Pourquoi l'aide publique perçue par la Fédération nationale de chasse a explosé sous l'ère Macron ?

  • Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, la Fédération nationale de chasse a pris du galon, et du portefeuille.
    Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, la Fédération nationale de chasse a pris du galon, et du portefeuille. Archives CP
Publié le , mis à jour

Alors que la Fédération se doit de publier ses comptes chaque année, ils viennent enfin d'être rendus publics via le Journal officiel daté du 8 août. Et la hausse des dotations publiques la concernant y est impressionnante.
 

En cinq ans, de l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée en 2017 et jusqu'en 2021, les aides publiques perçues par la Fédération nationale de chasse (FNC), "association agréée d’utilité publique", est passée de 27 000 euros à près de... 6,3 millions d’euros. Soit une hausse de... 42 000 %, selon le site lanceuralerte.org De quoi assurer une jolie santé financière à la FNC, d'autant que les cotisations de chasseurs ont elles aussi bondi, détaille le Huffington Post : alors qu'elles avoisinaient les 11 millions d'euros jusqu'en 2016, en 2020 et 2021, elles ont tourné autour de 28 millions d'euros.

Un bond des cotisations lié à la baisse du prix de permis national de chasse, voulue par Emmanuel Macron, qui est passé de 400 à 200 euros, lequel permis a fini par séduire bon nombre d'amateurs de la chasse. De plus, depuis 2019, l'Etat verse à la Fédération une éco-contribution de 10 euros pour chaque permis de chasse validé, une mesure représentant environ 10 millions, voire 15 d'euros par an, et qui est censée financer des projets liés à la biodiversité.

Des compétences élargies

Pour la FNC et son président Willy Schraen, qui a déclaré voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle, c'est le jackpot. Un jackpot qui ulcère les écologistes. "On se doutait depuis longtemps que les chasseurs étaient assis sur un tas d’or grâce au soutien de l’État. Mais là, on a les chiffres !", s'indigne le député EELV Nicolas Thierry, alors que le coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Julien Bayou, qualifie Emmanuel Macron de "président des lobbys contre le vivant". Début mai, juste avant l'élection présidentielle, le candidat Macron avait retourné l'ascenseur à Willy Schraen en déclarant que les chasseurs "sont des acteurs importants de la ruralité et de la protection de la biodiversité. [...] On a besoin de nos chasseurs", en mettant en avant notamment leur "lutte" contre la prolifération des sangliers. En 2018, il s'était également prononcé pour le retour des chasses présidentielles, selon lui un "instrument d'attractivité" de la culture française. 

Autre mesure mise en place par Emmanuel à destination des chasseurs, la mise en place en 2019 d'un comité d'experts pour définir, selon les propres termes du chef de l'Etat, une “gestion adaptative des espèces, afin que quand il commence à manquer d’animaux d’une espèce", sa chasse soit immédiatement suspendue "en négociation avec les chasseurs”. Un comité d'experts qui compte autant de scientifiques que de chasseurs mais qui ici, au final, fonctionne plutôt mal.

La chasse est-elle devenue un pouvoir politique ?

L'explosion de ces dotations publiques en faveur de la Fédération nationale de chasse s'explique en partie "par le fait que de grosses parties de l’argent qui était autrefois alloué aux fédérations départementales de chasseurs, notamment via la délivrance des permis, le sont désormais à la Fédération nationale, qui en a récupéré la prérogative", selon les services de la Première ministre Elizabeth Borne, interrogés sur la parution des comptes de la FNC dans le Journal officiel.

Pour le président de la FNC, Willy Schraen, "il n’y a pas un euro d’argent public qui n’est pas utilisé à bon escient", justifiant cette hausse des subventions par le fait que la Fédération doit maintenant "prendre en charge la gestion des associations communales de chasse agréées et l’attribution des plans de chasse individuels, missions autrefois exercées par les préfets" jusqu'à la nouvelle loi Chasse de 2019, selon France Info. Un surcroit de missions qui a nécessité, notamment, une hausse de 28,67 % de la masse salariale de la Fédération.

La puissante Fédération nationale de chasse se retrouve aujourd'hui en position de force, avec des nouvelles prérogatives, environnementales, préfectorales, économiques avec la gestion financière des associations communales de chasse, mais également quasiment politique : avec ses 4 millions de pratiquants dont plus d'un million de détenteurs de permis, le monde de la chasse est devenu à lui seul un l'équivalent d'un parti dont il faut compter, surtout en période électorale. Emmanuel Macron semble l'avoir bien compris.