Aveyron : la tarte au chocolat de l'abbaye de Bonneval, une recette à réaliser en famille

  • Sous une neige de mars improbable, le chocolat réconforte, renvoie lui aussi à l'enfance. Thé et mélisse ouvrent la palais. Sous une neige de mars improbable, le chocolat réconforte, renvoie lui aussi à l'enfance. Thé et mélisse ouvrent la palais.
    Sous une neige de mars improbable, le chocolat réconforte, renvoie lui aussi à l'enfance. Thé et mélisse ouvrent la palais. - Antonin Pons Braley
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Alix Pons-Bellegarde

"Le patrimoine culinaire vivant ne saurait faire l’impasse sur la transmission." Cette semaine, au-delà de la recette gourmande qu’elle a enseignée à son jeune fils, la cheffe Alix Pons-Bellegarde nous rappelle que "la cuisine est cette langue vivante qui s’oublie si vite si l’on ne la parle pas". Et elle nous en parle si bien tous les dimanches dans Centre Presse…

Je me souviens sa première fois sur un tabouret. Pointe des pieds, à hauteur de piano. Le tablier repris dans sa sangle pour éviter qu’il ne trébuche dessus.

La cocotte orange sur le feu. Ces quelques minutes à lui montrer le geste, lui tendre la spatule en bois, le voir s’y atteler. Hésiter, répéter, encore, prendre confiance. Pour in fine, remuer lentement la sauce. D’un mouvement continu la lier. Amoureux. Inenseignable. Inapprenable, si ce n’est peut-être sur la pointe des pieds.

Voilà cinq ans à présent, un peu plus. Depuis le tabouret n’est plus nécessaire.

Il n’y a qu’un seul ourlet dans le tablier. Les mains se sont entraînées, aguerries. Le bonhomme a grandi et son désir avec lui. Aujourd’hui, Alex va sur ses onze ans ; la transmission c’est d’avoir pu, un peu, toujours j’espère, accompagner l’envie ; faire qu’elle perdure, au-delà de nous-mêmes. Comme il a souhaité s’emparer des voyages, de la mer avec Antonin, la voile, l’océan, l’aventure. Ou du jardin, avec ses grands-parents. À mes côtés, depuis avant même sa naissance, cueillette et fourneaux. Comme son petit frère après lui.

C’est là, notamment, que "ça" se joue. "Ça", la vie-de-l’un-à-l’autre, la vie-relais, la vie-présence. L’inapprenable.

"Si on faisait une tarte au chocolat ?"

Dès lors, le "devenu grand" cuisine, imagine, teste. Construit le monde qui lui correspond. D’apprentissages en apprentissages, pas à pas. Ce matin : "Maman, si on faisait une tarte au chocolat Thé d’Aubrac de Bonneval, en ganache, aux herbes du jardin ?". Alors "oui, évidemment".

Une étude récente dédiée à l’évolution de la transmission parents-enfants depuis les années soixante à nos jours, pointe un paysage étonnamment à revers des clichés. Si le chapeau est encore invariablement porté par ces dames – plus émancipées et de fait davantage absentes du foyer, ainsi tenues comme responsables, comme souvent, du délitement, alors que l’élaboration des repas n’a que très peu été rééquilibrée auprès de ces messieurs –, la transmission par l’exemple sort en réalité à peine de ses heures noires. Il apparaît que la génération des 50-64 ans n’a pu qu’à 57 % seulement cuisiner aux côtés des parents, quand les 18-24 ans sont aujourd’hui a contrario 87 % à reprendre les gestes côtoyés plus jeunes auprès des "grands". Une tendance de surcroît renforcée par le confinement récent, à l’heure où les anciens enfants se muent en futurs parents. Prometteur, finalement.

Recettes de grands-mères

A fortiori sur des terres de pratiques au long cours, de recettes de grands-mères, de traditions et saisons, comme ici en Aveyron, le patrimoine culinaire vivant ne saurait faire l’impasse sur la transmission. La cuisine est cette langue vivante qui s’oublie si vite si l’on ne la parle pas. Et le partage est sa grammaire. Comment aimer si l’on ne l’a pas été. Comme dire, si l’on a jamais écouté. Comment vivre ensemble – à la table, dans un même monde – si l’enfance ou bien le chemin, n’ont su ponctuer le parcours de tabourets sur lesquels sur la pointe des pieds se hisser.

Ce matin, il fait, j’aiguille : pâte brisée. Dans un saladier, tamiser deux cent cinquante grammes de farine, augmentés de leur moitié en beurre bien froid découpé en petits morceaux, d’une pincée de fleur de sel, d’une cuillère à soupe de cacao amer en poudre et de soixante-quinze grammes de sucre glace passés au crible. Mêler les ingrédients jusqu’à l’obtention d’un sable, puis tout en travaillant la pâte, ajouter de l’eau en filet ainsi que deux jaunes d’œufs, pour la rendre homogène. La rouler en boule et filmer, de sorte à ce qu’elle repose une heure au moins. Pour la cuire, préchauffer le four à cent quatre-vingts degrés puis faire confiance une trentaine de minutes environ, après l’avoir piquée et couverte de haricots secs pour éviter qu’elle ne gonfle à la chaleur.

Ganache au chocolat

Hacher finement trois cents grammes de chocolat de Bonneval au thé d’Aubrac – ou bien aux éclats de fèves de cacao – et réserver. Dans une casserole, faire bouillir autant de crème fleurette puis verser la moitié du liquide en une seule fois sur le chocolat, en émulsionnant au fouet d’un mouvement circulaire et constant. Ajouter le restant en remuant de la même façon. Joindre un peu de beurre découpé en morceaux. Verser enfin directement le mélange dans le fond de tarte refroidi. Puis saupoudrer au tamis de cacao, et orner de feuilles de mélisse fraîche. Aujourd’hui, c’est lui qui régale. Nous passons à table. Goûter de fin d’après-midi. Sous une neige de mars improbable, le chocolat réconforte, renvoie lui aussi à l’enfance. Thé d’Aubrac et mélisse ouvrent grand le palais. Alex coupe les parts. Son petit frère n’en perd pas une miette, hissé sur son tabouret, sur la pointe des pieds.

Cheffe et chercheuse

Aux racines indiennes et catalanes, Aveyronnaise d’adoption, Alix Pons Bellegarde est cheffe-chercheuse. Avec l’anthropologue Antonin Pons Braley et leurs enfants, elle parcourt le monde pour archiver les cultures culinaires des régions insulaires et nordiques. Le couple fonde en 2021 sa marque "Famille Pons Bellegarde" et sa Revue dédiée à l’univers du sel.Depuis Bezonnes, près de Rodez, il lance également ce printemps-ci un Journal consacré chaque mois à un alimentarium aveyronnais, ainsi que sa Table et son Épicerie de saison. Le duo livre chaque semaine aux lecteurs de Centre Presse un journal de bord aveyronnais de la cuisine d’Alix.

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