche-de-Rouergue, Monteil (deux filières) et Foch à Rodez, Jean-Vigo à Millau (60 places). Les élèves allophones peuvent aussi être accueillis dans les établissements ne disposant pas d’UPE2A. Dans ce cas un enseignant est désigné pour leur dispenser un enseignement de Français langue étrangère, dotation horaire à la clé.

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