En visite en Aveyron, Patrick Pelloux déplore "la déconfiture du système de santé après le Covid"

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  • Patrick Pelloux (au centre), entouré par Frank Becker (à gauche) et Pierre Rodriguez.
    Patrick Pelloux (au centre), entouré par Frank Becker (à gauche) et Pierre Rodriguez. Centre Presse - Philippe Henry
Publié le , mis à jour

Patrick Pelloux, médecin urgentiste au Samu de Paris et président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), était en visite en Aveyron où il a rencontré les personnels hospitaliers des établissements de Decazeville et de Rodez. 

Sa dernière venue en Aveyron remonte à 2003. à l'époque, Patrick Pelloux avait fait le déplacement à Saint-Affrique pour soutenir les hôpitaux de proximité ou encore le maintien de la maternité à Decazeville. Depuis, la situation a quelque peu évolué autant pour l'hôpital du Bassin que celui du Sud-Aveyron. 

Alors, après rencontrer le personnel des urgences des établissements de Decazeville et de Rodez, ce jeudi 29 septembre, tout au long de la matinée et à l'invitation de l'Amuf (Association des médecins urgentistes de France), celui qui n'a pas l'habitude de manier la langue de bois souligne " le travail de proximité et de terrain qui a été fait avec l'hôpital de Decazeville mais également celui de Rodez".

Quelle est l'importance de ces hôpitaux de proximité ?

C'est vraiment le socle de la République. Ce qui fait qu'on n'oublie pas la population. C'est une richesse que les directions des hôpitaux ont compris, ainsi que l'Agence régionale de santé (ARS) qui ont soutenu leur pérennisation. Il faut que la population comprenne qu'elle a la chance d'avoir ce projet. Et ça tient la route. Il faut que les gens jouent le jeu. Qu'ils prennent rendez-vous à Decazeville, qu'ils aillent voir les médecins qui font l'effort de venir à côté de chez eux. Il faut faire vivre la proximité.

Cette situation que vous décrivez en Aveyron ne se retrouve pas ailleurs ? 

Des situations que l'on retrouve à Decazeville, il y en a partout. En plein Paris. On a assisté à la déconfiture du système de santé après le Covid. On a l'impression que les soignants ont tout donné pour faire face, dans une certaine émulation. Nous sommes en mars 2020, la France s'arrête pendant que les soignants prennent tout en charge, ils sont applaudis, les heures supplémentaires sont payées, etc. Nous avons connu plusieurs mois de travail facilités et très motivant. Puis, cette période s'est achevée et il y a eu un dégoût du personnel car tout est redevenu comme avant. Je crois que la classe politique libérale qui veut la fin du service public hospitalier tel qu'il existe aujourd'hui a eu très peur qu'on s'aperçoive qu'ils avaient fait n'importe quoi au cours des 20 dernières années. Près de 100 000 lits de fermés, notamment. Ils ont cassé l'hôpital. Ce que l'on retrouve localement, on peut le retrouver absolument partout. 

Selon vous, comment résoudre les problèmes existants ? 

Il faut lancer un rattrapage des salaires chez les paramédicaux d'au moins 30 %. Sinon, on n'y arrivera pas. Il y a aussi une question de sens, bien sûr. Mais le sens ce n'est pas ce qui vous fait payer votre baguette de pain et le reste. Mais le travail de nuit, le week-end, des métiers qui assurent des gardes reste un sujet qui est un véritable serpent de mer concernant les hôpitaux publics. J'ai expliqué à François Braun, l'actuel ministre de la Santé, qu'il fallait valoriser le travail de nuit, les week-ends et jours fériés afin de rendre attractif les métiers pour combattre l'intérim. 

Vous évoquez plusieurs fois le terme "d'ubérisation de la médecine". Qu'entendez-vous par là ?

L'ubérisation de la médecin est une parade pour éviter toutes ces augmentations de salaire. La télémédecine par exemple, la surconsommation du soin. Pour résumer, tout le monde peut faire ce que les autres font : aujourd'hui, le pharmacien peut vacciner. Pourquoi pas, mais du coup les médecins râlent. On peut les comprendre. Et puis, lorsqu'on dit qu'il faut plus de médecins en France, personne ne veut redonner du sens aux soins, mettre plus de personnels, mieux rémunérer ceux qui sont sur le terrain. Le Gouvernement ne s'attaque pas aux vrais problèmes. Au lieu de ça, on dit aux infirmières de faire de la médecine. C'est ce qu'on voit avec l'arrivée des IPA (infirmier en pratique avancée) qui auront le droit de diagnostiquer, de prescrire, d'examiner les patients. Cela s'appelle un médecin. En clair, ceux qui ont les moyens verront des médecins. Les autres devront faire autrement. Ils verront des gens à travers les écrans. Un malade doit s'examiner, obligatoirement. 

Des départements ruraux comme l'Aveyron se retrouvent également confrontés à une grave pénurie de médecins spécialisés. Que préconisez-vous ? 

Je suis pour le retour à l'obligation de mettre en place des gardes ou de leur laisser la possibilité de s'organiser. Cela ne doit pas reposer que sur la médecine générale. Par exemple, pour la psychiatrie, domaine dont on parle peu dans la permanence de soins, on devrait mieux les payer  et leur demander de venir une à deux fois par an à l'hôpital le plus proche. C'est la même chose pour la cardiologie, la chirurgie orthopédique, etc. 

Le service des urgences est-il la partie de l'hôpital public qui vous inquiète le plus ? 

C'est mathématique : lorsque l'on ferme des lits d'hôpitaux, la fréquentation des services des urgences augmente. Il y a eu 4 300 fermetures de lits l'année dernière. Les chiffres sont accablants et on continue à en fermer. On ne peut pas dissocier le service des urgences. Il y a un problème global de l'hôpital. Si l'établissement fonctionne bien et qu'il est doté en lit, il y a très peu de problèmes aux urgences. 

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